Les contrats aidés sont-ils inefficaces ou indispensables ?

Les contrats aidés sont prisés par les établissements scolaires.
Les contrats aidés sont prisés par les établissements scolaires. © Thierry Zoccolan / AFP
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La rentrée est marquée par le débat sur la réduction des contrats aidés, "inefficaces" pour le gouvernement mais "indispensables" pour les communes. Comme souvent, la réalité est plus nuancée.
ON DÉCRYPTE

La rentrée est amère pour certains établissements scolaires confrontés à la baisse du nombre de contrats aidés. Dans quelques communes, le retour en classe a même été reporté pour protester contre la suppression de postes d’éducateurs et d’auxiliaires, utiles à l’accueil des enfants. Depuis que Muriel Pénicaud a mis le feu aux poudres en qualifiant les contrats aidés de "coûteux" et "inefficaces", les maires s’inquiètent quant à l’avenir réservé à ces emplois financés en grande partie par l'État. Et les déclarations d’Édouard Philippe, qui a confirmé qu’il y aura "nettement moins d’emplois aidés" en 2018, ne vont pas les rassurer.

  • Il y a plusieurs types de contrats aidés

Fin 2016, 497.000 travailleurs bénéficiaient de contrats aidés. Ils sont réservés en priorité à des actifs qui ont des difficultés à accéder au marché de l’emploi, situés dans des bassins d’activité compliqués (zones prioritaires notamment). Le dispositif est incitatif puisque les salaires sont en partie pris en charge par l’État (jusqu’à 75% dans le secteur public). Mais les emplois aidés recouvrent plusieurs réalités.

Le "contrat unique d'insertion - contrat d'accompagnement dans l'emploi" (CUI-CAE) concerne le secteur non-marchand (fonction publique et associations) et compte pour 45% des emplois aidés (226.000 personnes). Le "contrat unique d'insertion - contrat initiative emploi" (CUI-CIE) bénéfice à 41.000 personnes dans les entreprises privées. L’Insertion par l’activité économique (IAE) aide quant à elle 133.000 personnes particulièrement éloignées de l’emploi. Enfin, les emplois d’avenirs ciblent les jeunes en difficulté (97.000).

  • Une baisse déjà prévue

Après avoir culminé à 900.000 à la fin des années 1990, le nombre de contrats aidés a décliné jusqu’à la fin du quinquennat Sarkozy. François Hollande avait maintenu et gonflé le dispositif avant de faire machine arrière. Le précédent gouvernement avait en effet prévu de diminuer drastiquement le nombre de contrats aidés puisqu’il en avait budgété seulement 280.000 pour 2017. Une pilule difficile à faire avaler aux principaux intéressés, d'autant plus que "70% (des contrats aidés) ont été attribués dans les quatre premiers mois", selon Édouard Philippe. 

Le nombre de contrats aidés a été divisé par deux ans 20 ans. © Dares

Face à la grogne montante, le gouvernement a donc consenti à rajouté un surplus de contrats aidés pour atteindre 310.000 ou 320.000 à la fin de l’année. Un sursaut avant les coupes sévères de 2018, pour recentrer les emplois aidés sur les personnes les plus éloignées du marché du travail, avec une priorité pour l'accompagnement des enfants handicapés, l'Outre-mer et les secteurs d'urgence sanitaire et sociale.

  • L'insertion dans l’emploi critiquée

Le gouvernement entend ainsi réaliser des économies en rognant un dispositif qu’elle juge inefficace. "Ces contrats aidés sont en réalité des contrats précaires subventionnés par l'État, donc le contribuable", et constituent "une aubaine" pour des employeurs, a critiqué Édouard Philippe dimanche, estimant que le développement de la formation sera "beaucoup plus efficace" pour aider au retour à l'emploi. Dans le secteur marchand, seuls 25% des contrats aidés débouchent ensuite sur un emploi, "donc 75% d'échec", et seulement "57% à 60% dans le secteur non marchand, a fait valoir le chef du gouvernement, lors de l'émission Questions Politiques de franceinfo/France Inter/Le Monde.

  • A court terme ça marche…

Il y a deux choses dans ce que dit le Premier ministre. D’abord que les contrats aidés ne permettent pas une véritable insertion dans le marché du travail. Or, ce n’est pas vraiment la conclusion de la Dares, le service d’études et de statistiques du ministère du travail. Dans une note sur les contrats aidés publiée en mars, elle analyse la situation professionnelle des bénéficiaires d’emplois aidés six mois après la fin de leur contrat.

" Un ancien bénéficiaire de contrat aidé a 31 points de chance de plus d’être en CDI "

Il en résulte que "67% des personnes sorties en 2014 d’un CUI-CIE (privé) et 41% des personnes sorties d’un CUI-CAE (public) étaient en emploi". De plus, "71 % des sortants de CUI-CIE en 2014 ont été embauchés en CDI. La fin de l’aide de l’État ne signifie donc pas nécessairement la fin de leur contrat", explique la Dares. Résultat, en 2015, les contrats aidés ont "soutenu efficacement l’emploi", à court terme, en permettant la création de 21.000 emplois.

  • … moins à long terme

A plus long terme, les contrats aidés se révèlent clairement plus utiles dans le privé que dans le public. Au bout de deux ans et demi, dans le privé, "un ancien bénéficiaire de contrat aidé a 31 points de chance de plus d’être en CDI qu’une personne aux caractéristiques proches mais qui n’est pas passée par un contrat aidé et 23 points de chance de plus d’accéder à un emploi non aidé". A l’inverse, dans le public, les anciens bénéficiaires "ont 8 points de chances de moins d’être en CDI et 5 points de chances de moins d’être en emploi non aidé".

  • Un coût remis en cause

Autre point évoqué par Édouard Philippe : le coût des contrats aidés. Il s’appuie sur un rapport de la Cour des Comptes soulignant les dérapages budgétaires réguliers. Le dispositif a coûté 4,2 milliards d’euros à l’État en 2016, contre 3,4 milliards en 2014. Logique puisque sur cette période, le nombre de contrats aidés a augmenté de 40%, dont une bonne partie n’était pas prévus dans les budgets annuels. Voilà pour le coût brut.

Mais il y a un autre coût, moins visible : celui des "effets d’aubaine". En effet, selon la Dares, 29% des embauches en contrats aidés auraient quand même eu lieu, au même moment et avec la même personne, sans les subventions de l’État. Autrement dit, les employeurs profitent d’aides qu’ils n’ont pas spécialement demandées et dont ils n’ont pas réellement besoin. Ce qui s’apparente à du gaspillage d’argent public. C’est particulièrement vrai dans le secteur marchand, où l’effet d’aubaine concerne 58% des contrats, contre 21% dans le secteur non marchand. C’est la raison pour laquelle le gouvernement souhaite mieux cibler la répartition des contrats aidés, pour éviter les abus.

Les contrats aidés recouvrent de multiples réalités. © Stefan TWAROG, Cecilia SANCHEZ / AFP