McDonald’s fraude-t-il le fisc français ?

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MAXI WORST OF - La chaine de fast-food pèse lourd, très lourd, en Europe. Mais bizarrement, elle y paie très peu d’impôts, selon un rapport au vitriol.

McDonald’s aime la France, l’Hexagone représente même son deuxième marché derrière les Etats-Unis. Mais dès qu’il s’agit d’impôts, la chaîne de fast-food n’hésite pas à lui faire quelques infidélités. Voire beaucoup, à en croire trois fédérations syndicales internationales qui dénoncent dans un document publié jeudi les pratiques fiscales du géant américain : à leurs yeux, McDonald's a privé les pays européens de plus d’un milliard d’euros en impôts sur les sociétés entre 2009 et 2013. Et la France serait la première victime de cette double vie.

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McDonald’s "cherche encore à fuir sa responsabilité". Dans un rapport publié jeudi, une coalition de syndicats européens et américains accuse sans ambage la chaine de fast-food de procéder à toutes les acrobaties fiscales possibles pour éviter de payer le juste prix. "Il est honteux de voir qu’une entreprise pesant plusieurs milliards d’euros, qui paie des bas salaires à ses employés, cherche encore à fuir sa responsabilité de payer sa juste part d’impôts, nécessaires pour financer les services publics dont nous dépendons tous. Plutôt que de maximiser ses bénéfices et minimiser ses impôts, McDonald’s devrait changer sa recette afin de s’assurer que la responsabilité sociale des entreprises soit au cœur de son menu", a martelé Jan Willem Goudriaan, secrétaire général de la FSESP, syndicat européen qui représente les services publics.

Qu’est-il reproché à McDonald’s ? L'inventeur du Big Mac est critiqué pour ne pas payer ce qu’il devrait tout en restant dans les clous de la légalité. Et les sommes en jeu ne sont pas anodines : le rapport affirme que "le système mis en place par McDonald’s aurait permis d’éviter de payer plus d’1 milliard d’euros en impôt sur les sociétés au cours de la période 2009- 2013".

Un chiffre résume à lui seul l’ampleur du défi : entre 2009 et 2013, l’entreprise américaine aurait fait remonter plus de 3,7 milliards d'euros de ses restaurants européens vers sa holding luxembourgeoise McD Europe Franchising, qui s'est acquittée de seulement 16 millions d'euros d'impôts. Soit un taux d’imposition proche de 0,5%, alors que l’impôt sur les sociétés oscille en Europe entre 20% et 35%.

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© PHILIPPE HUGUEN/AFP

Comment réussit-il à payer si peu d’impôts ? Comme d’autres entreprises indélicates, McDonald’s joue avec ce qu’on appelle les prix de transfert : en clair, réduire au maximum les bénéfices dans les pays à la fiscalité normale et les augmenter autant que possible dans les pays fiscalement conciliants, quand il ne s’agit pas de paradis fiscaux.

Dans le cas présent, McDonald's réussit à rendre ses restaurants presque déficitaires en leur faisant payer des royalties – le droit d’utiliser la marque – pour le moins élevées (5% du chiffre d’affaires) qui ne sont quasiment pas taxées car transférées dans une filiale au Luxembourg. A titre de comparaison, ces royalties représentent 4% aux Etats-Unis et sont imposables sur place. En facturant d’autres services à des niveaux artificiellement élevés, la maison mère européenne, basée à Genève, assèche ainsi les restaurants européens et concentre le maximum de bénéfices au Luxembourg… où ne travaillent que 13 personnes, contre près de 69.000 salariés pour la France.

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McDonald’s ne fait rien d’illégal, mais… Le Grand Duché a déjà été pointé du doigt à de très nombreuses reprises pour son rôle dans l’évasion et la fraude fiscale. Mais les accords fiscaux qu’il propose aux grandes sociétés, les fameux "tax rulings", sont légaux : on parle alors pudiquement "d'optimisation fiscale". Ce que le roi du burger n’a pas tardé à rappeler : dans un message adressé à l'AFP, McDonald's Europe a déclaré "respecter les lois en vigueur, y compris le paiement des taxes dues dans chaque pays" et souligne qu'"en plus des impôts sur les bénéfices, (il) paie d'importantes cotisations sociales et taxes immobilières".

Ce qui est factuellement vrai, même si mélanger impôts, TVA et cotisations sociales est pour le moins simpliste. Mais les pratiques de McDonald’s ne doivent pas être si irréprochables que cela puisque le ministère de l’Economie et des Finances serait en train de de mener un enquête sur l’Américain. Selon L’Express, une perquisition a déjà eu lieu et les services fiscaux estimeraient que McDonald’s a soustrait de l’impôt en France près de 2,2 milliards d’euros.

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© EMMANUEL DUNAND/AFP

La Commission européenne invitée à se réveiller. Pour les auteurs de ce rapport au vitriol, la solution ne peut venir que d’une action coordonnée entre les Etats et les instances européennes, afin de mettre à jour les règles du jeu. "Nous demandons à la Commission européenne et aux administrations fiscales nationales, ainsi qu’à la Commission spéciale récemment créée au Parlement européen, d’examiner de près les pratiques fiscales de McDonald’s et prendre les mesures appropriées", a ainsi souligné le secrétaire général de la FSESP.

D’autant que McDonald's n’est pas un cas isolé : la chaine Starbucks est par exemple régulièrement pointée du doigt pour ses pratiques, là aussi légales mais pas vraiment fairplay. "Présente depuis huit ans en France, la chaîne de cafés Starbucks n'a jamais payé un centime d'impôt sur les sociétés au fisc français. Et pour cause explique la chaîne, elle réalise des pertes en France. Comme dans tous les pays européens, depuis 13 ans d'ailleurs ! Plutôt curieux quand on voit la croissance du réseau sur le Vieux Continent", soulignait L’Expansion fin 2012. La Commission européenne a donc ouvert en juin 2014 une enquête sur plusieurs cas emblématiques, dont Apple, Starbucks ou encore Fiat. Une liste qui ne cesse de s’allonger et poussent de plus en plus de pays à vouloir restaurer une règle simple : obliger les entreprises à payer des impôts là où elles réalisent effectivement leur chiffre d’affaires.

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Optimisation fiscale : Google réduit ses impôts...par Europe1fr