Voitures électriques : la France est-elle assez bornée ?

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TRANSPORT - L’entreprise Bolloré va installer 16.000 bornes de recharge d’ici 2020 pour doper la voiture électrique. Mais est-ce assez ?

L’Etat, mais aussi les constructeurs automobiles, ne cessent de vanter les mérites de la voiture électrique. Encore faut-il pouvoir la recharger et, là, les choses se corsent : les bornes pour faire le plein d’électricité sont encore trop rares, ce qui décourage une partie des acheteurs potentiel. Mais cela pourrait bientôt changer puisque le ministère de l’Economie a annoncé lundi que le groupe Bolloré souhaitait installer 16.000 points de charge publics pour véhicules électriques et hybrides. Suffisant pour que les conducteurs français se convertissent à l’électrique ?

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Bolloré promet 16.000 bornes.  Le groupe Bolloré mise beaucoup sur la voiture électrique : outre le développement de l’Autolib’ à Pairs, l’entreprise est aussi devenue une spécialiste de la batterie pour véhicule électrique avec sa filiale Blue Solutions. Bolloré a donc tout intérêt à ce que ce type de motorisation se développe pour devenir incontournable sur ce secteur.

Cela tombe bien, l’Etat veut lui aussi booster le véhicule électrique et promet un coup de pouce à ceux qui veulent participer à l’aventure : l’exemption d’une taxe, la redevance d'occupation du domaine public, pour les premières entreprises qui installeront des bornes de recharge. Bolloré a donc décidé de saisir l’occasion et déposé lundi son projet : l’installation de 16.000 points de charge publics pour véhicules électriques et hybrides, ce qui "représente un investissement de 150 millions d'euros sur 4 ans", dixit le ministère de l'Economie. Bercy et le ministère de l'Ecologie doivent valider ce dossier en janvier prochain.

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La borne de recharge, pierre angulaire du transport électrique. La question des bornes de recharge est stratégique : tant qu’il n’y en aura pas assez, les automobilistes rechigneront à passer aux modèles 100% électrique par peur de tomber en panne. Et vice versa : personne n’a intérêt à installer des bornes de recharge si seuls quelques conducteurs isolés roulent à l’électrique.

Pour résoudre cette équation impossible, le gouvernement a décidé de soutenir l’installation de bornes de recharge. C’est même l’un des 34 plans de la France industrielle dévoilés en septembre 2013 : l’Etat veut inciter les collectivités locales par le biais du programme d'investissements d'avenir, mais aussi les acteurs privés (Bolloré ou l’alliance EDF/Renault/BMW) via des exemptions de taxes.

Problème : la France en manque encore cruellement. Le projet de Bolloré tombe à pic car les bornes de recharge sont encore trop rares… surtout au regard des objectifs que la France s’est fixée. La loi sur la transition énergétique prévoit d'atteindre 7 millions de points de charge en 2030. Plus raisonnable, la Commission européenne a, elle, mis la barre à 97.000 bornes installées en 2020 dans l’Hexagone.

Dans tous les cas, il reste beaucoup de chemin à parcourir même si le gouvernement se félicite que "la France possède déjà le premier parc de points de charge ouverts (ou programmés) en Europe qui atteint les 8.000 à la fin 2013 et il doit encore doubler en 2014". Soit 16.000 bornes comptabilisées fin 2014, quand il en faudra 97.000 en 2020… Et encore, le chiffre de 16.000 bornes reste à confirmer puisque mi-novembre, Ségolène Royal parlait, elle, de "10.000 (bornes) déjà accessibles au public en 2014".

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Une borne tous les 60 km, l’idéal. Plutôt que de se concentrer sur des chiffres globaux, les auteurs du rapport sénatorial sur les infrastructures de recharge de véhicules électriques ont privilégié une autre approche, bien plus concrète : pour que l’automobiliste français roulant à l’électrique ne redoute pas de tomber en panne sèche, il faudrait qu’il trouve une borne tous les 60 kilomètres.

"L'autonomie encore limitée des batteries constitue le second frein à la vente de voitures électriques. Aujourd'hui, elle est de 120 kilomètres réels et n'est donc pas forcément adaptée à tous les types de besoins, notamment professionnels. Pourtant, on sait qu'en moyenne, 87 % des trajets en Europe sont inférieurs à 60 kilomètres, ce qui fait du véhicule électrique, y compris avec la puissance actuelle des batteries, un mode de transport tout à fait adapté à la grande majorité des utilisateurs", précisent les membres de la Commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.

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La France face au risque de "déserts électriques". Cet objectif d’une borne de recharge tous les 60 km relève malheureusement de la douce utopie dans certaines zones car toutes les régions ne montrent pas le même intérêt pour la voiture électriques. Si la moitié ouest de la France, et plus particulièrement le quart Nord-Ouest, multiplie les installations de bornes, la réalité est tout autre dans l’Est : en mai 2014, aucune de ces régions n’avait demandé une aide d’Etat – pourtant conséquente - pour l’installation de bornes de recharge.

Une disparité géographique encore plus criante sur cette carte du ministère de l’Economie qui recense les demandes des régions pour bénéficier du Programme d’investissement d’Avenir (PIA) afin de financer les Infrastructures de recharge pour véhicules électriques (IRVE) :

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Mais les véhicules électriques sont-ils au rendez-vous ? L’Etat doit donc encourager l’installation d’un réseau assez dense de bornes de recharge pour que les Français se convertissent à la voiture électrique. Or, les conditions actuelles ne le permettent pas, même si l'Etat travaille avec le privé pour accélérer le mouvement. Mais, en face, les Français ont-ils commencé à s'équiper en véhicules électriques ? Pour Emmanuel Macron, le mouvement a déjà commencé : "au plan mondial, le marché cible est considérable et en Europe. Les ventes ont été multipliées par 20 entre 2010 et 2012", s’est félicité lundi.

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Le marché explose donc, mais surtout parce qu’il part de zéro et que les ventes restent confidentielles : en 2014, seuls 3,1% des véhicules vendus étaient hybrides ou électriques. Et lorsqu’on se penche sur les seuls modèles 100% électriques, leur part tombe à 0,67%. Heureusement, l’Etat est cohérent avec ses propres discours : plus de 25% des véhicules qu’il achète sont électriques ou hybrides.

Résultat, ce type de motorisation ne cesse de gagner du terrain : alors que le marché automobile reste atone, les ventes de voitures électriques ont augmenté de 31,3% en novembre 2014 par rapport à l’an dernier. Les modèles les plus vendus actuellement sont la Renault Zoe, la Nissan Leaf, suivies par la Bolloré Bluecar et la Smart Fortwo. Pour les modèles hybrides, qui représentent 84% des ventes de "véhicules propres", le marché est dominé par Toyota (Yaris, Auris, Prius) et par PSA (Peugeot 3008, 508/508 RXH, DS5).

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