Coupe du monde : pourquoi les Bleus peuvent craindre les Croates

L'équipe de Croatie face à l'Angleterre (1280x640) Mladen ANTONOV / AFP
La Croatie va disputer dimanche la première finale de Coupe du monde de son histoire. © Mladen ANTONOV / AFP
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Dimanche, en finale du Mondial, la France retrouvera la Croatie, une équipe qui a montré des qualités, et pas seulement footballistiques.

Luka Modric, champion d'Europe avec le Real Madrid, Ivan Rakitic, milieu de terrain du FC Barcelone, Dejan Lovren, défenseur central de Liverpool, finaliste de la dernière Ligue des champions, le gardien Danijel Subasic, cadre de l'AS Monaco depuis 2012 : la Croatie dispose évidemment de footballeurs de grand talent, qui figurent parmi les meilleurs du monde à leur poste. Mais le parcours qui a mené l'équipe au damier jusqu'à la finale de la Coupe du monde, dimanche, contre la France, a mis en évidence d'autres qualités.

  • Les capacités physiques

Trois prolongations de suite pour une seule et même équipe. La Coupe du monde n'avait plus connu ça depuis 1990 et l'Angleterre, éliminée en demi-finales par l'Allemagne (1-1 a.p., 4-3 aux t.a.b.). Différence majeure : la Croatie, elle, a décroché son billet pour la finale en battant les Trois Lions (2-1) après être passée par les tirs au but contre le Danemark puis face à la Russie. De fait, avec ses trois fois 30 minutes, les Croates ont disputé l'équivalent d'un match de plus que les Bleus dans cette Coupe du monde. Et ils auront un jour de moins de repos avant le grand rendez-vous de dimanche.

"Ils vont continuer à courir". "Physiquement, ils doivent être fatigués, mais quand on joue une finale, la fatigue passe après", a estimé Samuel Umtiti jeudi. "On n'y pense pas trop sur un match, on se dit qu'on peut être champion du monde, même avec la fatigue. Ils seront là, ils seront présents, ils vont continuer à courir comme sur tous leurs matches."

Car même s'ils ont paru émoussés contre l'Angleterre, les joueurs au damier ont retrouvé un second souffle en deuxième période, et même paru plus en forme que leurs adversaires dans la prolongation. Paul Pogba voit même dans le scénario de cette demi-finale une preuve supplémentaire de la force des Croates. "Ils n'ont rien lâché, ils perdaient 1-0 et ils sont revenus", a-t-il souligné jeudi. "Mentalement, ils sont forts. Ils ont joué 90 minutes en plus, et je ne sais pas si c'est un désavantage pour eux : ils seront encore plus déterminés et voudront nous montrer qu'avec 90 minutes en plus, ils peuvent gagner."

 

On pourrait ajouter que les Croates ont été menés par l'Angleterre, mais aussi par le Danemark et la Russie, avant de se qualifier à chaque fois. "La force, l'énergie de cette équipe...", s'est enthousiasmé mercredi le sélectionneur de la Croatie, Zlatko Dalic, qui rapporte une anecdote riche de sens. "À un moment, je voulais faire des remplacements mais personne ne voulait sortir (les quatre remplacements croates ont d'ailleurs eu lieu dans la prolongation, ndlr) ! Certains joueurs ont joué avec des petites blessures, le genre de blessures qui auraient pu leur faire manquer d'autres matches. C'est incroyable, personne ne voulait abandonner, dire 'Je ne suis pas prêt' avant le match. Cela montre le caractère de cette équipe et c'est ce qui me rend heureux."

  • Les ressorts psychologiques

Si le physique a joué un rôle essentiel dans la réussite croate, c'est qu'il est soutenu par un mental hors du commun, dont les racines sont à chercher dans le rapport des joueurs à leur pays. La Croatie est un jeune pays, né en 1991 de la scission de la Yougoslavie et dans des circonstances tragiques. Dès lors, le sport a été un moyen d'affirmation par rapport au voisin serbe, pour faire connaître un "petit" pays (57.000 km2 contre 672.000 km2 pour la France, 4 millions d'habitants contre près de 68 millions) désormais destination touristique très courue. La Croatie est la plus "modeste" nation en finale d'une Coupe du monde depuis l'Uruguay, vainqueur du Brésil en 1950.

"Habités par autre chose". Ce sentiment de jouer pour un pays tout entier, notre consultant Raymond Domenech en fait la force n°1 de l'adversaire des Bleus dimanche. "J'aurais préféré affronter l'Angleterre. J'aurais été alors prêt à parier ma paye sur une victoire de l'équipe de France. Là, la Croatie, c'est plus fort. C'est une équipe qui a un vrai mental, qui joue plus que pour le football, pour quelque chose de plus grand. Ils sont quatre millions de Croates, et ils vont jouer dimanche pour tout un peuple. C'est ça le plus inquiétant. J'ai le sentiment qu'ils sont habités par autre chose."

Et, à cette dimension patriotique, on peut ajouter le sentiment de revanche. Car même s'ils s'en défendent ("On ne cherchera pas à prendre notre revanche", a d'ores et déjà avancé le sélectionneur croate), le staff et les joueurs gardent dans un coin de leur tête la demi-finale perdue face à la France en 1998 (2-1). "Thuram (auteur d'un doublé lors de cette demi-finale, ndlr)… Cela a été le sujet de discussion des 20 dernières années !", a confirmé Zlatko Dalic. Oui, tous ces éléments ont tout de même de quoi faire un peu peur.