Deux gendarmes jugés pour harcèlement sexuel sur une subordonnée

© AFP
  • Copié
Noémie Schulz avec et AFP , modifié à
Un adjudant et un maréchal des logis d'une caserne de l'Yonne devaient compraître jeudi à Paris pour harcèlement sexuel aggravé sur l'une de leurs subordonnées. Le procès a été renvoyé au 2 février 2016.

Le sujet est tabou : le harcèlement sexuel et moral chez les militaires. Et plus spécifiquement dans la gendarmerie. Il en sera longuement question jeudi après-midi au tribunal correctionnel de Paris. Deux gradés comparaissent pour avoir fait subir un cauchemar pendant un an à une subordonnée, une jeune femme de 26 ans, d'origine réunionnaise. Entre octobre 2012 et novembre 2013, alors qu’elle officiait dans la brigade de Joigny, dans l'Yonne, la jeune femme affirme avoir été l’objet de plaisanteries graveleuses, de commentaires vulgaires sur son physique ou de demandes de faveurs sexuelles en échange d'un service. Une affaire qui illustre les difficultés qui existent encore pour les femmes au sein de l'armée et de la gendarmerie.

>> Mise à jour le 15 octobre 2015 : Le procès des deux gendarmes a été renvoyé au 2 février 2016. C'est le président, Mahrez Abassi, qui a lui-même demandé le renvoi du procès car, à l'époque des faits, il était juge d'instruction à Sens, juridiction dont dépendait la caserne de Joigny où travaillaient les prévenus et la victime.

Gémissements suggestifs, tentatives de baisers, propositions graveleuses. Les femmes représentent 15 % des effectifs et doivent se faire une place dans un univers masculin, souvent très viril. Aux enquêteurs, la gendarme a raconté les blagues salaces, les gémissements très suggestifs quand elle était à côté de ses deux supérieurs, les tentatives de baisers sur la bouche, ou encore les propositions graveleuses, y compris pendant des séances d'instruction collectives.

Le harcèlement a duré un an, dans le huis clos de la brigade. La jeune femme a perdu ses cheveux, fait de l'eczéma, avant de contacter l'association de défense des droits des militaires. Elle y a trouvé le soutien de l'ancien colonel de gendarmerie, Jacques Bessy, qui dénonce des dérapages encore très nombreux chez les militaires.

"Des comportements qui doivent être bannis". "On ne rappelle pas aux hommes que l’on doit respecter les femmes. Par exemple, dans la gendarmerie, la bise que l’on impose aux militaires féminins, le matin, au sein de leur unité, c’est le début d’une promiscuité qui n’est pas acceptable. Et qui n’existe pas, ni dans le secteur privé, ni dans la fonction publique. Ces comportements-là doivent être réprimés et bannis. Le citoyen attend autre chose des gendarmes qu’il va rencontrer pour déposer une plainte", s’agace-t-il au micro d’Europe 1.

Les suspects suspendus. A la suite de ces révélations, l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) avait diligenté une enquête, et relevé les "carences du commandant d'unité dans le domaine du contrôle des personnels". Les deux prévenus de 36 et 37 ans ont été suspendus de leurs fonctions en décembre 2013 et sont visés par une procédure disciplinaire. S'ils reconnaissent des "plaisanteries" pour l'un ou des "blagues salaces" pour l'autre, tous deux contestent farouchement le caractère de "harcèlement sexuel".

"La complaisance de la hiérarchie". "La vérité doit être faite sur ce qui s'est passé dans cette caserne", a déclaré l'avocate de la victime, Me Elodie Maumont. "Cette jeune femme a fait face à un véritable parcours du combattant" pour se faire entendre, a poursuivi Me Maumont, qui dénonce la "négligence voire la complaisance" de la hiérarchie vis-à-vis des mis en cause. Aujourd'hui, la jeune gendarme exerce toujours et a quitté l'Yonne pour la région parisienne. Mais selon son avocate, cette affaire l'a "détruite", et ce procès doit lui permettre de continuer à se "reconstruire".

Une forme d’omerta au sein de la gendarmerie. Depuis avril 2014, la cellule Themis a été mise en place par le ministère de la Défense pour recueillir les témoignages de victimes de harcèlement, discriminations ou violences sexuelles. Elle a déjà été saisie de plus d'une centaine de cas. Jacques Bessy rapporte qu’il reçoit tous les mois plusieurs témoignages comme celui de la gendarme qui a porté plainte. Mais il est impossible de chiffrer le nombre de victimes. Certaines femmes préfèrent ne rien dire, se mettre en arrêt maladie, d'autres démissionnent carrément de l'armée sans oser porter plainte.