Tous supporters des Bleus: Thomas Levet

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Thomas Siniecki , modifié à
Tout au long de la semaine, nous interrogeons des sportifs français sur la finale de la Coupe du monde, entre le XV de France et les All Blacks. Ont-ils suivi le parcours des Bleus ? Leur avis sur ce parcours ? Et enfin leur pronostic pour la finale ? Aujourd'hui, Thomas Levet, vainqueur notamment de l'Open de France de golf en juillet dernier, se livre à l'exercice.

Tout au long de la semaine, nous interrogeons des sportifs français sur la finale de la Coupe du monde, entre le XV de France et les All Blacks. Ont-ils suivi le parcours des Bleus ? Leur avis sur ce parcours ? Et enfin leur pronostic pour la finale ? Aujourd'hui, Thomas Levet, vainqueur notamment de l'Open de France de golf en juillet dernier, se livre à l'exercice. Thomas, vous suivez de près la Coupe du monde de rugby ? En permanence. J'ai regardé tous les matches, je me suis levé deux fois à 3h30 pour voir les Bleus jouer, et une fois à 2h. J'étais aux Etats-Unis. Ils nous font suivre un Mondial compliqué, pour eux comme pour nous. Et pour une fois, la France ne joue pas très bien, mais elle est efficace et elle gagne. C'est ce qui nous manquait depuis 25 ans. Les Néo-Zélandais ont deux bêtes noires: l'Australie, et la France. On a écrit deux des pages les plus noires des All Blacks - sans mauvais jeu de mots - en Coupe du monde. Ils se demandent comment on va se réveiller le jour du match, surtout qu'on a eu six ou sept visages différents depuis le début du Mondial. On a commencé correctement, en assurant le maximum. Puis on a fait 10 premières minutes fantastiques contre les Blacks, avant d'en prendre plein la figure pendant 20 minutes, et de leur tenir tête à nouveau jusqu'à la fin. Ça fait 60 minutes où ils doivent se dire qu'ils ont pas mal ramé, contre une équipe soi-disant pas performante. Et derrière, on a battu les Anglais, en jouant comme des Anglais. On ne leur a rien ouvert, on n'a pas fait de fautes. Contre les Gallois, il y a eu un changement psychologique dû au carton rouge, qui est assez compréhensible quand on joue au golf. Expliquez-nous ce parallèle... Quand on a un putt de cinq mètres pour gagner le tournoi, et qu'on tape un peu trop fort, derrière on se retrouve avec un putt pour rester dans la compétition. On n'est plus dans l'attaque, mais dans la défense. Ce changement d'attitude dû au fait de jeu - en rugby comme en golf - fait que l'équipe de France, qui avait un plan de jeu pour contenir des Gallois un peu plus inspirés, ne savait plus comment aborder la chose à ce moment-là. Changer d'attitude à ce moment-là, c'est très compliqué. Ce qu'ils devaient faire difficilement, c'est-à-dire se qualifier pour la finale, ils devaient, d'un coup, le faire facilement. C'est un piège dont il est dur de sortir. Ça m'est arrivé d'avoir 14 coups d'avance sur un tournoi, mais je me suis mis à ramer à la fin pour gagner, parce que psychologiquement je me voyais déjà vainqueur. Et sur les 10 derniers trous, j'avais un niveau de jeu dramatique. Ce qu'ont fait les Français, je m'y reconnais donc de temps en temps. En vrai fan de rugby, vous ne suivez pas seulement les Bleus ? J'ai regardé tout ce que j'ai pu, à commencer bien sûr par les deux demi-finales. Les matches spectaculaires, je les regarde tous. Ça me permet de me faire mon idée sur le jeu des autres équipes. On parle du jeu un peu tendu des Français, mais ce que je vois, c'est qu'ils ont gagné, contrairement aux autres années. Je préfère qu'ils jouent moyennement, mais qu'ils aillent en finale. Avant, ce sont les Anglais qui faisaient ça. "Ce n'est pas parce qu'il y a marqué "All Blacks" sur leur maillot..." Vous n'êtes donc pas de ceux qui pensent qu'il aurait été préférable de perdre en jouant bien ? Ceux qui disent ça, c'est qu'ils n'ont jamais fait de sport de leur vie. Dans toutes les disciplines, il vaut mieux gagner en ne jouant pas très bien, mais en s'accrochant comme un malade. Tout ce qu'ils font, c'est seulement au mental. Ils s'accrochent pour ne pas