Ces emprunteurs rattrapés par l’envol du franc suisse

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et Salomé Legrand
IMMOBILIER - Les ménages ayant contracté un emprunt immobilier libellé dans la monnaie helvétique risquent de le payer cher.

La décision de la banque nationale suisse de ne plus arrimer la monnaie helvétique à l’euro n’arrête pas de provoquer des réactions en cascade. Les Suisses et les transfrontaliers sont les premiers concernés, mais pas seulement : certains propriétaires français redoutent eux aussi le pire. Car des centaines de ménages ont contracté un prêt immobilier libellé en franc suisse (CHF), monnaie dont le cours à bondi de 20% depuis la semaine dernière. Résultat, le capital restant à rembourser a explosé de près de 50 %.

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Le franc suisse redevient une valeur refuge. Depuis fin 2011, la règle était simple : un euro valait 1,20 franc suisse et la banque centrale suisse faisait ce qu’il fallait pour que ce taux reste stable. Sauf que le contexte a changé : les Etats-Unis voient leur économie redémarrer et le dollar reprendre de la valeur, tandis que l’Europe stagne et que l’euro se déprécie. Les Suisses ont donc décidé de ne plus arrimer le franc suisse sur l’euro, laissant le jeu de l’offre et de la demande fixer son nouveau niveau. Résultat, le franc suisse est redevenu une valeur refuge et ne cesse de prendre de la valeur. Si bien qu’un euro ne vaut désormais plus qu’un franc suisse.

Et un cauchemar pour ceux qui ont emprunté en CHF. Cette petite révolution dans le monde de la finance bouleverse l’économie suisse, très exportatrice, mais pas seulement. Les centaines de ménages français qui ont contracté des prêts immobiliers indexés sur le franc suisse découvrent qu’ils risquent de le payer très cher.

Car avec ce type de prêt, lorsque le cours du franc suisse augmente, le montant à rembourser augmente aussi. Et pas qu’un peu : en quelques heures, certains emprunteurs ont vu le capital qu’il leur restait à rembourser bondir de près de 50 %.

Ils empruntent 169.000 euros et en doivent 238.000. Cédric et Magali Aumont font partie de ces quelques 500 clients de la BNP Paribas rattrapés par le franc suisse. Ils ont emprunté 169.000 euros en 2009 et il leur reste aujourd’hui à rembourser… 238.000 euros. "On devient des accrocs du taux de change franc suisse-euro, à essayer de regarder avec espoir s’il y a des variations. Jusqu’à la semaine dernière où c’était la catastrophe. C’est vraiment extrêmement angoissant", témoigne cette dernière.

Pourtant, lorsque ce couple a décidé d’emprunter pour un investissement locatif de type Scellier, leur banque leur vantait les vertus d’un emprunt indexé sur une monnaie stable et sûre. Bref, un risque théoriquement proche de zéro et un taux parmi les plus bas. Aujourd’hui, ils ont porté plainte contre la BNP Paribas, qui n’a cessé de leur répondre qu’il fallait temporiser et se montrer patient. Un document interne fournit même aux chargés de clientèle de la banque tout l’argumentaire à fournir aux clients inquiets.

Visée par une information judiciaire pour pratique commerciale douteuse, la banque continue de botter en touche, assurant ne pas vouloir agir dans la précipitation. Quant aux clients concernés, ils ont désormais compris qu’emprunter dans sa propre monnaie était autrement plus sûr qu’un pari sur le cours d’une monnaie étrangère sur vingt ans. Ironie du sort, les derniers clients à avoir succombé au charme des prêts indexés sur le franc suisse ont signé leur contrat au moment même où les premiers articles sur les dangers de tels prêts se multipliaient.

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Les collectivités territoriales aussi. Les particuliers ne sont pas les seuls à avoir été séduit par des emprunts complexes mais au taux plus bas que la moyenne : malgré l’appui de services juridiques et financiers, de nombreuses collectivités territoriales ont aussi succombé aux sirènes des prêts indexés sur le franc suisse.

"Les collectivités qui ont des prêts assis sur la parité euro/franc suisse voient les taux s'envoler et se retrouvent en difficulté", confirme le président de l'association Acteurs publics contre les emprunts toxiques (Apcet), Christophe Greffet, par ailleurs vice-président du conseil général de l'Ain. "Un de nos prêts de 10 millions d'euros pourrait voir son taux passer de 8,5% à entre 19% et 29%, selon nos derniers calculs. Cela équivaut à un renchérissement de 1,7 à 3,8 millions d'euros", a détaillé le président de l'Apcet.

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