Les boissons alcoolisées sont-elles très inégalement taxées ?

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Selon l'épidémiologiste Catherine Hill, les taxes sur les boissons alcoolisées sont très inégales. C'est vrai.

Vrai Faux : l’alcool dans le viseur des professionnels de santé.

Ils sont une dizaine à signer une tribune pour exiger du gouvernement qu’il sorte de sa torpeur. Les taxes sur le tabac explosent, mais on ne fait presque rien pour lutter contre l'alcool, dénonce l'épidémiologiste Catherine Hill, signataire de la tribune.

"C’est dangereux parce qu’on boit beaucoup trop dans ce pays. Et pour augmenter les prix il faut augmenter la taxation, parce que les boissons alcoolisées sont très inégalement taxées."

Les boissons alcoolisées sont inégalement taxées. Vrai ou Faux ?

C’est vrai. Et c’est même surprenant pour un produit qui tue, chaque année, près de 50.000 personnes en France, sans compter les accidents, les violences que cette consommation induit. Le coût social de la consommation d’alcool est considérable, et pourtant il est bizarrement taxé. Deux taxes pèsent sur les boissons alcoolisées, en plus de la TVA : les droits d’accise, qui sont une sorte de taxe comportementale, comme pour le tabac, et les cotisations sociales. Mais elles rapportent 4 fois moins que pour les cigarettes. A peine plus de 4 milliards en 2017. Et sur ce total, le vin, qui représente près de 60% de notre consommation d’alcool, n'a rapporté que 122 millions d’euros (3% du total). Par comparaison, les taxes sur le soda ont rapporté 372 millions. Les vins "tranquilles" (ceux qui ne font pas de bulles, soit la majorité des vins) sont exonérés de cotisations sociales et leur droit d’accise est limité à 0,037 centimes par litre (deux fois moins que les sodas). Les alcools forts, eux, sont taxés environ 114 fois plus, et selon le degré d’alcool qu’ils contiennent.

Alors que les deux sont tout aussi dangereux.

Les médecins le rappellent : vu du foie, une dose de whisky ou un verre de vin, c’est pareil. Ce qui compte, c'est la quantité d'alcool pur ingérée. Elle devrait être de 100 grammes  par semaine au maximum selon les autorités de santé, donc 10 verres standards. Les Français aujourd’hui en consomment 18 en moyenne, c’est beaucoup moins qu’il y a 10 ans, mais c’est encore trop.

D'autres pays ont testé des stratégies pour réduire cette consommation, dans deux directions. Soit on considère que la consommation globale d’alcool, et de vin donc, est un problème, et on augmente les taxes (comme on le fait pour le tabac). Soit on se dit que ce sont les pratiques excessives, les soûleries (de plus en plus fréquentes), qui sont préoccupantes, et on fixe un prix plancher pour l'alcool, afin d’empêcher qu’on puisse de soûler avec trois fois rien. Le Canada l’a fait, la consommation a baissé de 16%.

Le problème, c’est que le gouvernement aujourd'hui, refuse : son plan santé se limite à l'ajout d’un pictogramme plus gros sur les étiquettes pour les femmes enceintes.

Pourquoi ? C’est le poids des lobbys ?

Evidemment. Très puissants chez le deuxième producteur mondial de vin. L’alcool rapporte beaucoup à la France : notre balance commerciale est bénéficiaire de 11,5 milliards, il y a 550.000 emplois à la clé, et cette économie, Emmanuel Macron la chouchoute. Il a restreint la loi Evin quand il était ministre, pour développer l’emploi lié à l’œnotourisme, sa conseillère agricole à l’Élysée est l’ancienne dirigeante d’un lobby, "Vins et Société", et à l’Assemblée nationale, le groupe d’études sur la vigne compte plus de 100 députés de régions vinicoles, au chevet d’un secteur fragilisé, qui peine à se maintenir à l’international. Sa santé économique reste la priorité.