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Chaque samedi, Europe 1 va plus loin. L'un des reporters de la rédaction revient sur une actualité passée. Aujourd'hui, Rémi Bostsarron est retourné sur l'île de Saint-Martin, 13 mois après le passage de l'ouragan Irma. 

Un peu plus d'un an après le passage de l'ouragan Irma qui avait détruit Saint-Martin à 95%, Emmanuel Macron est de retour sur l'île, samedi. Rémi Bostsarron, vous étiez sur place pour Europe 1 il y a un an, vous y êtes retourné au début du mois. Dans quel état le président va-t-il trouver cette île aujourd'hui ?

Monsieur le président ou monsieur Macron ? A première vue, c'est une île qui va mieux. On se souvient des images de désolation, après le passage d'Irma. J'avais vu moi-même les maisons éventrées, les voitures renversées, les débris partout, la végétation ravagée. Aujourd'hui, il n'y a plus de débris dans les rues, il y en a moins dans la nature, certaines maisons ont été reconstruites, beaucoup de magasins sont ouverts, il y a des embouteillages sur les routes, bref, il y a une impression de vie, de normalité. A première vue.

Mais s'il parle avec les habitants, Emmanuel Macron comprendra que ce n'est pas si simple. Un exemple: le quartier de Grand Case, juste à côté de l'aéroport, c'est le premier quartier qu'il avait visité l'an dernier. Et c'est là qu'il avait été interpellé par cette habitante. "Je veux que vous reveniez dans un an et je serai là", l'avait-elle prévenu. "Si c'est construit, je vais vous appeler monsieur le président. Aujourd'hui, pour moi, c'est monsieur Macron".

 

"Rien n'a bougé". Cette femme, je l'ai retrouvée, un an après. Elle s'appelle Lila, elle doit rencontrer Emmanuel Macron samedi et elle l'attend de pied ferme. "Rien n'a bougé, rien n'est reconstruit", assure-t-elle. "Donc ça ne sera toujours pas monsieur le président mais monsieur Macron", prévient-elle.

"J'ai des patients qui n'ont pas encore de toit. Moi, j'ai perdu ma maison et mon cabinet", poursuit cette habitante. "Entre Irma et maintenant, j'ai déménagé 8 fois. On eu des inondations perpétuelles. Encore aujourd'hui, j'ai l'eau qui rentre dans mon plafond", témoigne-t-elle. "Et je suis pas la seule : il y a même des gens qui dorment dans leur voiture". "L'île ne va pas se relever ni dans deux ans ni dans trois à ce rythme-là", estime Lila. "Je vais engueuler Macron. Il doit placer l'île sous tutelle pour la sauver", conclut-elle.

Des hôtels en réparation. C'est vrai que, si l'on regarde de plus près, on voit tout ce qu'il reste à faire, dans tous les domaines. Il y a toutes ces maisons qui n'ont toujours pas de toit, qui sont couvertes par une bâche. Il y a les bâtiments hors service : un collège, la préfecture qu'il faut reconstruire.

Et puis, il y a les nombreux hôtels toujours en réparation. Moins de la moitié des chambres est disponible, aujourd'hui. C'est évidemment un énorme handicap pour une île qui ne vit pratiquement que du tourisme.

"Il manque du personnel". Pourtant, l'Etat a débloqué beaucoup d'argent pour la reconstruction. 500 millions d'euros, c'est le montant annoncé par le gouvernement. De l'argent qui doit être utilisé par la collectivité de Saint-Martin. Le problème, c'est que cette collectivité manque de compétence, selon le délégué interministériel à la reconstruction, Philippe Gustin.

"Le nœud du problème, c'est la capacité d'ingénierie de la collectivité", analyse-t-il. "Il manque du personnel qualifié et en nombre". "Quand il s'agit de lancer des marchés publics ou de faire respecter des règles d'urbanisme à un moment où tout doit être reconstruit, ce n'est pas la même chose que quand il s'agit de gérer des marchés publics quand vous avez un ou deux projet tous les deux ans ou un ou deux contrôles à faire par mois", poursuit-il.

Il faut dire aussi que l'Etat se montre prudent : Saint-Martin n'a pas une bonne réputation pour l'utilisation de l'argent public. Donc chaque investissement demande un effort de transparence total qui ralentit aussi la reconstruction.

Des règles d'urbanisme à respecter. Alors en attendant, comment font les habitants pour reconstruire ? Ils se débrouillent. Une majorité d'entre eux n'était pas assurée. Donc, souvent, ils reconstruisent leur maison eux-mêmes, avec en théorie de nouvelles règles d'urbanisme, de construction. 

Des règles que le procureur Samuel Filniez doit faire respecter. "A Saint-Martin, culturellement, on n'a pas l'habitude d'appliquer ces règles", constate-t-il. "Il y a quand même une petite révolution culturelle à faire. Cela passera par de la prévention mais aussi par de la répression chaque fois que ce sera nécessaire". 

Voilà pour le discours. Mais là encore, ce n'est pas si simple. Par exemple, beaucoup d'habitants ont déjà reconstruit un toit en béton, pour être sûr qu'il ne s'envole pas. Sauf que souvent leur maison n'est pas faite pour ça. En cas de séisme, elles pourraient s'écrouler. On est encore loin de la reconstruction exemplaire réclamée par Emmanuel Macron, il y un an.