Tuerie du Bataclan : un enregistrement dévoile les mots des terroristes

© MATTHIEU ALEXANDRE / AFP
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C.P.-R. , modifié à
L'enregistrement d'un dictaphone perdu par un spectateur, couplé aux messages radio de la police, permet de reconstituer le scénario de l'attaque au plus près. 

C'est un précieux document que les policiers de la Crim' ont remis à la justice dans le cadre de l'enquête sur les attentats du 13 novembre, révèle Le Parisien, vendredi. Pour la première fois, un enregistrement audio dévoile en intégralité les mots prononcés par les terroristes dans l'enceinte du Bataclan, où ils ont tué 90 personnes. 

  • Quel est cet enregistrement ?

Le fichier sonore transmis par les enquêteurs de la brigade criminelle provient de "l'exploitation d'un dictaphone" d'un spectateur, indique Le Parisien. Abandonné, celui-ci a été retrouvé au premier étage de la salle de concert du 11ème arrondissement de Paris. Cette bande couvre la totalité de la tuerie au Bataclan. "Soit 2 heures 38 minutes et 44 secondes de pur cauchemar", précise le quotidien. La retranscription audio de l'enregistrement contenu dans cet appareil a été associée aux échanges radio entre les policiers, le soir du drame, et transmise par les enquêteurs à la justice. Elle reconstitue ainsi de façon intégrale le fil des événements, du premier message radio, émis par la police à 21h56, quand un agent signale le début de la tuerie, jusqu'à l'assaut final, donné vers 00h20.  

  • Que nous apprend-t-il ?

Si ce document audio ne nous révèle rien de vraiment nouveau, et s'ajoute aux enregistrements recueillis, il permet néanmoins d'avoir confirmation pour la première fois des paroles exactes prononcées par les terroristes lors de la tuerie. Celles-ci avaient pour la plupart déjà été rapportées par les survivants de l'attaque, mais, grâce à cette bande, policiers de la brigade criminelle et magistrats du pôle antiterroriste du parquet de Paris peuvent écouter mot pour mot quelles furent les phrases des terroristes. Sur cet enregistrement, les enquêteurs ont notamment pu identifier formellement Samy Amimour. Surtout, ils peuvent désormais retracer minute par minute, seconde par seconde, le déroulement de ce qui s'est passé ce soir du 13 novembre, au Bataclan. Et l'on constate combien la progression des forces de l'ordre a été complexe.

  • Quelles sont ces paroles ?

"Couché ou j'tire". Les dialogues révélés par cet enregistrement sonore font froid dans le dos. La toute première voix immortalisée par le dictaphone est celle d'un spectateur, criant "Planquez-vous!". Armés de kalachnikovs, Samy Amimour, Ismaël Omar Mostefaï et Foued Mohamed-Aggad viennent d'entrer dans la salle du Bataclan où le groupe de rock des Eagles of Death Metal donne un concert. S'en suivent sept minutes de tirs en rafales non-stop, avant que jaillisse sur la bande l'ordre d'un terroriste à un spectateur : "Lève-toi où j'te tue". Seul kamikaze dont la voix a été identifiée, Samy Amimour lance à l'inverse : "Couché ou j'tire".

Très vite, l'un des terroristes déclare : "Vous bombardez nos frères en Syrie et en Irak. Pourquoi on est ici nous ? On est venus jusqu'en Syrie (sic) pour vous faire la même chose". "Nous on est des hommes, on vous bombarde sur terre. On n'a pas besoin d'avion, nous", renchérit un autre. Après douze minutes d'exécutions froides et méthodiques, ils revendiquent clairement leur attaque : "Vous connaissez Daech ? [...] Daech, c'est l'Etat islamique. Ils sont partout, en France, aux Etats-Unis. On va frapper partout."

"Sortez-les de là, y en a marre". Entre alors le premier policier sur place, un commissaire de la BAC, qui met en joue Samy Amimour, avant de tirer. La ceinture d'explosifs du terroriste se déclenche. Les deux autres encore vivants et aux aussi munis de ceintures explosives, Ismaël Omar Mostefaï et Foued Mohamed-Aggad, montent à l'étage et prennent en otage une partie des spectateurs. C'est là que la bande permet de réaliser que la progression des policiers de la BRI, avant de pouvoir donner l'assaut, a été très délicate.

Les assaillants tentent de parler avec la police, à l'aide du téléphone d'un spectateur, mais le réseau pose problème. "Putain, dépêchez-vous !", implore un otage. Alors qu'un policier se rapproche de la porte, l'un des deux terroristes menace : "Arrête-toi. Casse-toi. Je fais sauter les otages". Une heure s'écoule, durant laquelle les renforts policiers progressent à pas de loup, avec précaution, parmi les spectateurs blessés. Certains appellent à l'aide tandis que d'autres, par crainte d'une nouvelle tuerie, demandent de ne pas intervenir. "Sortez-les de là, y en a marre!", tranche un policier sur sa radio à 23h37. L'assaut contre les deux terroristes sera donné 40 minutes plus tard.