LCB, la marque de cigarettes des buralistes, peut-elle réduire la contrebande ?

Plus d'une cigarette sur quatre fumée par les Français n'a pas été achetée en France.
Plus d'une cigarette sur quatre fumée par les Français n'a pas été achetée en France. © DENIS CHARLET / AFP
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Clément Lesaffre
La Confédération des buralistes s’apprête à lancer LCB, sa propre marque de cigarettes pour concurrencer les industriels et lutter contre la contrebande.

Après l’instauration du paquet neutre, les fumeurs français de cigarettes vont bientôt devoir s’habituer à une autre nouveauté. Dans le plus grand secret, la Confédération des buralistes de France a développé un projet de marque en propre, nommée LCB – La Cigarette du Buraliste. Le 1er février, la ministre de la Santé et le secrétaire d’État au budget ont homologué quatre références de cette nouvelle marque, en vue d’une commercialisation dans quelques semaines. Faute d’usine en France, les cigarettes seront fabriquées en Bulgarie, en partie avec du tabac français. L’objectif est clair : lutter contre le marché parallèle des cigarettes.

Lutter contre le marché parallèle. LCB sera uniquement distribuée en France, chez les 25.000 débitants de tabac du territoire. Impossible de se procurer des LCB en Belgique, au Luxembourg ou bien en Andorre, comme certains fumeurs en ont pris l’habitude. "Avec notre marque LCB, nous voulons crier notre ras-le-bol contre le marché parallèle qui est un réel fléau car il s'élève à 30% de la consommation en France", a expliqué Pascal Montredon, président de la Confédération des buralistes. "Ce que l'on cherche, c'est sensibiliser le gouvernement, les candidats à l'élection présidentielle et l'opinion publique. Acheter des cigarettes dans les pays frontaliers, sur Internet ou encore dans des épiceries de nuit, non, ce n'est pas normal, il faut y remédier", a-t-il lancé.

Manque à gagner de 2,3 milliards d’euros. Un signal d’alarme confirmé par les chiffres. Selon une étude du cabinet KPMG, un peu plus d’une cigarette sur quatre fumée en France en 2015 n’était pas achetée dans un bureau de tabac français. Soit 16,7 milliards de cigarettes sur les 61,5 milliards consommées dans l’Hexagone cette année-là. A elle seule, la contrebande représente un manque à gagner de 2,3 milliards d’euros.

Une cigarette sur huit achetée chez nos voisins. Autant la contrebande est stable depuis plusieurs années, autant le marché des cigarettes achetées chez nos voisins européens a de quoi inquiéter les buralistes. En 2015, 7,67 milliards de cigarettes (12,5% de la consommation) ont été importées par les fumeurs – ou leurs proches, notamment depuis l’Espagne, la Belgique et le Luxembourg. Un chiffre qui n’a cessé d’augmenter depuis 2009. Il y a huit ans, les importations de cigarettes achetées légalement à l’étranger s’élevaient "seulement" à 3,29 milliards d’unités (4,9% de la consommation de l’époque).

Impossible de tout contrôler. Les lois européennes limitent à quatre le nombre de cartouches qu’un citoyen français peut ramener depuis un autre pays de l’Union, et une depuis un pays extérieur. Mais les douaniers ne peuvent pas contrôler toutes les voitures qui font des allers-retours entre la France et les pays voisins, et certains fumeurs en profitent pour dépasser allègrement les quotas. En revanche, il est moins difficile de lutter contre la contrebande. Le 20 mars, un million de cigarettes ont été saisies à Nîmes, en décembre, les douaniers en ont intercepté 6,5 tonnes à la frontière espagnole et un mois avant, un trafic d’importation de 5.000 à 7.500 cartouches par mois a été démantelé à Marseille.

Un paquet plus cher en France. L’étude de KPMG montre que les principales marques de cigarettes importées depuis les pays voisins sont Marlboro, Winston, Camel et L&M. Autant de marques que l’on trouve dans tous les bureaux de tabac de France. Si les fumeurs choisissent de les acheter plutôt à l’étranger, c’est pour une raison simple : le prix. En moyenne, un paquet de cigarette coûte 6,75 euros dans l’Hexagone et le paquet de la marque la plus vendue coûte sept euros. A l’exception de la Suisse, c’est plus cher que chez la totalité des pays avec lesquels la France partage une frontière terrestre. Une différence qui s’explique en grande partie par les taxes sur le tabac, qui atteignent 80% chez nous, jusqu’à 10 points de plus qu’au Benelux.

Le paquet de LCB vendu 6,60 euros… Pour lutter efficacement contre le marché parallèle de la cigarette, il faudrait donc que le paquet LCB soit moins cher que la concurrence. Cela n’aurait rien d’incongru puisqu’il s’agit d’une marque de distributeur, comme il en existe dans les rayons de toutes les chaînes d’hypermarchés, par exemple. Ces produits estampillés Leclerc, Carrefour ou Système U sont systématiquement moins coûteux que les produits "de marque" équivalents.

… au même prix que la concurrence. Problème : le prix des cigarettes LCB se situera dans la fourchette actuelle du marché. Pour l’instant, le prix du paquet homologué par le gouvernement est de 6,60 euros, dix centimes de plus que les marques les moins chères. Mais depuis le 1er février, les taxes sur les cigarettes les moins chères ont été revues à la hausse. Les ministères concernés ont donc demandé une nouvelle liste de prix à la Confédération des buralistes et il n’est pas impossible que le prix du paquet soit plus élevé que prévu. "Il est hors de question que nous fassions du dumping, contrairement à certains industriels", justifie Pascal Montredon, président de la Confédération des buralistes, au Figaro.

Convaincre les fumeurs. Pas de quoi modifier le comportement d’achat des habitants des zones frontalières qui n’ont parfois que quelques minutes de voiture à faire pour réaliser des économies conséquentes sur leurs cigarettes. Par ailleurs, il va falloir convaincre les fumeurs de changer leurs habitudes. En effet, rien ne dit que les Français opteront pour LCB au motif qu’il s’agit de la marque des buralistes. A moins que le "design" des paquets ne joue en faveur de LCB : pour l’instant le flou subsiste quant à savoir si les paquets devront également adopter l’apparence neutre obligatoire depuis janvier. Ou que les buralistes profitent de leur monopole sur la vente de tabac pour mettre leur marque en avant. Auquel cas, les industriels ne manqueraient pas de multiplier les recours juridiques pour faire voler l’homologation de LCB en fumée. Affaire à suivre.