Un Jules-Verne pour Peyron

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LAURENT DUYCK , modifié à
Le touche-à-tout de la voile française, encore vainqueur de la Barcelona World Race en mars avec Jean-Pierre Dick et toujours embarqué avec son frère Bruno dans un projet pour la Coupe de l'America, se lance dans une nouvelle aventure : le Trophée Jules-Verne, propriété de Franck Cammas sur Groupama 3 qu'il tentera de s'approprier à la barre de Banque Populaire V sur lequel il remplace Pascal Bidégorry.

Le touche-à-tout de la voile française, encore vainqueur de la Barcelona World Race en mars avec Jean-Pierre Dick et toujours embarqué avec son frère Bruno dans un projet pour la Coupe de l'America, se lance dans une nouvelle aventure : le Trophée Jules-Verne, propriété de Franck Cammas sur Groupama 3 qu'il tentera de s'approprier à la barre de Banque Populaire V sur lequel il remplace Pascal Bidégorry. Si ce n'est Michel Desjoyeaux, dont le nom avait couru sur les pontons, l'intéressé prenant un malin plaisir à ne pas éteindre la rumeur, c'est donc un deuxième grand nom de la voile française dont Banque Populaire, autoproclamée banque de la voile, s'est attaché les services pour prendre la barre de son maxi trimaran, la vitrine de sa flotte (60 pieds, Figaro, voile olympique...). Une personne connue de tous, un communicant reconnu et un marin d'exception il ne faut l'oublier, Loïck Peyron qui prend donc la succession de Pascal Bidégorry, débarqué sèchement et avec peu de classe pour divergences professionnelles, aux commandes de Banque Populaire V, le plus grand trimaran de course au monde, taillé pour la conquête du Trophée Jules-Verne. A 51 ans, le touche-à-tout baulois, qui compte pas moins de 43 transatlantiques à son compteur dont 18 en solitaire, se lance donc dans une nouvelle aventure, tout sauf une surprise quand on se rappelle ses mots à l'arrivée de la Barcelona World Race, tour du monde en double sur 60 pieds remporté avec Jean-Pierre Dick début avril, date à laquelle les premiers contacts ont été établis avec Banque Populaire. "Mon dernier tour du monde ? Non, je n'ai jamais dit stop, disait-il. Si je pouvais le faire en famille et en croisière, ce serait super, mais si je pouvais le faire en course, bien sûr. C'est toujours un truc étonnant, avec la même petite angoisse du départ, toujours la même envie d'arriver et d'y retourner une fois arrivé, c'est un peu égoïste, mais cet égoïsme-là, on essaie de le faire partager." Peyron le partagera avec le Team Banque Populaire, une équipe bien établie qu'il a découverte en partie lundi lors d'une première prise de contact avec le maxi-trimaran de 40 pieds. "J'ai essayé d'être le plus discret possible. Quand je suis monté à bord, j'étais l'heureuse surprise, enfin j'espère", sourit-il, conscient de prendre à sa charge un "héritage compliqué", en référence au travail fourni depuis 2007 par les initiateurs de ce projet et "Pascal en particulier", ose-t-il rappeler alors que toute la difficulté de cette conférence de presse organisée dans les prestigieux studios Harcourt aura été de soigneusement ignorer Bidégorry. Une "recrue de choix" encore attendue Si ce dernier a payé pour ne pas s'être élancé, faute d'une fenêtre météo optimale, lors de l'hiver 2009-2010 quand Franck Cammas s'emparait dans le même temps du Trophée Jules-Verne, Peyron prend aujourd'hui sa défense, lui qui sera bientôt soumis au même impératif de résultat l'hiver prochain, terme du premier cycle de campagne de ce géant des mers. "Je n'ai pas le sentiment d'un échec avec le maxi jusqu'ici. Le programme a été tenu avec un record de l'Atlantique explosé, le record des 24 heures ou encore celui de la Méditerranée. Tout est relatif. Ce bateau a le potentiel pour exploser le Jules-Verne mais reste dépendant des conditions météo. Cette incertitude fait partie du sport", rappelle-t-il. La casse aussi, une avarie de dérive, qui a mis à jour un souci structurel, ayant mis