Macron attendu de pied ferme par les anciens de Gad

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avec François Geffrier , modifié à
SAV - Le ministre de l’Economie va rencontrer les anciens salariés des abattoirs, une promesse faite après ses propos sur l’illettrisme dans ce secteur.

L’invitation avait été envoyée fin septembre 2014 mais rares sont ceux qui pensaient que son destinataire, le ministre de l’Economie, allait y répondre favorablement. Et pourtant, Emmanuel Macron doit bien se rendre dans le Finistère vendredi pour rencontrer des actuels ou anciens employés des abattoirs de la région. Une promesse qu’il avait faite après avoir suscité la polémique, mi-septembre, en affirmant sur Europe 1 que les employés de ce secteur étaient touchés par un plus fort taux d’illettrisme que la moyenne. Un vrai sujet qui avait viré à la foire d’empoigne et laisse penser que ce déplacement ministériel ne sera pas de tout repos.

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Quand Macron, pensant bien faire, parlait illettrisme. Il est habituel pour un ministre de l’Economie de visiter des entreprises, mais cette fois-ci Emmanuel Macron est attendu de pied ferme. En effet, les 889 anciens salariés de l’abattoir Gad de Lampaul-Guimiliau, fermé depuis octobre 2013, en veulent encore au ministre d’avoir mis le doigt sur un sérieux problème : l’illettrisme.

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Alors que le ministre détaillait les blocages de la société française, il s’était attardé sur les tarifs et les délais d’attente pour passer le permis de conduire, que le gouvernement souhaite réduire. Et Emmanuel Macron d’expliquer qu’il y avait urgence en la matière, citant l’exemple des salariés des abattoirs Gad, dans la tourmente depuis 2013 et pour qui le permis est indispensable pour retrouver un emploi. Sauf que décrocher le fameux sésame suppose de maîtriser la lecture et l’écriture.

Emmanuel Macron et les "illettrés" des...par Europe1fr

Si la formulation est discutable, le problème est réel : entre 7 et 9% des Français ont perdu la maîtrise de la lecture et de l’écriture, une proportion qui augmente dans certains secteur (agriculture, pêche et agroalimentaire) et avec l’âge. Or la moyenne d’âge des employés Gad était de 42 ans, avec un parcours scolaire souvent raccourci, si bien que le taux d’illettrisme avoisinait les 20% chez Gad, selon les informations d’Europe 1. L’entreprise avait d'ailleurs lancé un atelier de remise à niveau pour ceux qui le souhaitaient. Bref, les faits sont là mais la polémique ne tarde pas à éclater chez des salariés à vif. Dans la foulée, les anciens salariés des abattoirs ne Gad invitent donc le ministre à leur rendre visite pour explication de texte. Le jour de la rencontre est arrivé.

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© MIGUEL MEDINA/AFP

Se sentant stigmatisés, les anciens Gad veulent des explications. Officiellement, le programme se veut détendu : galette des rois et cidre sont prévus. Mais l’ambiance ne sera pas festive pour autant car l’affaire des illettrés reste comme une blessure. "On s’est battus pour garder notre emploi, on a fait un combat plutôt digne et maintenant l’image qu’on donne de nous en France, c’est cela : des illettrés de chez Gad, alors que ce n’est pas du tout ça", témoigne Olivier Le Bras, ancien délégué central Force ouvrière, au micro d'Europe 1. Et ce dernier d’ajouter : "ce que j’attends ? Déjà des excuses, après des explications et qu’il puisse dire que les ex-Gad ne sont pas des illettrés. Et je rappellerai à Monsieur Macron qu’en Bretagne on a le plus gros taux de réussite au bac donc on n’est quand même pas le dernier de la classe".

"Je pense qu’il y aura quelques insultes, forcément". Bien qu’Emmanuel Macron soit invité par les anciens salariés, l’accueil risque donc d’être glacial. "Honnêtement, je pense que ce sera assez tendu. Je pense qu’il y aura quelques insultes, forcément. Mais, bon, je garantis que je maîtriserai la salle. Au bout d’un moment, une fois que la colère se sera exprimée, il faudra passer à autre chose. Mais la colère va s’exprimer d’une façon ou d’une autre", prévient Olivier Le Bras.

Et après la colère, il sera temps d’aborder la question du reclassement des anciens de Gad. Sur les 889 qui avaient été licenciés il y a plus d’un an, environ 200 seulement ont retrouvé un emploi en CDI ou CDD. Souvent faute d’une qualification suffisante pour se reconvertir.

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NB : il ne faut pas confondre l’illettrisme et l’analphabétisme. Dans le premier cas, les personnes concernées ont appris à lire et écrire mais en ont perdu la maîtrise. Dans le second, les personnes n’ont pas bénéficié d’un enseignement en bonne et due forme.