Laurent Berger : "Les cheminots ne sont pas des ultra-privilégiés"

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R.Da. , modifié à
Le secrétaire général de la CFDT estime que l'exécutif a fait des cheminots les principaux responsables des problèmes de la SNCF.
INTERVIEW

Le projet de loi d'habilitation qui permettra au gouvernement d'agir par ordonnance pour réformer la SNCF arrive mercredi sur la table du Conseil des ministres. Il prévoit notamment la fin du recrutement au statut des cheminots, une véritable ligne rouge pour les syndicats. "Je ne cherche pas l'affrontement pour l'affrontement, mais j'en ai assez de la stigmatisation des cheminots", s'agace mercredi, au micro de la matinale d'Europe 1 Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. "Aujourd'hui, on nous a trop souvent présenté les cheminots comme des ultra-privilégiés, et ça n'est pas la réalité", déclare-t-il.

"C'est très mal vécu". "Ça laisse des traces de laisser penser que pour reformer [il faut] explique[r] que les coupables des problèmes quotidiens sur les lignes ce sont les cheminots, que les problèmes, lorsqu'il y a un bug à Montparnasse, ce sont les cheminots. Ça n'est pas vrai", martèle le syndicaliste. "L'année dernière, il y a eu une mesure de rattrapage et on a vu que 70.000 cheminots gagnaient entre 1 et 1,3 fois le Smic", veut-il notamment rappeler. "Il faut arrêter cette stigmatisation, parce que c'est très mal vécu".

Pour autant, Laurent Berger assure que "la question du statut n'est pas un tabou pour la CFDT". "À une seul condition, que la logique ne soit pas de tout mettre par terre", précise-t-il. "Personne n'a intérêt à ce que les cheminots aient l'impression qu'on leur a marché dessus pour continuer à faire fonctionner la SNCF".

Pour une réforme en faveur de l'écologie. Et alors qu'Europe 1 a révélé l'existence d'une concertation au sein de la SNCF quant à la suppression de certaines petites lignes, qui pourraient être remplacées par des bus ou de l'auto-partage, Laurent Berger considère qu'une telle politique s'oppose au développement de transports propres, véritable enjeu écologique. "On est dans un pays qui a du mal avec la transition écologique. Personne n'en parle. Cette réforme du ferroviaire, si elle devait avoir un objectif, c'est développer le ferroviaire au service de la transition écologique", estime le responsable syndicaliste. "Ce dont crève aujourd'hui la SNCF, c'est de l'ineptie et de l'incapacité des pouvoirs publics, depuis un certain nombre d'années, d'investir durablement dans le ferroviaire, et notamment dans les lignes qui ont paru moins prioritaires, mais qui sont les lignes du quotidien qui transportent des millions et des millions de personnes", conclut-il.

La "stratégie" de l'exécutif

Alors que les syndicats doivent trancher jeudi sur un éventuel appel à la mobilisation face à la réforme, Laurent Berger s'interroge sur la pertinence d'une grève, craignant que le gouvernement ne tende un piège aux partenaires sociaux. "Le vrai sujet aujourd'hui, ce n'est pas la question de savoir s'il y aura un mouvement social [...], c'est la question [de] comment on l'évite", a-t-il estimé.

"Il y a ceux qui voudraient à tout prix le faire, comme ça on montrerait les gros bras de chaque côté", a-t-il déclaré. "Je me demande si parfois le gouvernement n'est pas dans cette stratégie-là aussi, pour essayer de montrer que, finalement, il y aurait des privilégiés qui feraient grève", et ce de manière à "revoir les choses plus en profondeur", suspecte-t-il.