"Omar Raddad est plein d'espoir, mais il est aussi détruit"

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C.P.-R. , modifié à
Invité d'Europe 1, le criminaliste Roger-Marc Moreau est revenu sur l'affaire Omar Raddad sur laquelle il travaille depuis plus de 20 ans, après que des traces ADN exploitables ont été mises en évidence lors de nouveaux prélèvements.
INTERVIEW

Le dossier Omar Raddad, Roger-Marc Moreau le connait sur le bout des doigts. Invité de Thomas Sotto, vendredi matin, ce criminaliste travaille depuis plus de 20 ans sur l'affaire Raddad. Il a expliqué en quoi les traces ADN jugées "exploitables" allaient peut-être permettre de faire rebondir l'enquête et d'obtenir un procès en révision pour innocenter le jardinier marocain.

"La justice nous a dit : 'c'est le sang de Raddad'". "Elles ont été retrouvées à la suite de la première requête en révision, déposée par son avocat Jacques Vergès, en 1999 (ndlr ; la défense d'Omar Raddad est aujourd'hui assurée par Sylvie Noachovitch, Jacques Vergès étant décédé)". A l'époque, "ces analyses de savoir vont permettre de savoir que c'était bien le sang de Mme Marchal et, surprise, on va découvrir deux ADN masculins inconnus", explique-t-il.  Mais, "tout de suite, la justice nous a dit : 'c'est forcément le sang d'Omar Raddad, puisqu'il a été condamné". Le jardinier se soumet alors à des analyses et le résultat tombe : "ce n'était pas son ADN".

Une inscription au FNAEG. Pourtant, "à partir de là, la justice va se désintéresser de ces traces découvertes sur la scène du crime et n'a jamais procédé à des comparaisons ni même à l'inscription au FNAEG", pointe-t-il. Concrètement, une inscription au Fichier national automatisé des empreintes génétiques permettrait de comparer l'ADN prélevé pour voir si celui "matche" avec l'un des profils génétiques enregistrés. "La défense se bat depuis 15 ans pour obtenir cette inscription", insiste-t-il.

"Nous avons une idée de qui a tué Mme Marchal". Pour Roger-Marc Moreau, qui a affirmé "nous avons une idée de qui a tué Mme Marchal", il y a peu de doute que cet ADN ne soit pas celui du meurtrier de Ghislaine Marchal, "puisque le sang était mélangé au sang de Mme Marchal, au moment où le sang était encore frais. Cela ne peut pas être un ADN de contamination. En plus, on le trouve sur trois supports différents". "On nous dit il s'agit peut-être d'un gendarme ayant éternué", s'agace le criminologue, à propos du parquet qui se montre plus prudent.

ADN du criminel ou de contamination ? Jeudi, Jean-Michel Prêtre, le procureur de la République Nice a estimé au micro d'Europe 1 que ces traces "peuvent correspondre, certes à des personnes qui, à l'époque, pouvaient être les protagonistes des faits. Mais cela pouvait être aussi, plus prosaïquement, des traces de personnes qui ont manipulé ces scellés qui sont très anciens. Et on ne peut pas écarter l'hypothèse d'une pollution ADN de ces scellés".

Un procès en révision ? "L'enquête avance à la manière des écrevisses, c'est-à-dire à reculons. Nous exigeons que cela se passe beaucoup plus vite", demande-t-il. Car le résultat de ces traces pourrait permettre l'ouverture d'un procès en révision. "Omar Raddad attend des résultats immédiats, cela fait 20 ans qu'il attend, qu'il clame son innocence", s'ndigne Roger-Marc Moreau, avant d’ajouter : "Il est plein d'espoir, évidemment. Mais il est aussi détruit, il est en pleine dépression. Il va et vient, il attend. Cela fait 20 ans qu'il attend d'être innocenté".