Une taxe sur la malbouffe, remède miracle contre l'obésité ?

© PHILIPPE HUGUEN / AFP
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Dans un rapport rendu jeudi, la direction du Trésor propose de taxer certains aliments pour lutter contre l'obésité. Des initiatives déjà mises en place dans plusieurs autres pays, et qui ont fait leurs preuves.

Avec 24,6 millions de personnes concernées, l'obésité et le surpoids représentent un véritable problème de santé publique en France. À plusieurs reprises, les pouvoirs publics se sont emparés du sujet afin de lutter contre le phénomène : les campagnes d'information se sont multipliées, des taxes ont été mises en place sur les boissons sucrées et énergisantes et les distributeurs automatiques ont été interdits dans les écoles.

Mais face à l'ampleur de ce fléau, d'autres pistes sont également à l'étude. Dans un rapport publié jeudi, la direction du Trésor, qui conseille le ministère de l'Économie et des Finances, suggère ainsi d'instaurer une taxe sur les produits alimentaires qui favorisent le surpoids.

  • Pourquoi mettre en place une taxe malbouffe ?

Selon les dernières données disponibles, celles de l'enquête Obépi, 32,3% des Français étaient en surpoids et 15% obèses en 2012. Ces quinze dernières années, la prévalence de l'obésité a augmenté de plus de 4% par an, et celle du surpoids de 0,8%, ce qui laisse penser que les chiffres actuels sont donc encore plus élevés. Or, ce n'est pas sans conséquences. Sanitaires, d'abord. Les personnes en surcharge pondérale ont plus de risques de contracter une maladie chronique comme du diabète, de l'hypertension artérielle ou des maladies respiratoires, articulaires et cardiovasculaires. Certains cancers sont également favorisés.

Au-delà de la question de santé publique se pose celle du coût du surpoids pour la société. "Le coût social de la surcharge pondérale avoisinait 20 milliards d'euros (1% du PIB) en 2012", note ainsi la direction du Trésor. Celui-ci comprend à la fois les dépenses de santé, mais aussi un manque à gagner en termes de productivité, l'obésité provoquant parfois une exclusion du marché du travail ou "créant de l'absentéisme pour raison médicale", pointe l'étude. Autant de raisons pour les pouvoirs publics de légiférer.

  • Quelles sont les différentes options ?

Dans son rapport, le Trésor suggère deux manières de taxer la malbouffe. "Une option intéressante pourrait être de taxer les produits au-delà d'un certain niveau de calories, ou en fonction de leur qualité nutritionnelle", indiquent les auteurs de l'étude. Autrement dit, il ne s'agit plus de cibler certains aliments, comme les sodas, ou certains nutriments, comme le sucre, mais bien de créer un prélèvement généralisé. Le Trésor préconise en outre de fixer une taxe relativement élevée, afin qu'elle ait un effet significatif. Si la hausse n'excède pas 8% du prix de départ du produit, elle ne sera pas efficace. Seconde option examinée par le Trésor : "la modulation du taux de la TVA". Celle-ci serait plus élevée sur "les produits les plus nocifs pour la santé", et resterait au taux réduit de 5,5% pour les produits sains.

Ces deux leviers d'action ont été écartés, vendredi, par le gouvernement. Le secrétaire d'État au Budget, Christian Eckert, a indiqué sur RTL qu'il n'était "pas question de regrouper toutes les taxes en une seule qui tiendrait compte des calories". Michel Sapin, ministre de l'Économie et des Finances, a quant à lui confié ne "pas avoir trop envie" de retenir ni l'une ni l'autre des propositions du Trésor.

  • Est-ce que c'est efficace ?

Les deux ministres ont chacun avancé un argument différent pour justifier leur peu d'enthousiasme. Pour Christian Eckert, une taxe unique en fonction du niveau calorique du produit serait trop complexe à mettre en place. Michel Sapin invoque un souci de cohérence : alors que le gouvernement tente "de baisser les impôts, de supprimer les taxes", "en créer par ailleurs" enverrait un mauvais signal. Mais qu'en est-il de l'efficacité d'une taxation des produits mauvais pour la santé ?

Pour avoir une idée, il faut se tourner vers les exemples étrangers. En octobre 2011, le Danemark a introduit une taxe supplémentaire sur la viande, les produits laitiers et l'huile de cuisson contenant plus de 2,3% de graisses saturées. Selon une étude des universités d'Oxford et de Copenhague, publiée dans le Journal européen de nutrition clinique, les Danois ont réduit de 4% leur consommation de graisses saturées entre la mise en place de cette initiative et janvier 2013. Ils ont également acheté plus de légumes et de produits salés. En revanche, l'expérience a tourné court puisque cette taxe a poussé les Danois à acheter certains produits dans des commerces allemands, décidant le ministère de l'Économie et de l'Intérieur à la supprimer en 2013.

L'autre exemple pourrait venir du Mexique, pays particulièrement touché par les problèmes de malnutrition puisque 70% de la population est en surpoids ou obèse. Le gouvernement a décidé d'introduire, à partir de janvier 2014, une taxe nationale de 10% sur les boissons sucrées et de 8% sur les aliments transformés contenant plus de 275 calories pour 100 grammes. Résultat : au bout d'un an, les achats des produits alimentaires concernés ont baissé de 5,1%, selon une étude publiée dans la revue scientifique PLOS Medicine. Dans les foyers des classes inférieures et moyennes, la consommation a même diminué de 10,2%. Quant aux ventes de boissons sucrées, les résultats sont encore plus spectaculaires : 12% de baisse des ventes en moyenne, et 17% chez les personnes les plus défavorisées.