Ce que pèse la CGT aujourd'hui

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Sophie Amsili avec agences , modifié à
Fragilisée et vieillissante, elle reste néanmoins la première organisation syndicale du pays.

C'est un cap à passer : après avoir été dirigée pendant quatorze ans par Bernard Thibault, la CGT accueille un nouveau leader. Thierry Lepaon est en effet intronisé cette semaine, à l'occasion du 50e congrès du syndicat qui s'est ouvert lundi à Toulouse pour cinq jours.

Quelle CGT Bernard Thibault laisse-t-il à son successeur ? Ces dernières années ont été particulièrement douloureuses : la CGT a échoué à contrer la réforme des retraites de 2011 et à éviter les récentes fermetures de sites industriels. L'organisation ne cache pas non plus sa déception quant à François Hollande pour lequel elle a pourtant appelé à voter et se trouve seule à dénoncer fermement le récent accord sur l'emploi. Fragilisée, la CGT n'en reste pas moins la première organisation de représentation des salariés en France

Toujours numéro un… Né en 1895, la CGT est la plus ancienne organisation syndicale française et reste aujourd'hui la plus importante. Une performance à relativiser dans un pays qui ne compte que 8% de salariés syndiqués. Mais les chiffres sont là : la CGT est arrivée en tête aux dernières élections prud'homales de 2008 (33,8% des voix), aux élections professionnelles dans la fonction publique (25,4%) et lors du scrutin de décembre 2012 dans les Très petites entreprises (29%).

Quant au nombre d'adhérents, la CGT en revendique 692.000. Si la CFDT en compte plus (860.000), c'est parce qu'elle adopte un comptage différent. A comptage identique, la CGT serait, là aussi, en tête.

… mais en perte de vitesse du côté des effectifs. On est encore loin des 2 millions d'adhérents revendiqués en 1980. Bernard Thibault affiche à cet égard un bilan mitigé. Après 636.000 adhérents perdus entre 1991 et 2006, "l'hémorragie a été stoppée", note le chercheur Dominique Andolfatto, et la récente progression des adhésions (+3,46% en 2010, +1% en 2011) ne fait que suivre la progression de la population active. Bernard Thibault n'est donc pas parvenu à atteindre son objectif de revenir à un million d'adhérents. Pour la chercheuse Sophie Béroud, l'écart entre le "discours volontariste tenu en haut" et ces résultats "décevants" révèlent le "colosse aux pieds d'argile" qu'est devenue la CGT.

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Et l'image du syndicat s'érode. Le syndicat jouit d'une bonne image auprès de la majorité des salariés du secteur public (54%) mais nettement moins dans le privé (48%), d'après un sondage Ifop-L'Humanité paru lundi. Les travailleurs indépendants et les employeurs sont, eux, seulement 22% à déclarer avoir une opinion favorable du syndicat. Au total, ce sont 45% des Français qui ont une bonne image de la CGT (et 48% une mauvaise), une proportion en recul par rapport aux années précédentes. En 2005, ils étaient 55% après la victoire du "non" au référendum sur la constitution européenn et 2006 encore une courte majorité (51%) après la mobilisation contre le contrat première embauche (CPE).

La CGT souffre de l'absence de victoire ces dernières années; souligne l'Ifop. "La baisse d'opinion favorable est particulièrement importante chez les électeurs socialistes. En 2006, ils étaient 72%, aujourd'hui, ils ne sont plus que 61%", note Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'Ifop, cité par l'Humanité.

Un syndicat peu représentatif. Autre facteur de fragilisation du syndicat : ses troupes sont peu représentatives de la population active française. Ainsi, la moitié est âgée de plus de 50 ans et les 55-59 ans représentent désormais 15% des adhérents (contre 12,5% en 2009). Deux tiers sont par ailleurs des hommes, malgré une récente augmentation du nombre de femmes et de jeunes. Le privé est également sous-représenté : à peine plus de 58% des adhérents contre 80% du total des Français salariés. Enfin, les petites entreprises sont un point faible du syndicat : seuls 7,5% des adhérents travaillent dans une entreprise de moins de 50 salariés, alors que c'est le cas 40% des actifs français. Thierry Lepaon admet ce décalage : le syndicat "perd le contact" avec les salariés "isolés". "Le tissu industriel a bougé, pas nous. Il faut remodeler notre maillage" pour "aller chercher les salariés là où ils sont". Ce sera la première priorité dès sa prise de fonction, a-t-il d'ailleurs annoncé.

La deuxième priorité sera de ranimer l'"esprit de conquête" du syndicat et de prouver sa raison d'être : "nous ne sommes pas condamnés à rester dos au mur, à engager seulement des actes de résistance face aux politiques gouvernementales ou patronales", a martelé le nouveau leader.