Grèce : Tsipras a-t-il vraiment "trahi son peuple" ?

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Le Premier ministre grec accepte presque toutes les exigences de ses créanciers. Pourquoi ?

Les partisans de Syriza le vivent comme une trahison. Alexis Tsipras accepte presque toutes les exigences des créanciers de la Grèce. Athènes a envoyé jeudi soir à l'Eurogroupe sa liste de réformes en échange d'une nouvelle aide. La proposition d'accord a été validée vendredi soir par le Parlement grec et jugée "positive" par les créanciers.

Pourtant, beaucoup avaient déjà été proposées par le "trio" FMI/BCE/zone euro mais avaient longtemps été rejetées par les négociateurs d'Athènes... et par le peuple grec, lors du référendum de dimanche dernier. "Il n'a pas respecté l'opinion du peuple. Il va faire tout ce que l'Allemagne lui demande de faire", réagissait vivement un "noniste" vendredi sur Europe 1. Pourquoi ce revirement apparent ? Décryptage. 

Alexis Tsipras accepte tout... mais demande plus. Hausse de la TVA dans les îles et la restauration, fin de la plupart des systèmes de retraites anticipées, hausse de l'impôt sur les sociétés, privatisation des télécommunications... Afin d'obtenir un nouveau plan d'aide, Alexis Tsipras propose finalement une nouvelle cure d'austérité au pays, telle que le souhaitaient ses créanciers. N'a-t-il donc rien demandé en retour ? A-t-il effacé d'un geste de la main le rejet du peuple grec, comme le lui reprochent certains dans son camp ?

Pas tout à fait. Alexis Tsipras demande en échange un plan d'aide de 53,5 milliards d'euros sur trois ans, et une restructuration de la dette. Or, les créanciers les plus exigeants, à commencer par l'Allemagne, refusent de s'engager sur une période aussi longue et de renégocier la dette. Ce délai de trois ans et la restructuration de la dette n’apparaissaient pas dans les propositions rejetées lors du référendum.

Tsipras veut "maintenir le peuple en vie"... Si l'accord est accepté par les créanciers, qui se réunissent samedi et dimanche, "nous aurons un financement sur trois ans", contre cinq mois proposés par les créanciers fin juin et "un plan d'investissement". Par ailleurs, "nous avons pour la première fois un débat sérieux sur la restructuration de la dette", s'est défendu Alexis Tsipras vendredi soir, devant son Parlement.

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Le premier ministre grec a toutefois admis que l'accord contient des mesures "difficiles" et loin du "pacte électoral" initial proposé par la gauche radicale. Le chef de l'exécutif a reconnu des "erreurs" durant les six mois passés au pouvoir mais a assuré avoir fait "tout ce qu'il est humainement possible". S'exprimant devant les députés grecs, il a évoqué "un devoir national de maintenir le peuple en vie".

Tsipras s'est fait des alliés sur la dette. Si Alexis Tsipras fait autant de concessions, c'est qu'il place la renégociation de la dette au rang de priorité. La dette grecque s'élève en ce mois de juillet 2015 à 320 milliards d'euros, soit à peu près 180% du PIB du pays. Tant que les recettes de l'Etat seront autant tournées vers le remboursement, le gouvernement n'aura pas les moyens de mener sa politique de relance et de tenir ses promesses sociales. Or, avec les réformes qu'il a proposées jeudi dernier, le Premier ministre est en passe d'obtenir gain de cause sur ce dossier. Aujourd'hui, seuls l'Allemagne, les pays nordiques, les pays baltes et d'Europe centrale semblent opposés à une restructuration. Mais Alexis Tsipras s'est désormais rallié la France, l'Italie, l'Espagne et le Luxembourg. Selon certaines sources, même le FMI et la BCE semblent juger positive sa proposition d'accord.

Et il veut passer à autre chose. Un accord permettrait à la Grèce de souffler pendant trois ans... et à Alexis Tsipras de réinvestir la scène nationale. Car sur le plan de la politique intérieure, les enjeux sont légions. Lutte contre l'oligarchie et la corruption, justice fiscale, réforme de l'Etat... Syriza a été portée au pouvoir sur des promesses de réformes qu'elle ne parviendra pas à mettre en place si la Grèce n'obtient pas de financement à long terme.

"S'il réussit à mettre en place ces 'vraies' réformes, les éléments 'punitifs' du plan ne seront alors plus forcément nécessaires. Alexis Tsipras sera alors celui qui aura mis fin à la logique purement comptable de la troïka", décrypte Romaric Godin, rédacteur en chef adjoint à La Tribune. Et de conclure : "on comprend alors mieux l'importance du référendum : il a permis de mettre fin à ce 'nœud coulant' financier lié au maintien depuis février d'une logique de court terme".