En Irak, l'Etat mène une guerre de propagande télévisée

Télévision irak 1280
Un militaire irakien observe la confession télévisée d'un ancien membre d'Al Qaïda (illustration). © ALI AL-SAADI / AFP
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Gwendoline Debono avec B.G. , modifié à
BATAILLE DE L'IMAGE - Face à l'Etat islamique et à sa communication huilée, le gouvernement irakien s'engage sur le front de la guerre des images en diffusant un programme télé un peu particulier.
REPORTAGE

Une télé-réalité anti-djihad. Un magazine traduit en anglais et en français, des vidéos diffusées par dizaines dans le monde entier, l'organisation Etat islamique ne combat pas seulement à coups de kalachnikov, mais aussi par l'image. Dans cette guerre de propagande qui l'oppose à l'EI et qui avait déjà vu se monter une série satirique où apparaissait son leader Abou Bakr al-Baghdadi, le gouvernement irakien et l'armée ont choisi de riposter en diffusant un programme un peu particulier sur la chaîne nationale Al Sumaria. Le concept de l'émission ? Mettre en scène des membres de l'EI fraîchement capturés, et filmer leur repentance. Reportage de l'envoyée spéciale d'Europe 1 au cœur du complexe militaire où est tournée cette guerre de contre-propagande.

>> Le reportage audio de l'envoyée spéciale d'Europe 1 sur place


Contre l'EI, le gouvernement irakien mène la...par Europe1fr

Témoignage et repentance. Ils sont 16 djihadistes, tous menottés, les yeux bandés, alignés contre un mur dans un bâtiment du renseignement irakien. Devant eux déambule le présentateur de l'émission, qui leur demande tour à tour leur nom. Il choisit rapidement l'un des prisonniers qui sera le "héros" de l'épisode. Assis devant un logo du ministère de l'Intérieur, le membre de l'EI capturé dit être le chef d'une cellule qui opérait près de Bagdad. Déjà passé aux aveux devant la justice, il reconnaît sans problème avoir rejoint Daech il y a trois ans, puis détaille ses faits d'armes. "Ma première opération, c'était contre une école occupée par des militaires, mon chef m'en a donné l'ordre. Deux jours avant, on a planifié l'attaque : elle a duré six heures. Dans mon groupe, 15 personnes ont été tuées", se remémore-t-il.

Diatribe du présentateur. Bilal Safa, le présentateur, se transforme alors en procureur et réplique, vindicatif : "Vous avez empêché des enfants innocents d'aller à l'école!" Répartie immédiate du djihadiste en pénitence : "L'idée que mes actes étaient injustes s'installait en moi, j'étais en conflit avec moi-même avant de quitter le groupe. J'ai compris que ça n'avait pas d'avenir." Le réquisitoire se poursuit, implacable : "Qu'est-ce que tu vas dire à ta fille qui se demande pourquoi son père n'est pas là ?" "Que c'est de ma faute", conclut le prisonnier. Un dialogue huilé, efficacement mené. 

"Je soutiens les militaires à travers mon programme." Bilal Safa explique que son émission a un but bien précis : "Ce n'est pas facile pour les militaires d'arrêter les membres de Daech. Moi, je transmets un message, je parle de l'effort de ces gens. Je les soutiens à travers mon programme", justifie-t-il.

"Mener la bataille des médias". En coulisse, un militaire présent dans la salle assure qu'il faut "mener la bataille des médias" face à l'EI. Et si la guerre contre le djihad en Irak et en Syrie est loin d'être remportée, cette bataille pourrait bien tourner à l'avantage du gouvernement irakien puisque des millions de téléspectateurs assisteront à cet épisode dimanche prochain, comme accros à cet antidépresseur cathodique.