Dans le huis clos de l’unité dédiée aux détenus radicalisés de la prison d’Osny

Une cellule de l'unité dédiée aux détenus radcalisés d'Osny.
Une cellule de l'unité dédiée aux détenus radcalisés d'Osny. © CHLOE TRIOMPHE / EUROPE1
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avec Chloé Triomphe , modifié à
Europe 1 a pu se rendre dans l’un des trois quartiers dédiés aux détenus radicalisés ouverts dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme.
REPORTAGE

Des portes closes, des barreaux aux fenêtres, des chambres exiguës, une cour de promenade. A s’y méprendre, les unités dédiées aux personnes radicalisées violentes ressemblent à tous les autres quartiers de prison. A quelques détails près : les 23 cellules de 9,80 mètres carrés sont rénovées et correctement équipées. Dans ce quartier, en vase clos, chaque détenu bénéficie de sa propre cellule. Une mesure rare quand on connaît l'état de surpopulation carcérale. Ils bénéficient aussi de douches, d'une salle de sport, d'un espace d'étude, et d'une cour de promenade réservés à l'unité. Et même lorsqu'ils accèdent à la salle de culte, commune à toute la prison, ils ne croiseront aucun autre détenu que ceux de l'unité dédiée.

Comme les prisons de Fleury-Merogis et Lille-Annœullin, la maison d'arrêt d’Osny, dans le Val-d'Oise, a ouvert, le 25 janvier dernier, ce quartier dédié à la prise en charge de détenus, condamnés ou en détention provisoire, impliqués pour des faits de terrorisme.

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Des revenants de Syrie et des logisticiens. Avant d’intégrer l’unité, les détenus du programme ont été "évalués" par une série de spécialistes : des psychologues, des éducateurs et des conseillers d’insertion et de probation. Ces entretiens ont permis de repérer les risques, soit de prosélytisme en prison, soit de passage à l'acte violent à l'extérieur. Pour le moment, cinq détenus ont intégré, pour une durée de six mois, le quartier mis en place par la prison d’Osny. Certains reviennent de Syrie. Les autres ont simplement apporté une aide logistique aux velléitaires au départ. D'ici fin février, l'administration espère en accueillir une douzaine, pour une prise en charge progressive.

Gagner la confiance des cinq détenus. Depuis leur arrivée, les détenus, tous des hommes, ont eu des entretiens individuels. Le but étant de gagner leur adhésion au programme et leur confiance, explique Renaud Seveyras, le directeur de la maison d'arrêt d'Osny.

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"Dans un premier temps, il est important d’expliquer que nous n’entendons pas agir sur leur foi, mais sur une dérive violente de l'islam. La deuxième phase est une phase très intense de travail, avec l’intervention de victimes du terrorisme, de repentis, de spécialistes en géopolitique, de théologiens. Cette phase vise à s’interroger sur les raisons profondes d’un engagement violent. Enfin, la troisième phase, est une phase de retour sur soi et de définition d’un programme personnel", détaille-t-il au micro d’Europe 1. En clair, l’objectif de cette prise en charge est de rendre les détenus moins dangereux qu’à leur arrivée. Le but est de créer un déclic pour que ces hommes mettent en doute leurs convictions radicales voire violentes.

Un programme obligatoire. Dans leur programme, ils ont 25 heures de cours par semaine, des entretiens avec des psychologues, des ateliers d'écriture, des groupes de parole. Tout est obligatoire. Ils ont accès, à leur demande, à la salle polycultuelle de la prison. La salle est ouverte alternativement, en fonction des rites, aux musulmans aux chrétiens et aux juifs. Des inscriptions tirées des trois livres sacrés sont affichés aux murs et des tapis de prière sont également mis à disposition des prisonniers.

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"On ne fait pas de l'angélisme". Ces groupes de parole sont obligatoires dans ce programme de six mois, réajustable et réévaluable au gré des observations des professeurs, surveillants, éducateurs et psychologues. Un côté expérimental assumé par l'administration, convaincue surtout qu'il y a urgence à agir, dès le début de l'incarcération. "On ne fait pas de l'angélisme, il s'agit vraiment de protéger la société. Ces unités c'est un parti pris d'urgence, d'autant que certains détenus vont ressortir dans quelques années", explique Géraldine Blin, chargée de la lutte contre la radicalisation au sein de l'administration pénitentiaire, interrogée par Europe 1.

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On ne fait pas de l'angélisme, il s'agit vraiment de protéger la société

Actuellement, 240 détenus sont incarcérés en matière de terrorisme. 700 autres ont été repérés comme radicaux par l'administration, la plupart ont vocation a passé par ces unités. Mais avec une centaine de places, la capacité d’accueil est loin du compte, et selon Géraldine Blin, l'idée à terme est de créer d'autres programmes, dans des établissements standards, visant les femmes, les mineurs et les longues peines en maison centrale.