Route du Rhum : à Saint-Malo, l'appréhension des skippers face à l'ébahissement du public

Saint-Malo, Route du Rhum, DAMIEN MEYER / AFP 1280
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Corinne Boulloud à Saint-Malo pour Europe 1, édité par Grégoire Duhourcau , modifié à
Le départ de la Route du Rhum sera donné dimanche. En attendant, le public se presse à Saint-Malo pour venir admirer les bateaux et surtout les skippers, qui fignolent les derniers préparatifs.

A Saint-Malo, c'est l'heure des derniers préparatifs avant le grand départ de la Route du Rhum, dimanche. Un événement qui attire des milliers de personnes. Chaque jour, c’est une marée humaine qui envahit la cité corsaire et son village de la Route du Rhum.

90.000 à 100.000 personnes par jour. Le public doit même souvent patienter pour observer des voiliers de toutes tailles amarrés aux pontons, du plus petit, 12 mètres, aux plus grands, ces fameux trimarans de 32 mètres, capables aujourd’hui de voler au-dessus de l’eau pour certains. C’est aussi l’occasion de côtoyer les navigateurs, ces aventuriers des temps modernes, de s’évader avec eux le temps d’une visite. C’est une véritable attraction pour les 90.000 à 100.000 personnes par jour qui se pressent pour les admirer.

 

"C'est impressionnant, "comment peut-on faire une chose pareille ?", "je les admire", "quand on voit la longueur des étraves et la hauteur des mats, on peut se dire que ce n'est pas simple de les emmener jusqu'à Pointe-à-Pitre", "je leur souhaite bon courage parce que je pense que ça ne doit pas être facile tous les jours", lâchent, impressionnés, certains visiteurs.

"Ils peuvent se noyer. C'est dangereux !" "Moi je me dis 'comment arrivent-ils à faire ?' Les vagues, le courant... S'il y a un tout petit truc en plus, ils peuvent se noyer. C'est dangereux !", témoigne pour sa part un petit garçon, qui a déjà bien compris qu’une traversée de l’Atlantique en solitaire et en course n’a rien d’une croisière.

"Il y a une appréhension"

Ils sont donc 123 concurrents à profiter des 24 dernières heures à terre avant de s’élancer pour une traversée d’environ 6.000 kilomètres vers Pointe-à-Pitre. A partir de dimanche, 14h, ce sera une autre paire de manches à bord de leurs bateaux. Leur univers va changer du tout au tout et ce n'est jamais une transition évidente.

"On va changer radicalement d'environnement." "Il y a une appréhension parce qu'en plus, on est un peu dans notre zone de confort là. Ça fait quinze jours qu'on est à Saint-Malo, on dort dans un lit donc on va changer radicalement d'environnement. On passe d'une nuit dans un lit à une nuit où on ne dort pas, trempé, sur un bateau qui tape et qui fait du bruit. Les bateaux sont en carbone donc on n'a pas d'amortisseurs et l'énergie n'est pas absorbée. Ce sont des bateaux qui sont très difficiles, usants", rappelle Paul Meilhat, skipper du monocoque SMA, au micro d'Europe 1.

Du coup, chacun a ses astuces pour se protéger des paquets de mer qui peuvent vous surprendre ou du bruit infernal qu’entraînent les hautes vitesses sur les monocoques ou maxi-trimarans dernière génération. "Quand le bateau plante dans l'eau, comme il va très vite, l'arrêt est assez brutal donc j'ai ce casque qui me protège. Il permet aussi, avec sa visière, de regarder les voiles parce que, comme le bateau va vite, les embruns fouettent énormément. Après, je n'ai pas pris de casque anti-bruit parce que la Route du Rhum, c'est quand même relativement court, une douzaine de jours et j'aime bien écouter mon bateau", confie Fabrice Amedeo, skipper du monocoque Newrest-Art et Fenêtre.

"On est écrou contre écrou, on blinde, on sécurise, on sur-sécurise"

"On s'est préparé" pour des conditions difficiles. Et surtout, il est impératif de s’endormir les pieds vers l’avant du bateau pour mieux amortir les chocs. Car des chocs, il y en aura dans le golfe de Gascogne avec un coup de tabac annoncé mardi, qui alimente les conversations à terre et les petites angoisses. "J'essaye de ne pas y penser", lâche Jérémie Beyou, skipper du flambant neuf monocoque Charal, en riant. "Il faut garder un peu de recul parce que, si on se met en stress, qu'on ne dort pas une nuit ou une minute avant de partir, c'est la catastrophe. On s'y prépare depuis qu'on est ici. On est écrou contre écrou, on blinde, on sécurise, on sur-sécurise. Même si il y a quinze jours, on ne savait pas que les conditions allaient être dantesques, on s'est préparé pour."

La première édition de la Route du Rhum, en 1978, a notamment marqué les esprits avec la disparition du navigateur Alain Colas et son bateau "Manureva". Une histoire contée par Christophe Hondelatte le 26 septembre dernier et que vous pouvez réécouter ici : 

Vous pouvez réécouter les histoires de Christophe Hondelatte en vous abonnant à ses podcasts en cliquant ici.

En attendant le grand départ, il y aura samedi un premier temps fort avec le passage des écluses. C'est presque une ambiance de stade de foot. Des milliers de personnes vont s’amasser autour de cette écluse de Saint-Malo pour acclamer une dernière fois les marins et leurs voiliers qui ensuite, iront mouiller à Dinard et Cancale dans l’attente du grand départ.

Le passage des écluses, "un truc mythique"

Un moment chargé d’émotions comme le confie Louis Burton, skipper de Bureau Vallée : "C'est vrai que le passage des écluses de la Route du Rhum, c'est quand même un truc mythique. Depuis tout gamin, nous, on regarde ça. Du coup, on va emmener les enfants, les partenaires, les potes et ça va être un grand moment de partage. C'est vraiment ça ! Un grand moment de partage et un moment où on dit au revoir. C'est le début de la transat et en même temps, le au revoir du village et le au revoir à la fête."

Dimanche matin, il n’y aura plus aucun voilier dans les bassins au pied de la cité corsaire. Mais sur l'eau, 10.000 personnes sont attendues pour accompagner les solitaires au moment du coup de canon du départ.