Irak : dans Tikrit libéré, un paysage de désolation

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Gwendoline Debono avec , modifié à
REPORTAGE E1 - Les forces irakiennes ont repris la ville de Tikrit à l’Etat islamique, à la fin du mois de mars. Europe 1 s’est rendu sur place.

C’est la première grande victoire des forces irakiennes contre l’organisation djihadiste État islamique. La libération de Tikrit, ancien fief de Saddam Hussein situé à 160 kilomètres de Bagdad, est un symbole fort. A la fin du mois de mars, le premier ministre irakien avait annoncé la reprise de la ville, après plus de dix mois d’occupation par les forces de l’État islamique. Gwendoline Debono, l’envoyée spéciale d’Europe 1, s’est rendue à Tikrit, encore déserté par ses habitants.

Une ville livrée aux miliciens. L’ancien fief de Saddam Hussein, majoritairement sunnite, est désormais livré aux miliciens chiites, ces paramilitaires qui se sont engagés volontairement pour combattre aux côtés de l’armée irakienne. Tikrit n’est plus une ville, c’est un trophée. On ne voit que ces miliciens surarmés qui foncent sur des pick-up entre les palmiers. Certains d’entre eux sont masqués et tirent à la mitrailleuse comme enivrés, sous les coupoles éventrées des palais de l’ancien dictateur irakien.

Les civils ont déserté. Tikrit s’est littéralement vidée de ses 150.000 habitants. Aucun civil n’est revenu dans la cité irakienne depuis la fin des combats. Quand on écoute un des miliciens, on comprend pourquoi la population craint d’y retourner. "On se vengera contre tous les gens du coin qui ont supporté l’État islamique, qui ont eu de la sympathie pour eux, qui sont complices d’avoir tué nos frères, nos sœurs, les enfants de notre pays !", jure-t-il.

Des mines disséminées dans la cité. A la peur des représailles s’ajoutent ces milliers de mines disséminées un peu partout par les djihadistes, dans les maisons comme dans des banques. Un milicien nous emmène sous une imposante arche, où une cinquantaine d’obus non explosés reposent à nos pieds. Mais c’est loin d’être le seul danger, nous explique-t-il. "Pour l’instant, on capture encore tous les jours entre 10 et 20 hommes de l’État islamique ici, des arabes, des européens parfois. Ici il y a des ravines, des tunnels et des caves et certains se cachent encore à l’intérieur.  Mais vous savez, ils ont fui lorsque nous sommes arrivés. Cet État islamique, ce n’est qu’un tigre de papier", assure le milicien.

"On n’a pas besoin" de la coalition occidentale. Pour libérer Tikrit, les forces irakiennes ont pu s’appuyer sur le soutien aérien de la coalition internationale menée par les États-Unis. Mais lorsque vous rappelez à ces hommes que les frappes françaises ou américaines les ont quand même un peu aidés, voici ce qu’ils répondent : "Non non pas du tout, au contraire, la coalition et particulièrement les Américains nous ont ralenti. Ils ont essayé de s’en prendre à nous quand on tentait de libérer Tikrit de l’état islamique ! On n’a pas besoin d’eux, c’est clair. On se bat sans tank, sans blindé, sans casque et sans gilet par balle. C’est nous contre eux et on s’en sort très bien tout seul, simplement avec nos uniformes."

Les combats ne sont pas finis près de Tikrit. Le milicien a beau pérorer, l’épaisse fumée qui s’élève au loin nuance ses propos : trois militaires tirent des obus de mortier sur un village voisin. Des djihadistes seraient toujours là-bas, alors que des miliciens dansent en ronde au bord de la route.

Le reportage de notre reporter Gwendoline Debono :

Irak : après les combats, Tikrit dévastépar Europe1fr

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