La Chine est encore loin d'avoir racheté la France

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BUSINESS - En visite à Pékin, Manuel Valls a appelé à "remédier au déséquilibre" des échanges commerciaux et des investissements entre les deux pays.

"Confiance" et "connaissance mutuelle de nos atouts". Arrivé jeudi matin en Chine, Manuel Valls s'est lancé dans une opération séduction afin de "remédier au déséquilibre" des échanges commerciaux entre l'Hexagone et l'Empire du Milieu. Et il y a de quoi : les exportations de la Chine vers la France sont ainsi 2,5 fois plus élevées que celles de la France vers la Chine. Un déséquilibre qu'on retrouve également dans les investissements car, contrairement aux idées reçues, la Chine est loin d'avoir racheté la France.

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Le chiffre : +1.400% en 7 ans.  Entre 2005 et 2012, les investissements directs chinois dans l’Hexagone sont passés de 250 millions à 3,5 milliards d’euros. Soit un hausse vertigineuse de 1.400 % en sept ans, et même plus si on y ajoute les 700 millions d’investissements venus de Hong-Kong en 2012. Et certains sont très symboliques, comme les rachats en cours du Club Med ou encore de l'aéroport de Toulouse.

Sur le papier, on assiste donc à un grand bond en avant des investisseurs chinois en France. Mais ces chiffres sont à relativiser : "il faut se méfier. Si on part de très bas, comme c’est le cas avec les investissements chinois, il est facile d’avoir de tels chiffres. Il y a une dynamique", prévient la chercheuse Françoise Nicolas, directrice du centre Asie à l’Institut français des relations internationales (Ifri) interrogée par Europe1.fr.

Mais des montants dérisoires comparés aux autres. "Les investissements chinois en France font beaucoup de bruit car c’est symboliquement fort mais cela reste très marginal si on rapporte ces chiffres aux investissements d’autres pays en France. D’autant plus que la France est traditionnellement une terre d’investissements étrangers", poursuit-elle.

En 2012, les 3,5 milliards d’euros chinois ne représentaient en effet que 0,8% des investissements étrangers en France, selon les chiffres de la Banque de France. A titre de comparaison, les Etats-Unis ont investi en France entre 90 et 100 milliards d'euros cette même année, tandis que les Allemands et les Britanniques ont apporté chacun un peu plus de 60 milliards. Résultat, la Chine, qui est pourtant devenue la deuxième économie mondiale, pèse peu lorsqu’il s’agit d’investir en France. Alors qu’elle est bien plus présente en Allemagne et au Royaume-Uni, deux pays de taille comparable.

Quelles entreprises intéressent les Chinois ? "C’est très diversifié dans le cas de la France : ils sont à la fois dans la chimie, la pharmacie, l’agroalimentaire et de nombreux autres secteurs. Leur investissements sont bien plus concentrés en Allemagne, où ils visent surtout des entreprises moyenne spécialisées dans le secteur de la mécanique", décrypte Françoise Nicolas.

Résultat, les entreprises chinoises implantées en France employaient fin 2012 plus de 11.000 personnes, dans des secteurs aussi diversifiés que l'énergie, l'agroalimentaire, le verre-bois-papier et l'aéronautique, selon l'Agence française des investissements internationaux. Sans oublier les entreprises liées au "prestige à la française", dont la maison de luxe Sonia Rykiel, détenue à 80% par une entreprise chinoise, ou encore les vignobles bordelais, rachetés au rythme d’un par mois depuis début 2011.

Les raisons du faible investissement chinois en France. Si les Chinois investissent peu en France, c’est souvent par méconnaissance de notre tissu économique. Mais aussi par méfiance vis-à-vis de notre modèle. "Ce qui est est reproché à la France, paradoxalement, c’est sa bureaucratie : les Chinois maitrisent la leur, pas la nôtre. Tout ce qui relève du droit social leur semble un frein à l’investissement", souligne la directrice du centre Asie à l’Ifri.

Gare à la diabolisation. La France est donc loin d’être une cible prioritaire pour les investisseurs chinois, bien au contraire. Quand la France investissait 16,7 milliards dans l’empire du Milieu en 2012, les Chinois ne misaient, eux, que quatre fois moins dans l’Hexagone.

Si les Chinois ont racheté le très symbolique domaine viticole de Gevrey-Chambertin, ils sont donc loin d’avoir racheté tout le vignoble français. "Il faut donc arrêter de diaboliser ces investissements, insiste Françoise Nicolas, cela ne sert à rien de tenir un discours alarmiste sur la présence chinoise en France. On érige les Chinois en acteur menaçant, ce qui n’est pas le cas : ils investissent comme n’importe quel acteur économique."

L’heure est donc plus à l’opération séduction qu’à la méfiance du côté des autorités françaises. Ce que n’a pas manqué de faire la ministre du Commerce extérieur Nicole Bricq, le 24 février en présence de son homologue chinois : "je répète que les investissements chinois sont bienvenus en France, il ne s'agit pas que de discours quand l'Etat s'apprête, au côté de Dongfeng, à sceller un partenariat dans une entreprise aussi stratégique que Peugeot".

>> Retrouvez l'Edito Eco de Nicolas Barré, consacré jeudi aux relations entre la Chine et la France :