fin à la première tentative de Banque Populaire V l'hiver dernier. "La seule chose qui m'intéresse, c'est la fiabilité. Je ne pose que des questions là-dessus", avoue aujourd'hui Peyron. "Aller plus vite, ça ne sert strictement à rien aujourd'hui, un enfant de cinq ans peut aller vite sur ce bateau", ajoute-t-il avec les yeux qui brillent devant le potentiel de ce bateau, "vraie homothétie de 60 pieds" mais "parfois un peu compliqué", précise-t-il. Pas de quoi lui faire peur. "Je revendique au moins une qualité, c'est que je sais m'adapter rapidement aux situations. J'ai cette chance là d'analyser rapidement", dit-il sans fausse modestie, rejoint par Ronan Lucas, le patron du Team Banque Populaire à terre: "Sur n'importe quel support, avec n'importe quel équipage, c'est quelqu'un qui est toujours dans le haut du tableau. Ça montre son adaptabilité, son savoir-faire pour mener les hommes derrière lui." Une gestion humaine que l'on a souvent reprochée à l'inflexible et colérique Bidégorry. Peyron, lui, sait faire. Et son premier geste sera de conserver tout le monde, même s'il n'a aujourd'hui navigué qu'avec le seul Frédéric Le Peutrec. "J'ai souvent récupéré des bateaux d'occasion. Et, quasiment à chaque fois, j'ai toujours fait en sorte de garder les hommes qui avaient créé ou travaillé sur le bateau", rappelle-t-il, ne s'interdisant pas cependant de faire appel à une "recrue de choix", un homme qui n'a encore jamais eu cette chance de faire le tour du monde. "Un bon équipage, ce n'est certainement pas une addition de casting officiel. En partant de zéro, peut-être que je ne serai pas parti avec les mêmes. Mais là, la valeur des gens qui sont à bord est inestimable, ils savent naviguer ensemble, ils connaissent le bateau parfaitement bien. La première erreur à faire serait de dire: « je n'ai plus besoin de vous »." Et la Coupe dans tout ça ? L'ancien skipper de Fugicolor a autant besoin de ces hommes-là que son équipage a besoin de lui aujourd'hui pour tenter de mener à bien ce projet. D'autant que dans le même temps, l'éclectique Peyron, qui reste engagé sur le circuit de D35, continuera de travailler au côté de son frère Bruno, un ancien détenteur du Trophée Jules-Verne (en 50 jours, 16 heures, 20 minutes et 4 secondes, le 16 mars 2005), sur la Coupe de l'America. Au risque d'être moins efficace ? "Au contraire, ça ne fait que le renforcer", assume-t-il. "Il faut impérativement se nourrir de la plus large des cultures". Lucas opine, pas inquiet sur l'implication de son nouveau skipper: "Sur un grand projet comme le nôtre, il y a des phases techniques d'entretien et d'optimisation, et on n'a pas besoin de lui pour nous aider techniquement sur ce projet. Il sera de toute façon très présent, on va beaucoup échanger pour que ce bateau soit à sa main, pour qu'il se sente parfaitement à l'aise. Je ne pense pas que l'apprentissage soit long." L'intéressé y voit lui une belle opportunité pour les deux projets. "Ça nourrit notre projet mais ça nourrit aussi celui de Banque Populaire, assure-t-il. Les échanges que j'ai avec Bruno, qui a créé le Jules-Verne, sont évidemment intéressants, notamment sur la gestion météo. Ça va dans les deux sens. Les deux projets ont intérêt à ce que chacune de nos histoires soit compatible et fonctionne, sans être liées." Et d'ajouter plus concrètement, comme pour convaincre son nouvel équipage: "On peut imaginer qu'une partie des hommes qui sont déjà là sont des recrues potentielles, pour la prochaine édition ou la suivante." Sur l'eau dès la semaine prochaine pour deux première sessions d'entraînement de 24 heures chacune, inscrit sur le record SNSM (17 au 21 juin) puis sur le Fastnet (14 août) parce que "c'est important de se motiver sur des épreuves préalables", Peyron, en stand-by probablement début novembre, est prêt à cumuler. "Il y a des hommes qui ont remporté le Trophée Jules-Verne qui un an après remportaient la Coupe", se défend-il. Si Peter Blake l'a fait...