Après l'Aquarius, 41 migrants "bloqués" sur un autre bateau en Méditerranée

Les migrants ont été secourus au large des côtes libyennes, mardi matin (photo d'illustration).
Les migrants ont été secourus au large des côtes libyennes, mardi matin (photo d'illustration). © Karpov / SOS MEDITERRANEE / AFP
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Secourus par un navire de la marine américaine mardi matin, les naufragés auraient dû être pris en charge par le Sea-Watch 3, un autre bateau humanitaire. Mais la situation est à nouveau bloquée par les autorités italiennes.

 

"Peut-être que si l'Aquarius n'était pas en route pour Valence, ces personnes auraient déjà pu être secourues." Dans un communiqué publié mercredi, Johannes Bayer, président de l'ONG Sea-Watch, tirait la sonnette d'alarme : 41 migrants, rescapés du naufrage de leur embarcation de fortune, se trouvaient à leur tour bloqués en mer depuis 24 heures, dans l'attente d'un port d'accueil. Aucune solution n'a pu être trouvée pour leur permettre d'accoster en Europe jeudi matin, selon les informations relayées par l'organisation.

L'Aquarius en route vers Valence. Ce cas intervient quelques jours après celui de l'Aquarius, à l'origine d'une véritable crise diplomatique européenne impliquant principalement l'Italie et la France. Dimanche, Rome a en effet refusé d'accueillir les 629 migrants se trouvant à bord du bateau humanitaire, secourus lors de plusieurs naufrages, invoquant un "partage" insuffisant de la crise migratoire entre les différents pays européens. Après deux jours de tergiversations, un accord a finalement été trouvé pour faire débarquer les occupants du navire en Espagne. L'Aquarius, qui patrouille habituellement entre les côtes libyennes et l'Italie, fait donc route vers Valence, jeudi.

Conséquence : l'un des bateaux de Sea-Watch, le Sea-Watch 3, se trouve depuis seul sur la zone. Selon l'ONG, il a reçu un appel de détresse mardi midi : un navire militaire américain venait de recueillir 41 survivants et les corps de douze migrants morts noyés après un naufrage au large de la Libye. Le déroulé du sauvetage - d'abord par un bateau de commerce ou militaire, faisant ensuite appel à une ONG pour "transbordage" - n'est pas inhabituel au large des côtes italiennes. Une partie des migrants de l'Aquarius a également été secourue selon ces étapes.

Pas de "lieu sûr de débarquement". Le Sea-Watch 3 a alors pris la direction du bateau américain, jusqu'à l'atteindre. Son capitaine a ensuite choisi de stationner à côté, en attendant des nouvelles des autorités italiennes. "Les Américains nous ont demandé de les prendre à bord et de les ramener à terre pour qu'ils puissent retourner à leurs opérations, mais tant qu'ils sont sur une plateforme stable, nous n'allons pas les prendre à bord avant qu'on nous indique un lieu sûr de débarquement", a justifié un porte-parole de l'ONG auprès de Franceinfo.

Pour rappel, le droit maritime international n'oblige aucun État à autoriser le débarquement sur son sol. Mais des "traités clés" invoqués par le Haut-Commissariat de l'ONU aux réfugiés disposent qu'une nation est "responsable d'une zone de recherche et de sauvetage" : jusqu'ici, l'Italie et son Centre de coordination des secours maritimes (MRCC) était de fait le garant de celle située entre ses côtes et celle de la Libye. Mais son nouveau gouvernement, composé des populistes du Mouvement 5 étoiles et des extrémistes de la Ligue, refuse désormais d'assumer cette mission sans renégociation du règlement de Dublin, signé en 2013 et qui délègue la responsabilité de l'examen de la demande d'asile d'un réfugié au premier pays qui l'a accueilli.

"Aux dépens des personnes en détresse". Les 41 migrants "bloqués" en mer sont-ils un nouvel exemple des conséquences de cette crise ? "Il est inacceptable que des gens qui ont littéralement été sortis de l'eau, qui ont vu leurs amis se noyer, ne puissent pas être mis en sécurité. (...) Les débats sur la distribution des demandeurs d'asile ne doivent pas se faire aux dépens des personnes en détresse", estime Sea-Watch dans son communiqué, appelant les gouvernements européens à "trouver une solution en urgence pour cette tragédie humanitaire humiliante".

L'ONG dénonce par ailleurs le "double discours" de Rome, affirmant que 932 personnes ont été débarquées à Catane mercredi après avoir été secourues par des garde-côtes italiens, sans passage par une organisation humanitaire. "Les ONG ont toujours pris leurs responsabilités dans la surveillance et les opérations de sauvetage sur cette zone, mais ils sont devenus les boucs émissaires du gouvernement italien, qui essaie de faire pression sur le reste de l'Union européenne", écrit Sea-Watch. Selon La Repubblica, la situation des 41 personnes secourues mardi n'était toujours pas résolue jeudi midi. Les 12 corps repêchés ont en revanche dû être jetés à la mer par la marine américaine, qui ne disposait pas d'équipement frigorifique pour les accueillir.