RSI : les indépendants veulent la peau de leur régime social

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Noémi Marois , modifié à
SECU - Suite à de nombreux dysfonctionnements, les non salariés remettent en question l'obligation de s'affilier à la RSI.

Créé en 2006, le Régime social des indépendants (RSI), avec ses 6,1 millions de membres, donne déjà des signes de défaillances. Alors que ses dirigeants ont annoncé mercredi lors d'une conférence de presse une baisse du nombre de plaintes en 2014, force est de constater que le RSI est remis en cause par de nombreux affiliés. Le 9 mars, une manifestation est même prévue à Paris. Mais pourquoi les indépendants ne veulent-ils plus de leur organisme de protection ? 

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Le RSI, c'est quoi ? Le RSI est un organisme de protection sociale destiné aux travailleurs indépendants, c'est-à-dire non salariés, qui leur permet de cotiser et de s'affilier à la Sécurité sociale. On y retrouve donc les artisans, les commerçants et les professions libérales. Il a été créé en 2006 après la fusion des caisses de protection sociale des chefs d'entreprise. Mais alors qu'il devait à la base cogérer la protection sociale avec l'Urssaf, il devient en 2008 l'interlocuteur unique des indépendants. C'est à ce moment-là que les ennuis commencent pour le RSI. Déjà en 2012, la Cour des comptes alertait dans un rapport : "la réforme a été mal construite et mal mise en œuvre, souffrant d’une mésestimation complète des contraintes techniques". 

Des dysfonctionnements à la pelle. Selon un sondage réalisé par le Syndicat des indépendants en janvier 2014, 60% ont une mauvaise appréciation du RSI et 74% ont déclaré avoir déjà eu au moins une difficulté dans la gestion de leur dossier. Des chiffres contestés par le RSI, qui avance un autre indicateur, le baromètre de satisfaction des assurés. Selon sa dernière version, datant de novembre 2014, 65% des assurés se disent satisfaits.

Bien que ses dirigeants ont annoncé mercredi une baisse du nombre de plaintes pour 2014, des affiliés pointent du doigt des erreurs de calcul dans les cotisations, voire des cotisations fantaisistes. Ils relèvent aussi des difficultés à obtenir des remboursements de dépense de santé, des pertes de dossiers ainsi que des retards de versement dans les pensions de retraite. 

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Une gestion calamiteuse des appels téléphoniques. L'image du RSI a été un peu plus ternie par un reportage de Zone Interdite, diffusé en décembre dernier. Grâce à une caméra cachée, on y constate une gestion catastrophique des appels des cotisants. 

En 2013, le RSI avait décidé de confier à une entreprise privée la gestion des appels téléphoniques de ses cotisants. Mal lui en a pris. Dans le reportage, on voit des salariés incités à répondre le plus vite possible aux cotisants afin d'engranger un maximum d'appels. Ils sont dans l'incapacité de répondre aux questions complexes des cotisants. Et pour cause, ils ne bénéficient que d'une journée et demie de formation, contre les trois préconisées dans le contrat signé par le RSI. 

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© ERIC CABANIS / AFP

Un modèle de financement non viable. Dans son rapport sur la Sécurité sociale, la Cour des comptes plaide pour une hausse des cotisations du RSI d'ici 2016 pour assurer sa survie. Un message qui a du mal à passer auprès de cotisants excédés par les erreurs de gestion. 

Un monopole remis en cause. L'affiliation de chacun à la Sécurité sociale est obligatoire, or celle-ci ne peut se faire que via le RSI pour les indépendants. Mais selon les chiffres du RSI, 600 cotisants exaspérés quittent chaque année cet organisme, ce qui est illégal. Et ces derniers se retrouvent dans des situations ubuesques comme le montre l'exemple d'un couple vivant dans le Limousin. Le RSI lui réclame 16.900 euros, total des cotisations qu'il ne paye naturellement plus depuis 2012, suite à sa sortie du régime. 

Toute la question est de savoir si le RSI est régi par le code de la sécurité sociale ou bien par le code des mutualités. Dans le premier cas, il devient obligatoire, dans le deuxième cas, il ne l'est plus et doit s'ouvrir à la concurrence selon une directive européenne. Plusieurs batailles juridiques sont actuellement en cours où les cotisants "rebelles" sont soutenus par le Mouvement des libérés de la protection sociale (MLPS). Mais pour la direction du RSI, il n'y a pas de débat au regard de la jurisprudence : toutes les décisions ont confirmé l'obligation de s'affilier et cotiser à la Sécurité sociale. La Cour d'appel de Limoges doit néanmoins trancher ce débat une nouvelle fois, une décision qui est attendue le 23 mars 2015..

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Le RSI se défend. Les dirigeants ont annoncé mercredi une batterie de mesures pour améliorer la qualité de leur service : "la progression de la qualité de l'accueil téléphonique", la "refonte des courriers liés au recouvrement des cotisations, pour en améliorer la lisibilité" et même une baisse partielle des cotisations. Le RSI va également calculer les cotisations de ses membres en fonction des revenus de l'année précédente, contre deux ans auparavant. Pas sûr que cela calme ses cotisants mécontents.

Du côté du gouvernement, on s'intéresse aussi à la question. Le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat et à la simplification, Thierry Mandon, a confirmé l'existence d'un "sujet RSI" avec une réforme prévue pour avril. Une centaine de députés ont également demandé en février une missions parlementaire sur l'organisation de cet organisme.

Le régime social des indépendants sous enquêtepar Europe1fr