Brûler une photo du roi d'Espagne relève de la liberté d'expression

Lors d'une visite en 2007 du roi d'alors, Juan Carlos (à droite), deux manifestants avaient brûlé une photo du couple royal.
Lors d'une visite en 2007 du roi d'alors, Juan Carlos (à droite), deux manifestants avaient brûlé une photo du couple royal. © Juanjo Martín / POOL / AFP
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avec AFP , modifié à
En 2007, deux indépendantistes catalans avaient brûlé la photo du couple royal d'Espagne. Ils avaient été condamnés à 15 mois de prison pour "injures à la couronne". 

La condamnation de deux indépendantistes catalans qui avaient brûlé en 2007 une photographie du couple royal d'Espagne constitue une violation du droit à la liberté d'expression, a estimé mardi la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).

"L'acte reproché aux requérants s'inscrit dans le cadre d'une critique politique, et non personnelle, de l'institution de la monarchie en général et en particulier du royaume d'Espagne en tant que nation", selon l'arrêt de la Cour. 

Une peine transformée en amende. Lors d'un rassemblement en septembre 2007 à l'occasion d'une visite à Gérone, dans le nord-est, du roi d'alors, Juan Carlos, deux manifestants, Enric Stern Taulats et Jaume Roura Capellera, nés en 1988 et 1977, avaient brûlé une photographie du couple royal. Les deux hommes avaient été condamnés à 15 mois de prison pour injure à la Couronne, délit passible de six mois à deux ans d'emprisonnement en Espagne. La peine avait été transformée en une amende de 2.700 euros chacun et confirmée en 2008. Les deux Catalans, qui s'étaient acquittés de l'amende, ont saisi la CEDH en octobre 2015, estimant que "le jugement qui les avaient déclarés coupables d'injure à la Couronne constituait une atteinte injustifiée à leur droit à la liberté d'expression".

Violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Dans son arrêt, la Cour a reconnu "à l'unanimité qu'il y a eu violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme" portant sur la liberté d'expression. Leur geste "s'inscrivait donc dans le cadre de l'une de ses mises en scène provocatrices qui sont de plus en plus utilisées pour attirer l'attention des médias et qui ne vont pas au-delà d'un recours d'une certaine dose de provocation permise pour la transmission d'un message critique sous l'angle de la liberté d'expression", a-t-elle considéré, écartant l'intention "d'inciter à la commission d'actes de violence contre la personne du roi".

La CEDH a en outre souligné que "la sanction pénale imposée aux requérants (constituait) une ingérence dans la liberté d'expression qui n'était ni proportionnée au but légitime poursuivi, ni nécessaire dans une société démocratique". L'Espagne "doit verser à chacun 2.700 euros pour dommage matériel et 9.000 euros conjointement pour frais et dépens", est-il précisé.  Cet arrêt de la CEDH n'est pas définitif. Les parties ont trois mois pour demander un renvoi de leur affaire devant la Grande Chambre, instance suprême de la Cour.