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La "cessation des hostilités" en Syrie sur laquelle sont tombés d'accord les Etats-Unis et la Russie cette nuit est-elle crédible ? Thomas Gomart, directeur de l'IFRI, répond.
INTERVIEW

Les Etats-Unis et la Russie sont tombés d’accord dans la nuit sur une "cessation des hostilités" en Syrie dans un délai d’une semaine afin de relancer le processus de paix et de stopper l’exode de civils. Les deux pays et leurs principaux alliés ont aussi décidé un accès accru et "immédiat" de l’aide humanitaire aux civils. Mais malgré les déclarations d’intention, les observateurs restent sceptiques. Invité d'Europe 1 Midi, Thomas Gomart, directeur de l'Ifri, estime qu'avec cet accord, "la Russie parvient indiscutablement à ses buts et et arrive à obtenir quelque chose en termes diplomatiques".

Une trêve fragile et tactique. L'accord trouvé cette nuit doit être négocié dans le détail entre Moscou et Washington, qui ont des intérêts très opposés : les Russes soutiennent Bachar al-Assad, les Américains veulent sa chute. "Les enjeux sont tellement différents pour les Russes et les Américains qu'il faut accueillir cet accord avec beaucoup de prudence", souligne Thomas Gomart. Pour lui, les Russes sont "très clairement revenus en jeu, et le font avec deux objectifs principaux : le premier, c'est de soutenir le régime de Bachar al-Assad, et deuxièmement, c'est de se remettre en rapport direct avec Washington".

Un espoir pour les négociations de paix ? En prévoyant une aide concrète pour la population, cet accord vise à améliorer les conditions sur le terrain, condition posée au préalable par l'opposition syrienne pour relancer les négociations de paix. Mais Thomas Gomart n'est pas dupe. "Le conflit est polymorphe. Ce que permet la Syrie à la Russie, c'est de rétablir une relation presque spéciale avec Washington, alors même qu'elle a été isolée après l'annexion de la Crimée". Ainsi, derrière l'effet d'annonce, il faut surtout voir une volonté des Russes de réaffirmer leur influence sur la région, d'autant, souligne le directeur de l'IFRI, que "la Russie comprend très bien la peur des européens par rapport aux flux de réfugiés". 

Démonstrations de force répétées de la Russie. Les Occidentaux demandaient instamment l'arrêt de la campagne de raids aériens russes qui accompagnent depuis dix jours une vaste offensive du régime contre les rebelles à Alep, dans le Nord du pays. "On est à un moment très particulier où la Russie fait preuve d'une démonstration de force, non seulement en Syrie mais au delà", confirme Thomas Gomart. Pour l'instant, rien ne garantit que Moscou va cesser ses bombardements massifs sur la région d'Alep où des dizaines de milliers de civils ont fui à cause des raids des avions russes.