Hausse des rémunérations des grands patrons : un signe de bonne santé des entreprises mais...

Les dirigeants exécutifs de Sanofi, Rubis, Renault, Dassault Systèmes et Schnieder Electric ont gagné plus de 10 millions d'euros en 2015.
Les dirigeants exécutifs de Sanofi, Rubis, Renault, Dassault Systèmes et Schnieder Electric ont gagné plus de 10 millions d'euros en 2015. © AFP
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Clément Lesaffre , modifié à
Une étude révèle que la rémunération moyenne des patrons du CAC 40 a augmenté de 18% en 2015. Cette hausse est à la fois le signe de la bonne santé des entreprises françaises et un facteur d'inégalités.

Tout va (très) bien pour les patrons des grandes entreprises françaises. D'après le rapport annuel du cabinet de conseil aux investisseurs Proxinvest, la rémunération globale des présidents exécutifs des 120 plus grosses sociétés cotées a atteint 3,5 millions d'euros en moyenne en 2015, en hausse de 20% par rapport à 2014. Les patrons du CAC 40 sont encore mieux lotis : leur rémunération moyenne totale atteint les 5 millions d'euros, 18% de plus qu'en 2014. Ces chiffres incluent toutes les formes de rémunérations accordées aux patrons : salaire fixe, bonus, stock-options, intéressement, avantages en nature, etc.

Cinq "champions" à plus de 10 millions. Pour la première fois depuis 2005, les cinq patrons les mieux payés de France ont obtenu, en 2015, une rémunération supérieure à 10 millions d'euros. En haut du classement, on retrouve le directeur général de Sanofi. Pour sa première année à la tête du géant pharmaceutique, Olivier Brandicourt a gagné 16,8 millions d'euros, dont 7,2 millions de "primes de bienvenue". Il est talonnée par un "inconnu" : Gilles Gobin. Le PDG de Rubis, société spécialiste du stockage et de la distribution de produits pétroliers, a été rémunéré à hauteur de 16,4 millions d'euros.

Sur la dernière marche du podium, Carlos Ghosn, le patron de Renault, s'est octroyé 15,6 millions d'euros en 2015. Avec une particularité peu courante : sa rémunération a été maintenue par le conseil d'administration, malgré le refus des actionnaires de valider le montant. Enfin, Bernard Charlès, directeur général de Dassault Systèmes (14,1 millions), et Jean-Pascal Tricoire, PDG de Schneider Electric (10,4 millions), complètent le top 5.

La crise est oubliée. L'explosion des rémunérations des patrons des grandes entreprises est un signe de bonne santé des entreprises, simplement car elles peuvent se le permettre. "C'est la confirmation que les entreprises ont laissé la crise économique derrière elles", confirme Christopher Dembik, chef économiste chez Saxo Banque. "Notamment grâce au CICE, elles ont retrouvé de la marge de manœuvre, qui s'est traduite par des augmentations de salaire pour tout le monde".

Performances économiques décevantes. Pourtant, de telles rémunérations apparaissent relativement injustifiées au vu des performances de ces entreprises en 2015, note Proxinvest. Ainsi l'indice CAC 40 n'a augmenté que de 8,5% l'an dernier. Plus parlant encore, le chiffre d'affaires cumulé des entreprises du CAC 40 a reculé de 3% en 2015 et les bénéfices nets cumulés ont même diminué de 11%. 

Inégalités au sein de l'entreprise. Mais ces rémunérations sont surtout en décalage avec celles des employés. En effet, selon le cabinet Aon Hewitt, les salaires de base des employés français ont augmenté de 2,7% en 2016, plus que les 2,4% prévus initialement. Reste que la différence entre cette hausse et celle de la rémunération des patrons est disproportionnée. "Indéniablement, les inégalités de revenu entre les patrons et les salariés augmentent", reconnaît Christopher Dembik. Proxinvest note à ce propos que "la rémunération moyenne totale des présidents exécutifs du CAC 40 excède désormais la rémunération maximale socialement acceptable", définie à 240 Smic par le cabinet (4,8 millions d'euros).

"On ne peut pas comparer l'évolution des rémunérations des salariés avec celles des patrons des grandes entreprises. Ce sont deux marchés du travail très différents", tempère l'économiste de Saxo Banque. "Des rémunérations élevées permettent d'attirer et de conserver les meilleurs dirigeants dans les entreprises. Or, c'est un domaine dans lequel la France n'est pas très compétitive."

Investissement en demi-teinte. Les entreprises françaises vont donc mieux, mais la répartition de leurs bénéfices reste encore critiquable. Elles augmentent les salaires et les rémunérations des patrons, au détriment de l'investissement, "encore très insuffisant", estime Christopher Dembik. En 2016, les entreprises prévoient une hausse d'environ 5% de leurs dépenses d'investissement, mais "elles partent de loin tant elles avaient réduit la voilure après la crise de 2008."