Gattaz vs l’ISF : c’est quoi le rapport ?

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POLÉMIQUE - Le président du Medef affirme que sa suppression doperait l’économie. Vraiment ?

La dernière sortie de Gattaz : l’ISF tue l’entreprise. Déjà bénéficiaire du Pacte de compétitivité, synonyme d’une baisse de charges de 40 milliards d’euros par an, le monde de l’entreprise en veut plus. L’un de ses porte-paroles, le président du Medef, a déjà trouvé une nouvelle priorité : la suppression de l’Impôt sur la fortune (ISF). "L'ISF c'est dramatique pour le pays, ça détruit de l'emploi, ça détruit de la croissance", a martelé lundi Pierre Gattaz, avant d’ajouter : "il faut le supprimer, point".

Une sortie qualifiée de "provocation" par le ministre de l’Economie, qui a estimé que "lorsqu'on est responsable syndical ou responsable politique, on est avant tout responsable, (...) on ne peut pas dire à n'importe quelle seconde de la journée tout ce qu'on pense". Et Emmanuel Macron de conclure : "ça ne sert à rien d'en rajouter chaque semaine, c'est de la provocation".

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L’ISF, un impôt qui n’a rien à voir avec l’entreprise. L’attaque de Pierre Gattaz sur l’ISF est d’autant plus surprenante que l’ISF n’a, de prime abord, aucun rapport avec le monde de l’entreprise. Cet impôt ne concerne que les particuliers, en l’occurrence les contribuables dont le patrimoine net taxable est supérieur à 1,3 million d’euros. En s’attaquant à l’ISF, comme il l’avait déjà fait à plusieurs reprises, le patron du Medef ne prend donc pas vraiment la défense des entreprises mais plutôt celle des Français les plus fortunés. Et se retrouve accusé de faire de la politique plutôt que du syndicalisme.

Lors de l’édition 2013 de l’université d’été du Medef, l’ancien patron de Total, Christophe de Margerie, avait d’ailleurs brocardé en public Pierre Gattaz en lui lançant : "Non l'ISF ne peut être supprimé, tu le sais bien. (…) Il faut faire attention parce que l'ISF est considéré comme un sujet très sensible et je crois qu'on n'a pas intérêt à le mettre en avant comme une priorité". Interrogé en septembre 2013 par L’Usine digitale, la patron d’Orange ne disait rien d’autre, estimant que "sa suppression n’est pas un enjeu pour le patronat".

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Gattaz 28/09/14

Mais pourquoi Gattaz est-il obsédé par l’ISF ? Si le patron du Medef est si préoccupé par l’ISF, c’est parce qu’il considère que ceux qui le paient sont de potentiels investisseurs prêts à miser sur des entreprises. A ses yeux, l’ISF prive donc les entreprises en développement de nouveaux actionnaires, incités par la fiscalité à s’expatrier. "On a besoin de financements pour nos gamins, nos gamines qui créent des start-ups et veulent se développer dans la durée", a appuyé Pierre Gattaz, appelant à ce que "tout un chacun" puisse y investir et être "rémunéré de son risque".

Une affirmation là aussi discutable : les contribuables qui s’acquittent de l’ISF peuvent déjà en réduire le montant s’ils investissent dans des PME. Il est ainsi possible d’obtenir jusqu’à 45.000 euros de réduction d’impôt pour un investissement de 90.000 euros dans une PME. Un dispositif similaire existe pour les FIP (fonds d’investissement de proximité) et les FCPI (fonds commun de placement dans l’innovation).

Visiblement, ce n’est pas assez aux yeux de Pierre Gattaz qui voudrait aller plus loin. Car pour lui, la fiscalité sur le capital est "énorme, indécente" en France. Selon Eurostat, le travail était en effet taxé en 2012 à hauteur de 39,5%, contre 46,9% pour le capital. Mais comme il est politiquement et économiquement risqué de taxer d’avantage le travail que le capital, le président du Medef a une alternative : augmenter la fiscalité sur la consommation. Jugeant la TVA actuelle, à 20%, "faible", il estime "qu'on pourrait être à 23, 24, 25, 26, 27 pour financer un fort niveau de protection sociale". Pas sûr que cette piste rencontre davantage de succès.