Déclassification sur le Rwanda : "le noyau du secret pas dévoilé"

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INTERVIEW E1 – Pour Vincent Hugeux, journaliste et spécialiste de l'Afrique, la déclassification des documents de l'Elysée ne lèvera pas totalement le voile sur le rôle de la France.

L'annonce aurait pu sonner comme un espoir. François Hollande a décidé de déclassifier des documents émis entre 1990 et 1994 par la présidence de la République, relatifs au génocide commis au Rwanda, a-t-on appris mardi. Mais Vincent Hugeux, journaliste à L'Express et spécialiste de l'Afrique, appelle sur Europe 1 à ne pas trop se réjouir. "Le cœur du secret d'Etat ne fait pas partie de ces documents", tempère-t-il.

Un intérêt pour les chercheurs. Dans l'entourage de François Hollande, on précisait qu'il s'agissait "notamment d'archives émanant des conseillers diplomatiques et militaires du président François Mitterrand et également de compte-rendus de conseils restreints de défense de l'époque". Pour le journaliste, qui était au Rwanda au moment du génocide de 1994, cela "n'est pas dénué d'intérêt pour les historiens, les chercheurs et les familles des victimes. Il y aura des éléments complémentaires qui vont attester des hypothèses, dissiper des fantasmes" sur les massacres qui ont coûté la vie à 800.000 personnes, pense Vincent Hugeux. Désormais, les universitaires pourront déposer une demande pour consulter ces archives.

Le cœur du secret demeure. Mais pour le spécialiste, "il manque ce qui relève du renseignement militaire, ainsi que les documents du ministère de Affaires étrangères, de l'Assemblée nationale et du ministère de la Défense", qui pourrait réellement faire avancer la recherche sur le rôle de la France dans le génocide rwandais. Comme l'explique Vincent Hugeux, Paris était au courant des risques de dérapages génocidaires dès 1990. "Il y a évidemment une forme de responsabilité", estime-t-il, "mais attention, ne rentrons pas dans les fantasmes. Quand on dit que la France a organisé ou est complice du génocide, c'est à mon sens erroné". Selon lui, Paris "a péché par aveuglement en ne tenant aucun compte des indices convergents" sur la préparation d'un génocide.

Quant à savoir si ces documents pourront mener à des poursuites judiciaires sur le territoire français, Vincent Hugeux rappelle qu'il "y a déjà des poursuites". "Au tribunal de Paris, le pôle Crime contre l'humanité travaille sur une vingtaine de dossiers et certaines plaintes portent sur le comportement de tel ou tel militaire français" au Rwanda dans les années 90. Selon le journaliste, "la République se doit par nature de trembler, à moins d'être convaincue que la réminiscence de la vérité lui soit favorable".

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