Permis de conduire : la fin de l’impunité en entreprise ?

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et Aurélien Fleurot , modifié à
NORMALISATION - Le Conseil National de la Sécurité Routière recommande de mettre fin aux passe-droits des salariés en infraction au volant d’une voiture de société.

Le régime spécial dont bénéficient les salariés en infraction lorsqu’ils conduisent une voiture d’entreprise pourrait bientôt disparaitre. C’est en tout cas le souhait du Conseil National de la Sécurité Routière, qui va faire cette recommandation lundi. Avec un argument choc : chaque année, près de 20.000 accidents de la route ont lieu dans le cadre du travail.

Le régime de faveur des salariés au volant. Si le Conseil National de la Sécurité Routière s’intéresse aux voitures d’entreprise, c’est parce que leurs conducteurs bénéficient de "passe-droits" qui, à ses yeux, les déresponsabilisent.

En effet, dans la grande majorité des entreprises, les employés flashés pour excès de vitesse au volant d'un véhicule immatriculé au nom de la société ne se voient pas retirer de points sur leur permis : le plus souvent, leur employeur leur demande de payer l’amende mais ne fournit pas leur nom aux autorités. Or leurs infractions ne sont pas anodines : actuellement, 10 à 15% des flashes de radars concernent des véhicules de société, selon l'association.

Les entreprises invitées à nommer les fautifs. Le Conseil National de la Sécurité Routière va donc recommander lundi que cela change et que les entreprises donnent désormais l'identité de l'employé au volant lors de l'infraction. Une mesure qui devait ensuite être retranscrite dans les conventions collectives des entreprises.

Les employeurs joueront-ils le jeu ? Mais rien ne pourra se faire sans la collaboration des entreprises car "95% des radars flashent par l'arrière" si bien que le chauffeur n'est pas identifiable, explique le président de l'Automobile club des avocats, Rémy Josseaume.  L’employeur pourrait le désigner mais ne le fait généralement pas, de peur qu'à terme, le salarié perde son permis et ne puisse plus travailler ou travaille sans permis. "Donc on s'arrange avec la loi. On se dit: ‘on lui fait payer l'amende. Il y a une sanction pécuniaire, c'est déjà mieux que rien’", ajoute l'avocat.

"Disons que les professionnels de la route font beaucoup plus de kilomètres qu’un chauffeur normal. Leur permis est très exposé et donc ils se doivent d’être très vigilants pour le conserver. Même ce qui peut apparaitre comme un passe-droit est, selon moi, légitime : si on devait leur retirer systématiquement les points, ça ne pourrait que les pénaliser", renchérit Sébastien Leroy, gérant d'une société de coursiers à Paris.

"C’est toujours à peu près les mêmes personnes". "Mais avant de risquer leur permis, les salariés risquent leur vie !", réplique le délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe : "l'entreprise, en prenant à sa charge les points et les amendes, joue avec la vie des salariés".

D’autant que, comme le souligne le gérant de la flotte automobile d'une grande entreprise, cette mesure ne concernerait in fine qu’une part très limitée des conducteurs. "Il y en a forcément qui en abusent. En plus, c’est toujours à peu près les mêmes personnes. Si cette réforme passait, cela responsabiliserait les conducteurs", estime-t-il.