Tarifs des autoroutes : que peut faire l’État ?

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PLEINS PHARES - L'Autorité de la concurrence dénonce la "rente" injustifiée des exploitants autoroutiers. Mais que peut y faire le gouvernement ?

Les autoroutes ne devraient pas être aussi rentables, selon l'Autorité de la concurrence. Un rapport, révélé jeudi par Les Echos, dénonce en effet la "rente" des exploitants du réseau autoroutier. Les sociétés concessionnaires d'autoroutes "affichent toutes une rentabilité nette exceptionnelle, comprise entre 20% et 24%, nourrie par l'augmentation continue des tarifs des péages", souligne le document, officiellement présenté jeudi.

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En clair, pour 100 euros gagnés, ces entreprises en conservent entre 20 et 24, une fois toutes les dépenses effectuées (salaires, taxes, entretien, investissement etc.).   "Et cette rentabilité n'apparaît justifiée ni par leurs coûts ni par les risques auxquels elles sont exposées", ajoute ce rapport commandé par la Commission des Finances de l'Assemblée nationale.

>> Mais l’État, qui a vendu la plupart de ses autoroutes entre 2002 et 2005, a-t-il encore des marges de manœuvres ?  

Pas de modification des tarifs avant 2027. "Que les conducteurs ne se fassent pas trop d'illusion !", préviennent Les Echos. Car selon le rapport, les contrats avec les sociétés autoroutières sont tellement solides juridiquement qu'une évolution des tarifs n'est pas prévue de sitôt. "C'est seulement entre 2027 et 2033, à la fin des concessions, que l’Etat, récupérant l’exploitation de l’infrastructure autoroutière, pourra remettre à plat une tarification qui s’est progressivement éloignée des coûts", explique le rapport.

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Des contrats solides. En France, la plus grande partie du réseau autoroutier (environ 7 850 km) est exploitée par sept sociétés privées, appartenant aux groupes français Vinci et Eiffage et à l'Espagnol Abertis. Entre 2002 et 2005, l'Etat leur a vendu petit à petit ses autoroutes. Des contrats ont été signés et ils courent jusqu'à au moins 2027. Or, l'Etat ne peut pas décider de les changer sans l'avis des concessions, sous peine de se voir retoqué et sanctionné par le Conseil d'Etat. "On ne peut pas changer une variable en cours de route, modifier l'économie générale d'une concession", nous explique-t-on à l'Autorité de la concurrence. "Cela poserait des problèmes de droit".

Autoroute péages Autoroutiers 1280

Mais il y a une marge de manœuvre. Selon l'Autorité de la concurrence, il reste toutefois une fenêtre de tir : renégocier le plan autoroutier. Signé en 2012 par les représentants de l'Etat, ce dernier prévoit l'allongement de la durée des concessions (jusqu'à six ans de plus) en échange de 3,6 milliards d'euros d'investissement de la part des sociétés exploitantes. Or, ce plan n'a pas encore été validé par la Commission européenne et peut donc être renégocié. Et certaines des recommandations de l'Autorité de la concurrence peuvent être glissées à ce plan sous forme d'avenants.

Parmi les recommandations possibles à mettre en œuvre, il y a celle d'intégrer l'évolution du trafic dans le tarif des péages, celle d'obliger les sociétés concessionnaires à réinvestir une partie de leur bénéfice ou encore celle d'obliger ces mêmes sociétés à partager partiellement leurs bénéfices avec l'Etat, qui pourrait en faire profiter les automobilistes. "Pourraient être introduites une nouvelle formule d’indexation du tarif des péages ainsi que des clauses de réinvestissement et de partage des bénéfices", recommande l’Autorité, qui en appelle à "rééquilibrer ce Plan en faveur des usagers et de l’Etat".