Algérie : qui dirige vraiment le pays ?

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Abdelaziz Bouteflika lors d'une de ses rares apparitions publiques © AFP/CANAL ALGERIE
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Le président algérien Bouteflika ne s'est pas exprimé publiquement depuis trois ans. Une absence très remarquée qui interroge sur la direction que prend le pays.

Ce sera une visite express, de quelques heures seulement. Lundi, François Hollande se rend en Algérie et doit s'y entretenir avec le président Abdelaziz Bouteflika, dont l'état de santé alimente toutes les spéculations. A tel point qu'un diplomate français s'est senti obligé de préciser que le président français "ne se mêlera ni directement ni indirectement" de la question de la succession de son homologue algérien, "qui n'est pas une question posée aujourd'hui", a continué le diplomate. Pourtant, le fait est que depuis sa réélection en avril 2014, seuls cinq conseils des ministres se sont tenus, oblitérant les promesses de réforme et même la présidence de Bouteflika, 78 ans. L'ancien Premier ministre devenu opposant parle "d'année blanche" pour l'Algérie, dans Le Monde.

L'historien Benjamin Stora, qui accompagne François Hollande dans son voyage en Algérie, réitère sur Europe 1 n'avoir "pas rencontré Bouteflika depuis 2012" et donc ignorer son état de santé, largement dégradé depuis un grave accident vasculaire cérébral en 2013. Le président algérien avait réussi l'exploit de gagner une élection sans prendre publiquement la parole une seule fois pendant la campagne. On l'avait simplement vu voter, assis dans son fauteuil roulant. Mais alors, qui dirige réellement le pays ?

Qui dirige ? Chef de file de l'opposition politique et candidat malheureux à la dernière présidentielle, Ali Benflis a récemment dénoncé une "vacance" du pouvoir en raison des problèmes de santé d'Abdelaziz Bouteflika. De son côté, le Premier ministre Abdelmalek Sellal n'a transmis que 27 projets de loi à l'Assemblée algérienne, selon Abdelaziz Rahabi, cité par Le Monde. L'atonie "au sommet de l'Etat a produit un effet boule de neige : toutes les institutions constitutionnelles se sont retrouvées en situation de quasi-cessation d'activités faute de directives", a-t-il déploré en affirmant que le vide avait "été comblé par des forces extraconstitutionnelles".

L'historien Benjamin Stora ajoute que, "comme dans n'importe quel pays, les services de l'Etat, comme l'armée par exemple, jouent un rôle très important [dans l'exercice du pouvoir], surtout dans une situation sécuritaire tendue".

Ali Benflis Hamrouche AFP bandeau

Les rivalités émergent. Une compétition politique pour récupérer le pouvoir existe bel et bien en Algérie, "c'est indéniable", admet l'historien français. Selon lui, plusieurs noms ont circulé sur la personne à même de prendre la suite de Bouteflika. Des "prétendants [se sont manifestés] à l'intérieur même du pouvoir comme [son directeur de cabinet] Ahmed Ouyahia ou le responsable du FLN Saïdani", ajoute Benjamin Stora. Dans l'opposition, Ali Benflis (à gauche sur la photo) ou Mouloud Hamrouche (à droite) sont montés au créneau.

Ali Benflis a évoqué les rumeurs faisant état d'une "transmission héréditaire ou cooptée du pouvoir", une hypothèse souvent évoquée par la presse et l'opposition selon laquelle le président Bouteflika prépare son frère Saïd, son conseiller spécial, à lui succéder. Jeudi, Ahmed Ouyahia a néanmoins démenti une telle hypothèse, et souligné que le chef de l'Etat entendait mener son quatrième mandat jusqu'à son terme.

Mais l'absence de réaction face à la chute du cours de pétrole inquiète dans le pays. En un an, le baril de brut a perdu près de la moitié de sa valeur. Une mauvaise nouvelle pour l'Algérie dont les revenus des hydrocarbures représentent plus de la moitié du budget. De nombreux experts craignent de graves conséquences sociales pour l'Algérie si cette crise pétrolière persiste.