Agressions sexuelles à Cologne : l’Allemagne craint les dérapages racistes

© AFP
  • Copié
et
INDIGNATION – Alors qu’aucun élément ne permet, pour le moment, d’identifier les auteurs des agressions sexuelles du 31 décembre, beaucoup stigmatisent la population de migrants.

L’émotion est forte, mais les commentaires, dans la presse, prudents. Quelques jours après la centaine d'agressions sexuelles commises la nuit du Nouvel an à Cologne, les grands médias allemands restent très factuels sur les incidents, veillant à ne pas stigmatiser la population de migrants arrivée en Allemagne.

Car selon les témoignages, les agresseurs étaient "dans leur très large majorité de jeunes hommes, âgés de 18 à 35 ans, apparemment d'origine arabe ou nord-africaine", selon le chef de la police de Cologne, Wolfgang Albers. S’agissait-il pour autant de migrants ?

Condamner, sans racisme. La presse s’interroge du bout des lèvres. L’origine des agresseurs présumés rend tout commentaire délicat : il faut condamner ces violences, mais sans racisme. Certains politiques ont d’ailleurs tout de suite réagi en appelant à la modération. "Nous n'avons aucun indice montrant qu'il puisse s'agir de réfugiés séjournant à Cologne" ou dans les environs, a insisté la maire Henriette Reker, jugeant ce rapprochement "inadmissible" à la suite d'une réunion de crise à la mairie.

Le ministre de la Justice Heiko Maas a lui aussi mis en garde contre toute "instrumentalisation" de ces agressions dans un pays où l'afflux de réfugiés a parfois suscité de vives tensions ces derniers mois. Son homologue de l'Intérieur a abondé contre "la suspicion généralisée" à l'égard des immigrés mais demandé aussi qu'il n'y ait "pas de tabou" s'il devait se confirmer que les auteurs sont d'origine étrangère.

Des articles fermés aux commentaires. Le très sérieux et réputé Bild, a choisi, plutôt que d’évoquer le profil des agresseurs, de taper sur la lenteur de la réaction de la police le soir de l’agression. "Il ne faut pas oublier que ce soir-là l’alerte était maximale à Munich", rappelle Hélène Kohl, correspondante d’Europe1 à Berlin. "Les forces de police étaient donc majoritairement mobilisées pour cette alerte anti-terrorisme".

La presse populaire, elle, ne fait pas preuve d’autant de retenue et n’hésite pas à employer des mots tels que "hardes ou meutes" pour parler des groupes d’hommes qui ont agressé des femmes le soir du Nouvel An. "Mais la plupart des sites d’informations qui traitent du sujet ont choisi de fermer leurs articles aux commentaires pour éviter tout dérapage", souligne la correspondante d’Europe1.

"Madame Merkel, que faites-vous ?". Si les médias ont tenu à rester prudents, du côté de la population et de l’opposition, des critiques à l’égard de la chancelière Angela Merkel, ont déjà émergé. "Madame Merkel, que faites-vous ? Ça fait peur", s'interrogeait sur une pancarte une des manifestantes réunies devant la cathédrale de Cologne mardi soir.

Les partis hostiles aux migrants donnent de la voix. Sans attendre des éléments plus précis sur l’identité des agresseurs, plusieurs personnalités politiques ont commencé à surfer sur l'événement. Après ces incidents, "est-ce que l'Allemagne est suffisamment ouverte sur le monde et multicolore pour vous, Madame Merkel ?" a lancé, provocatrice, Frauke Petry, la patronne du parti populiste Alternative für Deutschland (AfD) qui progresse dans les sondages.

Au sein même de la coalition gouvernementale, les conservateurs bavarois de la CSU, qui tempêtent depuis des mois contre la politique favorable aux réfugiés de la chancelière, ont trouvé aussi matière à alimenter leurs griefs. "Si des demandeurs d'asile ou des réfugiés se livrent à de telles agressions (...) cela doit conduire à la fin immédiate de leur séjour en Allemagne", a lancé Andreas Scheuer, secrétaire général du parti.

Un carnaval sous tension. Pour l'heure, la police n'a fait état d'aucune arrestation spécifiquement liée aux incidents. Les plaintes visent des faits allant du harcèlement à, au moins, un viol en passant par des dizaines d'autres agressions sexuelles et des vols. Un renforcement des effectifs des forces de l'ordre ainsi que de la vidéo-surveillance a été annoncé par le président de la police de Cologne qui se prépare à accueillir du 4 au 10 février des centaines de milliers de fêtards pour le carnaval, l'événement emblématique de cette ville.