Comptes clôturés du FN : qu’ont le droit de faire les banques ?

Marine Le Pen a vivement critiqué la décision "politique" de la Société Générale et de HSBC.
Marine Le Pen a vivement critiqué la décision "politique" de la Société Générale et de HSBC. © JACQUES DEMARTHON / AFP
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La Société Générale a décidé de clôturer les comptes du Front national. Même si le parti crie à la "discrimination", il s'agit d'une procédure rare mais tout à fait légale.

Un "assassinat financier". Voilà comment le député du Gard Gilbert Collard a qualifié la décision de la Société Générale de clôturer tous les comptes du Front national. A cela s’ajoute le cas personnel de Marine Le Pen, "chassée", selon ses mots, par sa banque HSBC, une "persécution bancaire" à entendre la présidente du FN. Pourtant, ce genre de procédure est tout à fait légal.

Une banque peut-elle décider seule de clôturer un compte ?

Cela peut paraître surprenant mais oui, une banque a absolument le droit d’acter la fermeture du compte de l’un de ses clients, sans que celui-ci ait son mot à dire. Et ce même s’il n’y a aucune anomalie sur le compte en question. "C’est une procédure encadrée par la loi", explique-t-on à la Fédération bancaire française (FBF). Plus étonnant encore, la banque n’est même pas obligée de motiver sa décision. Sa seule obligation est de respecter le droit de préavis en annonçant sa décision suffisamment tôt au titulaire du compte afin qu’il ait la possibilité de se retourner. Le préavis de clôture doit être envoyé par lettre recommandée au moins 60 jours avant la fermeture effective du compte.

Il y a quand même quelques exceptions, notamment si le client visé par la clôture a contracté un crédit. Dans ce cas, le compte lié à l’emprunt  est mis en sommeil le temps de parvenir à une solution : il n'y a que deux opérations autorisées par mois, une pour alimenter le compte et une de la banque pour prélever la mensualité du crédit. Tout le reste est fermé. Autre exception : si le compte a été ouvert par la procédure de droit au compte, la banque est tenue de fournir les raisons de sa décision.

Quels motifs justifient une clôture de compte ?

Même si la banque n’est pas tenue de communiquer, en pratique plusieurs motifs peuvent expliquer la fermeture unilatérale d’un compte. La plus courante est un litige entre le client et la banque. "Cela peut-être de l’incivilité en agence vis-à-vis de votre conseiller, l’impossibilité de rembourser vos emprunts et jusqu’au soupçon sur l’origine des fonds déposés et le blanchiment d’argent", précise la FBF.

La banque peut également décider de fermer tout compte resté inactif pendant dix ans, sous prétexte qu’il est abandonné. Le solde est alors versé à la Caisse des dépôts et consignations et peut être réclamé pendant vingt ans avant de devenir propriété de l’État. En cas de décès, le compte du titulaire est fermé automatiquement et les fonds bloqués jusqu’à ce que la succession soit réglée.

Est-ce une procédure courante ?

Officiellement, il n’existe pas de statistiques recensant le nombre de comptes bancaires clôturés sur décision des banques. Mais en privé, on comprend vite que ce n’est pas une procédure commune. "C'est tellement dur de gagner des clients que l'on ne s'amuse pas à se fâcher avec eux", confie un banquier interrogé par Europe 1. Le secteur bancaire est en effet très concurrentiel, étant donné le grand nombre d’établissements disponibles pour héberger les comptes des Français. La clôture de compte forcée est donc un instrument de dernier recours, quand la banque n’a plus d’autre solution pour gérer la situation intenable d’un client.

Que peut faire un client qui subit une clôture imposée ?

Si vous estimez que la décision de la banque est injuste et que vous vous sentez lésé, vous pouvez adresser une réclamation à votre banque. Si rien n’y fait, "vous pouvez interpeller le médiateur des banques", rappelle la FBF, un organisme spécifique à chaque banque. "Il ne peut pas obliger la banque à revenir sur sa décision mais peut vérifier que la procédure a bien été respectée de bout en bout."

Ensuite, le délai de préavis doit vous permettre de trouver une autre banque où transférer vos comptes. La démarche est personnelle, il faut faire le tour des agences par soi-même, en espérant être accepté. Si aucun établissement n’accepte votre demande, il faut se tourner vers la Banque de France. Elle se charge de faire appliquer le droit au compte, qui permet à tout un chacun de pouvoir ouvrir un compte bancaire quelque part. La Banque de France désigne donc une banque qui est obligée de vous accueillir. "C’est en quelque sorte un filet de sécurité", souligne la FBF.

 

La situation du FN est-elle particulière ?

Lors d’une conférence de presse mercredi matin, Marine Le Pen a dénoncé une "fatwa bancaire" et annoncé vouloir porter plainte pour "discrimination", notamment contre HSBC. "Avec plusieurs dizaines de milliers d'adhérents, des ressources stables et sans connaître le moindre incident de compte, le Front national s'est vu signifier sans aucune raison un bannissement bancaire de la part de la Société Générale qui était sa banque depuis de très nombreuses années" et qui cherche, selon elle, "à susciter les conditions de sa ruine et donc à terme, volonté à peine cachée, sa disparition".

Marine Le Pen dénonce donc une décision politique, ce dont se défend catégoriquement la banque française. "Les décisions du groupe Société Générale en matière d'ouverture et fermeture de compte sont de nature exclusivement bancaire dans le respect des exigences réglementaires, et donc sans aucune considération politique", a répondu le groupe dans un communiqué, sans plus de détails sur ses motivations, secret bancaire oblige. Dos au mur, le FN s’est tourné vers la Banque de France qui a mandaté le Crédit du Nord.