Des tests antipollution de moins en moins fiables

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© PHILIPPE DESMAZES / AFP
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Le dernier rapport de l’ONG Transport & Environment montre que l’écart entre les chiffres officiels et la réalité ne cesse de se creuser.

Le rapport tombe à point nommé, alors que le monde automobile commence à peine à prendre la mesure de l’affaire Volkswagen. Comme chaque année, l’ONG Transport & Environment mène une étude pour vérifier les chiffres avancés par les constructeurs en matière d’émissions de gaz polluants. Et comme chaque année, elle constate que l’écart entre les mesures effectués en laboratoire et celles réalisés dans des conditions réelles ne cesse d’augmenter : alors qu’il était de 8% en 2001, il est passé à 40% en 2014, selon le dernier rapport de l’ONG publié lundi.  Le durcissement des règles européennes a donc des effets sur le papier mais pas forcément sur les routes.

Des mesures de plus en plus éloignées de la réalité. L’affaire Volkswagen a permis de se pencher sur les contrôles effectués pour mesurer les émissions polluantes des automobiles. Des tests plus que contestables et qui montrent qu’il n’y avait pas besoin d’aller jusqu’à utiliser les pratiques de Volkswagen pour embellir la réalité : surgonfler les pneus, surgraisser le moteur, choisir le centre de contrôle le plus conciliant, etc.

Cet écart entre la pollution théorique et la pollution réelle a conduit plusieurs ONG à effectuer leurs propres tests. L’ONG Transport et Environnement réalise ainsi chaque année des contrôles indépendants sur des dizaines de milliers de véhicules pour mesurer leurs émissions de CO2 en conditions réelles. Bilan : non seulement ces mesures sont très éloignées des chiffres officiels, mais en plus l’écart entre les deux ne cesse de se creuser.

Alors que la différence entre les tests d’homologation et les mesures de l’ONG était de 8% en 2001, il est passé à 15% en 2007, 31% en 2012 et s’établit désormais à 40%. Et le rapport annuel d’estimer que "les résultats des tests officiels n’ont plus aucune crédibilité – l’écart avec les performances dans le monde réel est désormais un gouffre". Certes, les constructeurs ont fait des efforts pour réduire leurs émissions de CO2, mais l’étude souligne que les deux tiers de ces progrès ne reposent que sur les manipulations autorisées par les tests officiels. 

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Mercedes, la marque qui manipule le plus les chiffres ? Si l’ONG estime que "tous les constructeurs ont davantage exploité les failles des tests officiels en 2013 et 2014", elle souligne que certains le font plus que d’autres. Sont notamment pointés du doigt les groupes Daimler, PSA et General Motors. A l’inverse, Toyota et Fiat figurent parmi les meilleurs élèves.

Mais, parmi les véhicules testés, une marque s’illustre en particulier en plaçant trois de ses modèles parmi les voitures qui embellissent le plus leurs émissions polluantes : Mercedes. Les Classe A, C et E émettent 50% de CO2 en plus que ce qu’indiquent les résultats des tests d’homologation.

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Que les marques spécialisées dans les grosses berlines soient celles qui polluent le plus, et donc celles le plus tenté par la manipulation des chiffres, n’est pas vraiment une surprise. Ce qui l’est plus, c’est que les véhicules hybrides soient également pointés du doigt : "les travaux de l’ICCT suggèrent que l’écart avec le monde réel est encore plus grand pour les véhicules hybrides que pour les modèles conventionnels, et probablement encore plus pour les hybrides rechargeables".

Pourquoi un tel écart ? L’ONG souligne que les tests d’homologation n’ont pas changé depuis 2001 et estime que les habitudes de conduite n’ont pas sensiblement évolué. A ses yeux, cette décorrélation entre chiffres officiels et mesures en conditions réelles ne peut donc s’expliquer que par les choix de l’industrie automobile. Et plus précisément par sa tendance à profiter de plus en plus des failles de la réglementation pour réduire artificiellement ses émissions de gaz polluants. Et l’ONG d’enfoncer le clou en estimant que les dernières technologies déployées servent davantage à embellir les tests officiels qu’aux conducteurs.