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A.D , modifié à
RENTREE LITTERAIRE - La romancière publie L'Insouciance (Gallimard) au moment où l'inquiétude pèse de plus en plus sur la société. Elle s'en explique au micro d'Europe 1.
INTERVIEW

L'insouciance. Un sentiment qui fait besoin dans une société qui en a été sevrée. L'Insouciance, c'est aussi le titre du nouveau roman de Karine Tuil, qui sort chez Gallimard en cette rentrée littéraire. Si l'on compte tomber sur une bluette, halte ! Le livre s'ancre dans son époque, celle des angoisses sécuritaires, identitaires. Le roman parle aussi de la guerre et se joue dans l'arène du pouvoir. 

"Fin de l'innocence". Le titre est trompeur, à contre-pied de la légèreté. "C'est un livre qui raconte la fin de l'insouciance. Je l'ai écrit en partie pendant l'année 2015 qui a été ensanglantée par les attentats, une période très dure. J'avais envie de raconter cette vulnérabilité, cette fragilité. Nous sommes tous démunis face à ce qui se produit dans notre société, face à sa violence, à sa brutalité et il me semblait que le roman était le lieu où raconter cette fin de l'innocence."

"Les questions sont politiques". La perte de l'insouciance n'est pas qu'un matériau utile pour l'auteure, elle y croit. "Le romancier peut raconter cette fragilité là parce que des fois, le politique ne le fait plus." En écrivant, Karine Tuil interroge. "Les questions sont politiques. J'essaye de comprendre à travers un livre ce que l'on vit, de raconter les conflits à travers une histoire qui soit romanesque avec des personnages emblématiques de notre société : une reporter, un soldat qui revient dévasté d'Afghanistan, un jeune homme politique noir et un grand patron français."

"Crispations identitaires". Dans l'ouvrage ce grand patron n'est pas juif mais voit sa vie brisée par l'antisémitisme. L'homme politique noir va prendre sa défense et s'exprimer sur l'identité : "Tout est vu à travers le prisme identitaire. On est assigné à nos origines quoi qu'on fasse. Essaye de sortir de ce schéma là et on dira que tu renies ce que tu es, assume-le et on te reprochera ta grégarité", fait-elle dire à son personnage. Un discours qui pourrait apparaître dans un édito plutôt qu'un roman. "Les crispations identitaires sont terribles, commente la romancière. J'avais envie de raconter ça dans la continuité de mon précédent roman, L'invention de nos vies."

"Désillusion". La romancière n'est d'ailleurs pas tendre avec la politique, résumée à l'instabilité et la violence. "Pour écrire ce livre, j'ai rencontré des conseillers économiques et des plumes, qui pour la plupart avaient quitté le pouvoir. Le constat était une forme de désillusion. Ils m'ont raconté la violence du pouvoir politique, les courtisans", raconte-t-elle. Si certains romanciers s'évadent, Karine Tuil ramène au quotidien. "Le réel m'intéresse. C'est une matière littéraire formidable. Moi, j'adore l'actualité, je suis une passionnée de l'information. Raconter notre société dans un roman, c'est un défi, c'est un enjeu important. L'ambition, c'était ça : écrire un roman social qui aborderait les grandes thématiques qui nous agitent aujourd'hui." 

L'amour, une compensation. Désillusion et fin de l'insouciance sont les maîtres mots jusqu'à cette pique, vive, dans le livre : "l'amour n'est rien d'autre qu'une des compensations que la vie offre parfois en dédommagement de sa brutalité." Mais elle nuance. "Je voulais aussi qu'il y ait de l’espérance dans le livre. L'amour et la sexualité sont les espaces de la reconstruction possible." Face aux grands maux, les grands espoirs.