Construction de prisons : la Cour des comptes appelle à bannir les partenariats public-privé

La Cour des comptes estime que les partenariats public-privé sont trop coûteux pour le ministère de la Justice sur le long terme
La Cour des comptes estime que les partenariats public-privé sont trop coûteux pour le ministère de la Justice sur le long terme © AFP
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avec AFP , modifié à
Le gendarme des comptes publics a alerté mercredi le gouvernement sur les dépenses considérables occasionnées par les partenariats public-privé dans la construction des prisons et palais de justice.

La Cour des comptes appelle le gouvernement à "renoncer à l'avenir" aux partenariats public-privé (PPP) pour la construction de prisons ou de palais de justice, déplorant dans un rapport publié mercredi le coût considérable de ces opérations qui pèsent à long terme sur les finances publiques.

Des investissements trop importants sur le long terme. Dans ce document intitulé La politique immobilière du ministère de la Justice : mettre fin à la fuite en avant, la Cour donne notamment l'exemple du nouveau palais de justice de Paris, qui accueillera ses premières audiences en avril, né d'un partenariat avec le groupe privé de BTP Bouygues pour un coût global de plus de 2,3 milliards d'euros.

Le recours à ce PPP, "guidé par des considérations budgétaires de court terme, implique des loyers annuels d'un montant moyen de 86 millions d'euros (jusqu'en 2044) qui pèseront fortement sur le budget du ministère de la Justice", selon les magistrats de la rue Cambon.

Répondre au besoin de construire vite. L'avantage du partenariat public-privé, choisi pour la construction de 14 prisons ou palais de justice ces quinze dernières années, était, pour le gouvernement, de répondre dans l'urgence à un besoin criant : construire vite, sans avancer d'argent, des prisons pour réduire la surpopulation carcérale, en moyenne de 120% en France où l'on compte près de 69.000 détenus pour 58.700 places, ou rénover de vieux palais décrépis, touchés au quotidien par des fuites d'eau ou des pannes informatiques.

De lourdes redevances aux partenaires privés. Mais la contrepartie est lourde, souligne le rapport : en vertu des PPP en cours, pour les seuls tribunaux de grande instance (TGI) de Paris et Caen, ce sont quelque 90 millions par an qui devront être versés aux partenaires privés, une redevance représentant le remboursement de l'investissement, les frais financiers et la maintenance des installations.

Une somme considérable au regard des 900 millions annuels de dépenses immobilières du ministère (constructions, entretien, loyers...) sur un budget annuel de 8 milliards. De plus, les taux d'intérêt auxquels le ministère est soumis dans ce cadre sont bien plus élevés que s'il avait eu recours à un marché public.

Un programme pluriannuel nécessaire. Face à l'équation budgétaire délicate du ministère, la Cour estime donc "indispensable" que le ministère identifie dans le cadre d'une programmation pluriannuelle "des opérations prioritaires". Une difficulté déjà en partie intégrée par la chancellerie, qui a indiqué mi-novembre qu'il faudrait deux quinquennats pour construire les 15.000 nouvelles places de prison promises par le président Emmanuel Macron, relevant que le précédent gouvernement avait lancé en octobre 2016 un ambitieux programme immobilier qui en était encore au "stade de l'identification du foncier".

Présentation d'une loi quinquennale en 2018. Dans sa réponse à la Cour des comptes, annexée au rapport, la garde des Sceaux Nicole Belloubet rappelle que le gouvernement présentera justement en 2018 une loi quinquennale de programmation des moyens de la Justice. Elle se dit par ailleurs "très réservée" quant aux PPP et affirme qu'aucun nouveau partenariat public-privé n'est prévu "dans les prochaines années".