Mistral : retour sur un interminable contentieux franco-russe

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"MISTRALGATE" - La France a annoncé mardi que la livraison du navire Mistral à la Russie était reportée "jusqu'à nouvel ordre". Retour sur un feuilleton diplomatique.

La livraison des navires de guerre Mistral n'en finit plus d'alimenter la polémique entre la Russie et la France. Dernier épisode en date : le report "jusqu'à nouvel ordre" de la commande russe, suspendu par l'Elysée à un règlement de la crise en Ukraine. Dans la foulée, Moscou a fait savoir qu'elle ne poursuivra pas "pour l'instant" la France en justice. Car l'enjeu est aussi financier : si la France ne livre pas les navires à la Russie, elle pourrait s'exposer à des demandes de compensation de la Russie, et pourrait même devoir payer des pénalités allant jusqu'à deux milliards d'euros. Retour sur les principaux épisodes de cette saga diplomatique.

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>> 17 juin 2011 : un contrat pharaonique

Mistral Bateau

Nicolas Sarkozy, alors président de la République, se réjouit de la vente de deux navires de guerre Mistral à la Russie. Pierre Lelouche, le ministre du commerce extérieur, s’extasiait encore davantage : "Ce contrat est historiquement et psychologiquement une nouvelle page". Il faut dire que le montant du contrat s’élève alors à 1,2 milliard d’euros. Une aubaine pour les chantiers navals de Saint-Nazaire. A l’époque, le premier navire est prévu d’être livré en décembre 2013. Côté russe, on a également le sourire. Un temps qui semble bien révolu.

>> 10 mai 2014 : Malgré l’Ukraine, un contrat maintenu

Car au mois de mars 2014, les relations entre la Russie et les pays occidentaux se tendent nettement. La guerre en Ukraine et le référendum sur le rattachement de la Crimée ont provoqué une crise diplomatique entre les deux camps. La France envisage alors de suspendre ses contrats d’armement avec la Russie. Mais le 20 mars, le ministre de la défense Jean-Yves le Drian annonce qu’aucune décision ne sera prise avant octobre.

Finalement, le 10 mai 2014, François Hollande livre une première partie de réponse. "Ce contrat a été signé en 2011, il s'exécute et il trouvera son aboutissement au mois d'octobre prochain. Pour l'instant il n'est pas remis en cause", certifie alors le président de la République. Au grand dam des Etats-Unis, qui clament haut et fort que la France doit annuler la livraison des Mistral en représailles.

>> 3 septembre 2014 : La France suspend la livraison

Jusqu’à septembre de cette année, jamais la France n’avait émis de réserves sur la vente des navires de guerre. Mais à la rentrée, la situation en Ukraine pousse le Président de la République à suspendre la

Mistral,

 livraison des Mistral. L’Elysée soumet alors le contrat à deux conditions : un cessez-le-feu et un règlement politique de la crise ukrainienne.

Il faut dire que la France est sous pression de ses partenaires, notamment les Etats-Unis et le Royaume-Uni, qui poussent toujours pour une annulation du contrat. Mais à Moscou, l’heure n’est pas à l’inquiétude. Car le contrat n’est pas annulé pour autant. Et les responsables russes rappelaient, déjà, que la France s’exposerait à de très lourdes pénalités financières si elle ne tenait pas ses engagements.

>> 29 octobre 2014 : cacophonie entre les deux pays

La Russie annonce à la fin du mois d’octobre que la France tiendra bien ses engagements. Le Kremlin assure alors avoir reçu une invitation des chantiers de Saint-Nazaire pour une première livraison le 14 novembre. Une déclaration embarrassante pour la France. Car le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait indiqué que le président François Hollande rendrait sa décision sur la livraison controversée du Mistral à la Russie "courant novembre".Thierry Mariani, député UMP des Français de l'étranger, avait lui affirmé que les navires pourraient arriver en Russie, sur Europe 1.

Les Mistral pourraient finalement arriver en...par Europe1fr

Mais à la mi-novembre, le dossier est toujours bloqué. Et les navires, eux, attendent toujours à Saint-Nazaire.

>> 14 novembre 2014 : la Russie hausse le ton

A quelques heures de la rencontre entre Vladimir Poutine et François Hollande au G20 de Brisbane, le Kremlin fixe un ultimatum à Paris. Comme prévu dans le contrat, la France a donc jusqu'à fin novembre si elle ne veut pas s'exposer à de "sérieuses" demandes de compensation. En Australie, les présidents russes et français n'abordent pourtant pas cette question brûlante. François Hollande confirme lors de la conférence de presse de clôture du G20 : "Cette question du Mistral n’a pas été posée du tout ici, non seulement au sein des partenaires au sein du G20 ni par le président Poutine lors de notre entretien". Ce ne sera que partie remise.

>> 25 novembre 2014 : la France reporte la livraison

La France répond au coup de pression russe. L’Élysée annonce le report jusqu'à nouvel ordre de la livraison du premier navire de combat, tant que la crise en Ukraine ne sera pas réglée. Le premier bâtiment, le Vladivostok, devait initialement être livré en octobre. Un calendrier qui ne sera donc pas respecté par Paris. La Russie, de son côté, annonce qu'elle ne poursuit pas la France en justice..."pour l'instant".