Loi Renseignement : les hébergeurs Internet montrent leurs muscles

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François Geffrier avec , modifié à
Le texte vise notamment à étendre la surveillance d'Internet vers une forme de contrôle plus généralisé, directement chez l'opérateur ou l'hébergeur.

Et si la surveillance accrue d'Internet pouvait nuire à l'un des pans les plus dynamiques de l'économie française ?  Alors que le projet de loi sur le renseignement est examiné à partir de lundi à l'Assemblée nationale, des sociétés françaises spécialisées dans les services Internet font entendre leur voix. En clair, elles menacent de supprimer des emplois en France. Les plus grands hébergeurs français -dont l'activité consiste à "héberger" les sites web de n'importe quelle origine sur des serveurs-  brandissent la menace de délocaliser leurs centres de données si le projet de loi est adopté en l’état.

Plus de surveillance, moins de clients ? Les hébergeurs internet le disent clairement : ils vont perdre des clients à cause de cette loi. Quel est le problème ? Un dispositif qui va être créé pour détecter des comportements suspects. Ces boîtes noires vont être installées chez les opérateurs Internet pour filtrer tout ce qui se passe sur le web. Et cela peut faire fuir les entreprises qui veulent que leurs emails, leurs documents et leurs travaux en ligne ne soient visibles que par elles-mêmes.

"La France était clairement un pays dans lequel on pouvait avoir confiance sur le traitement des données. Il y a même des clients américains qui veulent être hébergés en France, justement, pour ce type de raisons-là", assure au micro d'Europe 1, Alban Schmutz  vice-président de la société française OVH, le leader européen de l’hébergement internet. "Le risque que fait peser ce projet de loi tel qu’il est aujourd’hui, c’est que ce ne soit plus le cas demain et que ça devienne un pays à risque plutôt qu’un havre de paix pour le traitement des données", regrette-t-il.

Le chiffon rouge de la délocalisation. Pour garder leurs clients, les hébergeurs français assurent qu’ils seront obligés de délocaliser leurs serveurs et avec, une partie de leurs salariés, dans des pays où il n’existe pas une telle surveillance d’Internet. Des milliers d’emplois sont en jeu. Le gouvernement regarde la situation de près et va essayer d’apporter des garanties pour rassurer les hébergeurs et leurs clients.

Du côté des opérateurs internet, on semble moins inquiet. L'un d'eux, contacté par Europe 1, explique "en off" ne pas trop se soucier du sort promis au texte : "nos juristes ont regardé le projet de loi à la loupe, il sera forcément censuré par le Conseil constitutionnel, parce que ce système de surveillance sera jugé complètement disproportionné".

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Le Premier ministre leur répond à l'Assemblée. Manuel Valls a défendu ce projet de loi mardi devant les députés. Et le Premier ministre a apporté une réponse à ses craintes des patrons français du numérique. "Les djihadistes ont parfaitement intégré la révolution numérique. Ils en utilisent toutes les ressources. Les services de renseignement doivent pouvoir faire face", a-t-il d'abord expliqué. "C'est la raison d'être de l'expérimentation de la détection par algorithme lorsque des comportements numériques spécifiques aux réseaux terroristes sont détectables", a justifié le chef du Gouvernement.

Puis Manuel Valls s'est directement adressé aux opérateurs et hébergeurs français. "Certains acteurs du numérique, et notamment des entrepreneurs soucieux de conserver la confiance de leurs clients, expriment leur inquiétude face à cette disposition nouvelle. Le gouvernement entend garantir que la surveillance sera ciblée strictement sur les comportements menaçant", a-t-il assuré. "Certains acteurs du numérique, et notamment des entrepreneurs soucieux de conserver la confiance de leurs clients, expriment leur inquiétude face à cette disposition nouvelle. Le gouvernement entend garantir que la surveillance sera ciblée strictement sur les comportements menaçant", a-t-il poursuivi. "Contrairement à de nombreux acteurs privés, le gouvernement s'interdit toute possibilité de filtrage des contenus. Cela n'a rien à voir avec les pratiques révélées par Edward Snowden", a conclu le Premier ministre.

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