Gaza Palestine Israël Hamas 1280 MAHMUD HAMS / AFP 2:32
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Gwendoline Debono, édité par Anaïs Huet
55 Palestiniens ont été tués lundi dans des heurts avec Israël. L'Etat hébreu et les Etats-Unis rejettent la responsabilité de ce bain de sang sur le Hamas, accusé de pousser son peuple à manifester.
L'ENQUÊTE DU 8H

Au lendemain des heurts sanglants entre manifestants palestiniens et Israéliens, la communauté internationale condamne unanimement le massacre, où 55 Palestiniens ont été tués et 2.400 ont été blessés. De leurs côtés, Israël et les Etats-Unis rejettent la responsabilité de ce bilan sur le Hamas, agitateur volontaire selon les deux alliés. 

Un mouvement initié par les Gazaouis, récupéré par le Hamas

L'organisation palestinienne n'est pas à l'origine de ces marches. Personne n'est d'ailleurs forcé d'aller manifester. Pour autant, au fil des semaines, le Hamas a récupéré ces rassemblements. Lundi, l'un de ses leaders haranguait la foule à distance de la zone tampon où les Israéliens se réservent le droit de tirer. 

Certains de leurs hommes sont aussi présents parmi les groupes qui s’avancent en première ligne sur la frontière, à l'image de ce responsable de quartier qui "briefe" un manifestant à qui notre reporter demande une interview. "Wael, fais gaffe à ce que tu dis quand tu parles ! C'est une manifestation pacifique. Pacifique !", martèle-t-il. 

Parmi les manifestants, beaucoup critiquent l'appropriation du Hamas. "Je suis là pour rappeler au monde que Gaza existe, pas pour soutenir une organisation politique", s'agacent plusieurs Palestiniens rencontrés par Europe 1. 

Pourquoi le Hamas s'immisce-t-il dans ce mouvement, né de la société civile ?

Le mouvement islamiste croit traditionnellement plus au pouvoir des roquettes qu’à celui des manifestations. Or, depuis le début du mouvement, le Hamas n'en a pas tiré une. C'est un tournant dans sa logique. Pour la première fois, il semble réaliser qu'au vu de la supériorité militaire israélienne, le conflit armé n'est pas la solution la plus efficace. Lors d'un récent meeting adressé à la jeunesse, Yahya Sinouar, le chef du Hamas à Gaza, déclarait : "Qui aurait pu s'imaginer que le peuple de Gaza, affamé depuis onze ans, que la jeunesse bloquée à Gaza, aurait été capable de créer ce miracle ? Ils nous demandent ce que l'on va faire maintenant. On leur dit : 'Il y a un tigre dans la bande de Gaza, il est affamé depuis onze ans'. On leur dit clairement qu'aucune force ne sera capable de faire rentrer ce tigre dans sa cage".

L'avenir du Hamas en jeu

Le Hamas voit donc dans ces manifestations la possibilité d'obtenir de la part d'Israël un allègement du blocus, et pour le mouvement islamiste, il y a urgence. Le Hamas est aux affaires depuis onze ans, et Gaza est devenu un territoire à l'agonie. Plus d'argent, plus d'emploi, pas d'eau potable… Les jeunes ne rêvent que de partir. À mots couverts, la colère qui s'exprime est aussi dirigée vers l'organisation politique palestinienne. Ses responsables le savent : le Hamas joue ici sa survie.

Une nouvelle mobilisation est prévue mardi à Gaza, près de la frontière. C'est le jour où les Palestiniens commémorent la "Nakba", la catastrophe qu'a constitué pour eux la création d'Israël en 1948.