Un compte pénibilité… moins pénible pour les patrons

Le gouvernement a décidé de revoir son dispositif, jugé trop complexe par les employeurs.
Le gouvernement a décidé de revoir son dispositif, jugé trop complexe par les employeurs. © PHILIPPE HUGUEN/AFP
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Anne-Laure Jumet et Gaétan Supertino
SIMPLIFICATION - Manuel Valls veut rendre le calcul des points de pénibilité plus simples aux entreprises. 

Le patronat avait dénoncé une usine à gaz. Le gouvernement va le simplifier. Manuel Valls va dévoiler mardi ses arbitrages pour améliorer le compte pénibilité, qui doit pleinement entrer en vigueur en 2016. Un rapport lui est remis mardi matin et le Premier ministre annoncera ses décisions dans la foulée. Elles seront intégrées dans le projet de loi sur le dialogue social, examiné à partir de mardi à l'Assemblée.

Qu'est-ce que le compte pénibilité déjà ? Ce compte permet aux salariés qui ont un métier jugé pénible de partir plus tôt à la retraite,  jusqu'à deux ans plus tôt. Il permet également de réduire son temps de travail, sans perte de salaire. En accumulant des "points" lorsqu'on exerce longtemps un métier pénible, on peut ainsi passer d'un temps plein à un temps partiel, au même niveau de revenu. Le salarié peut enfin utiliser ce compte pénibilité pour se former, se réorienter vers un emploi moins exposé à des facteurs à risques. Le port de charges lourdes, par exemple, vaut quatre points. Si les salariés sont exposés à deux facteurs, ils auront huit points, pour un maximum de 100 points.

Qu'est-ce qui va changer ? Manuel Valls devrait annoncer les nouveautés mardi. Le Premier ministre se base sur le rapport du député PS Christophe Sirugue et du chef d'entreprise Gérard Huot, qui lui sera remis officiellement mardi.

Principale nouveauté ? Ce n'est plus l'employeur mais la Caisse d'assurance vieillesse qui informera tous les ans le salarié du nombre de points obtenus. Un moyen d'éviter des contentieux employé/employeur potentiellement lourd pour l'entreprise. L'employeur, lui, n'aura qu'une déclaration à faire par an via son logiciel de paie. Il pourra, pour s'aider, désormais se référer à des fiches métiers : si vous êtes carreleur, par exemple, on considèrera que vous êtes exposés à tant de facteurs de pénibilité, et donc que vous pouvez cumuler tant de points.

Avec un risque : que le salarié soit moins bien suivi individuellement, et que l'employeur se rende moins bien compte des risques qu'il encourt. "C'est l'une de nos exigences : il faut une mesure de suivi individuel. Cela permet de faire de la prévention", a prévenu le patron de la CFDT, Laurent Berger, mardi matin sur Europe 1.  Le rapport propose également un système de bonus-malus pour récompenser les entreprises qui préviennent le mieux les risques.

Quel est le calendrier ? Le compte pénibilité doit être pleinement opérationnel dès le 1er janvier prochain. Depuis le 1er janvier dernier, les salariés peuvent déjà, en théorie, cumuler des points en fonction de quatre critères : le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes, le travail répétitif  et le travail sous très forte pression atmosphérique. Six autres critères devraient entrer en fonction en janvier 2016.

Sur le papier, la simplification est donc en marche. Mais dans les faits, cela risque de prendre un peu plus de temps : car les branches professionnelles n'ont pas encore défini les fiches de points de pénibilité par métier, ce qui suppose que syndicats et patronat se mettent d'accord. Rien que dans le bâtiment, il y a plus de 200 modes d'emploi à rédiger. Et le Medef envisage déjà un report de l'entrée en vigueur du compte à 2017. "Si ce n'est pas 2016, nous descendrons dans la rue. C'est l'une de nos exigences", prévient Laurent Berger.