prendre les pénalités, peut-être aussi parce que notre niveau de jeu, justement, ne nous le permet plus. Quand on voit les 10 dernières minutes contre le pays de Galles, c'était l'armée coréenne (sic). C'était super, super, super discipliné. Les journalistes ne mettent pas assez ça en avant. Je dis bravo aux joueurs et aux entraîneurs, quand je vois qu'ils rament mais qu'ils ont encore la lucidité de ne pas faire de faute. Si on reprend le discours d'il y a quatre ans, huit ans ou 10 ans, c'était inimaginable. L'équipe de France ne savait pas faire ça. Comment sentez-vous la finale, alors ? Ça va être très dur. Les All Blacks sont les meilleurs au monde, je crois qu'on est tous d'accord là-dessus. Quand ils sont en forme et pas paniqués... Mais on est la bête noire, on les a sorti déjà deux fois en Coupe du monde. En 2007, on leur a peut-être mis les pires 30 minutes de leur histoire. Ils ne jouaient pas si mal, mais c'est surtout nous qui avons joué exceptionnellement bien. On aura peut-être une petite chance, si on arrive à les faire paniquer au niveau de la discipline et de l'organisation... Weepu est très nerveux quand il tape. Il est très bon, mais il n'a jamais eu la responsabilité des All Blacks dans sa carrière. Ni en Coupe du monde, ni dans les autres tournois. C'est toujours Carter qui s'y mettait, ce qu'il faisait très bien. On peut, peut-être, gratter là-dessus. Et si on fait deux périodes comme la première contre l'Angleterre, pourquoi pas ? Si on joue comme contre les Blacks au premier match, mais sans ces 14-15 minutes où on prend trois essais sur des problèmes d'organisation, on a une petite chance. J'ai des amis golfeurs dans cette équipe, je sais qu'il y a des joueurs avec un talent phénoménal. Si Vincent Clerc a le ballon à 20-25 mètres de l'en-but adverse, ils ne font pas du tout les fiers en face. Si on peut le mettre dans ces situations-là, avec un peu de folie... Il faut toujours y croire, on n'est pas en finale pour rien du tout. Et les Néo-Zélandais ont deux pieds, deux mains comme nous. Ce n'est pas parce qu'il y a marqué "All Blacks" sur leur maillot et qu'ils sont chez eux qu'on ne peut pas les battre... Une finale n'est-elle belle que si on la gagne ? Oui, et encore... Si on a tout donné et qu'on ne peut pas gagner, si on a fait une belle finale, ils pourront être fiers d'eux. Les critiques, je m'en fous complètement. Si certains ont mieux, qu'ils amènent leur équipe. Mais ça, c'est l'équipe de France, ce sont donc les meilleurs joueurs de rugby français. Il n'y a pas à critiquer. Ils donnent tout ce qu'ils ont, et pour l'instant ça passe, donc... Cette dernière pénalité qui passe sous la barre contre le pays de Galles, c'est peut-être un signe du destin... Il faut savoir l'accrocher, de temps en temps ça sourit et ça permet d'être champion du monde. Ça ferait taire tous les gens qui n'ont pas trop compris le sport, en disant que c'est la pire équipe qui n'ait jamais été en finale. Pourtant, il y avait 20 formations au départ, donc ça veut dire qu'il y en a 18 autres qui ne sont pas en finale et qui jouent moins bien. Où serez-vous dimanche à 10h ? Je serai au Masters de Castello, le tournoi de Sergio Garcia. Dimanche matin, si je me suis qualifié, je pourrai regarder la finale jusqu'à 11h30-11h45, donc il faudrait que je joue à partir de midi. Je vais donner le meilleur, me battre comme un malade, et on verra bien. Il y a beaucoup de télévisions autour de nous, alors ils pourront peut-être nous enregistrer le match. Je trouverai bien une façon de regarder, même si c'est en différé. Je leur souhaite bonne chance en tout cas, ce qu'ils vont vivre est fantastique. Surtout que quand on regarde notre génération, qui évolue dans un championnat très fort, ce sont des mecs doués. On en attend de grandes choses, et ça met trop de pression. C'est très difficile pour eux. Ils savent qu'ils ont le rugby pour s'imposer, mais la question dans le sport est toujours la même: est-ce qu'on va y arriver ? J'y crois, c'est faisable. Je risque de demander le score toutes les 10 minutes pendant que je joue...