Une "grève" de patrons, c'est impossible !

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Damien Brunon , modifié à
PAUSE DROIT - Pour Jean-Emmanuel Ray, spécialiste du droit du travail, la grève des clubs contre la taxe à 75% n’en est pas vraiment une.

L’INFO. Les clubs de football français de Ligue 1 et de Ligue 2 ont décidé à l’unanimité de se mettre en grève le dernier week-end de novembre, une menace spectaculaire qui vise le projet de taxe à 75% sur les plus hautes rémunérations, et donc les joueurs. Le problème, c’est que légalement, les patrons n’ont pas le droit de grève, leur mobilisation pourrait donc leur porter préjudice même si elle leur ouvre la porte à des négociations.

>>> Jean-Emmanuel Ray est professeur de droit du travail à la Sorbonne et à Sciences-Po Paris. Il est aussi l’auteur du livre de référence “Droit du travail, droit vivant”, réédité chaque année depuis un peu plus de vingt ans.

La grève des clubs de foot est-elle vraiment une grève ?

En France, il n’y a pas de grève de patrons. Selon la Constitution, la grève est réservée aux subordonnés, donc les fonctionnaires et les salariés. On parle parfois de grève de médecins, de commerçants ou de club de foot, mais sur le plan technique, ce ne sont pas des grèves. Les personnes qui font ce type de grève ne peuvent d’ailleurs pas bénéficier de l’immunité liée à l’exercice du droit de grève.

Mais il est très fréquent d'utiliser le terme de grève pour médiatiser un conflit collectif. Pour les médias, le terme de grève est très porteur, beaucoup plus que “refus de faire quelque chose”. On a connu des grèves de patrons de routiers ou de fonctionnaires qui n’ont pas le droit de faire grève, et tout cela n’a bien sûr rien à voir avec l’aspect purement juridique.

Quelles conséquences peut avoir la mise en place de cette “grève” ?

Ils prennent des risques par rapport aux chaînes de télévision et à la fédération avec qui ils ont des contrats. S’ils ont signé pour livrer un certain nombre de matchs et qu’ils ne le font pas à cause de l’imposition à 75%, c’est clair que ça ne rentre pas dans les exceptions qui peuvent leur permettre de ne pas remplir leurs obligations. Dans le droit des contrats, il n’y a que le cas de force majeure qui peut permettre cela.

Cela les empêchera-t-il de mettre leurs menaces à exécution ?

Non, probablement pas. Dans la grève, il n’y a pas qu’un rapport de droit, il y a aussi un rapport de force. Les clubs peuvent chercher à créer un rapport de force. La grève, c’est fait pour ouvrir des négociations.