"Tonton" Ferrasse s'est éteint

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Sylvain LABBE , modifié à
Figure incontournable de l'ovalie, Albert Ferrasse s'en est allé. A 93 ans, celui qui dirigea la Fédération française (FFR) d'une main de fer de 1968 à 1991, est décédé jeudi à son domicile d'Agen, à quelques encablures de l'ouverture de la Coupe du monde (en Nouvelle-Zélande, du 9 septembre au 23 octobre). Une compétition dont l'ancien président de l'IRB fut aussi l'initiateur.

Figure incontournable de l'ovalie, Albert Ferrasse s'en est allé. A 93 ans, celui qui dirigea la Fédération française (FFR) d'une main de fer de 1968 à 1991, est décédé jeudi à son domicile d'Agen, à quelques encablures de l'ouverture de la Coupe du monde (en Nouvelle-Zélande, du 9 septembre au 23 octobre). Une compétition dont l'ancien président de l'IRB fut aussi l'initiateur. C'est une page de l'ovalie qui se tourne avec la disparition d'Albert Ferrasse. C'est à son domicile d'Agen, que celui qu'on appelait Monsieur SUA, tant il était attaché à son club de toujours - une tribune du stade d'Armandie porte son nom - s'est paisiblement éteint jeudi à l'âge de 93 ans. Un monument, en vérité, tant "Tonton" Ferrasse, l'un de ses nombreux autres surnoms, aura fait bouger les lignes par-delà un certain folklore intimement lié à l'ère d'un rugby amateur. Lui qui aimait à se définir comme un "radical du centre" a contribué à redessiner la face du rugby hexagonal. Et plus encore à donner à la France la place qui lui revenait dans le concert des meilleures nations, à une époque où celle-ci était niée par le pouvoir historique des Anglo-Saxons, trop heureux d'entretenir le souvenir de son exclusion... dans les années 30. "C'est lui qui a fait en sorte que nous soyons respectés et reconnus, lui rendait hommage vendredi matin, depuis Falgos où l'équipe de France prépare la Coupe du monde (9 sept.-23 oct.), l'un de ses héritiers après avoir été l'un de ses opposants: Pierre Camou, président de la Fédération française (FFR) au bord des larmes. "Même si on l'attendait, le départ de Tonton, d'Albert, touche le rugby, mais surtout me touche profondément. Que ce soit en cette année de Coupe du monde en Nouvelle-Zélande, j'y pense encore plus fort..." Car Ferrasse fut un pionnier, en même temps que l'homme de deux familles, celle du SU Agen avec lequel il fut sacré champion de France en 1945 - il sera appelé à deux reprises en sélection, sans jouer - et celle de la FFR. Président du club lot-et-garonnais durant deux décennies (1963-1985), Ferrasse, fils d'un chef de gare né à Tonneins en 1917, régna surtout d'une main de fer sur la Fédération dès 1968. Deux ans plus tôt, "Bébert" - le sobriquet réservé à ses partenaires de belote au bar, Le Fair Play, à Agen - fomente avec ses amis, dont Guy Basquet, le coup d'état fédéral qui le portera au pouvoir. Pardessus, cigares et apartheid Ferrasse, c'est l'époque de ces messieurs en pardessus et aux gros cigares, qui pour beaucoup le voient régner tel un despote sur le rugby français. "Les Français sont ingouvernables", se plaisait encore à dire l'intéressé. Lui exerce un pouvoir solitaire, de manière implacable, sans crainte des conflits d'intérêt lorsqu'on lui reproche de favoriser en coulisse son cher SU Agen - amateurisme oblige, la FFR dispose à l'époque d'un droit de regard sur les mutations - ni du mélange des genres quand on le soupçonne de dicter en sous-main les compositions du XV de France. Une certaine vision du rugby, aujourd'hui révolue, qui ne peut à elle seule résumer son parcours. "Ferrasse, c'était aussi l'époque où un groupe de cinq ou six savait s'engueuler en privé, se souder en public pour construire et devenir les pionniers du rugby moderne", poursuit Camou. Si les méthodes de cet ancien arbitre - il dirigea la finale du championnat de France entre le Racing et Mont-de-Marsan (8-3) - dérangent dans "une époque non aseptisée, mais intéressante", dixit Camou, Ferrasse sait en effet faire bouger les lignes, lui qui permet à la France de prendre la présidence de l'IRB en 1980 puis de nouveau en 1987. Pas plus qu'il ne se trompe de combat lorsqu'il s'oppose à l'apartheid en Afrique du Sud, en y maintenant les tournées et en y imposant les présences au sein du XV de France de Serge Bourgarel en 1971 et de Serge Blanco en 1980. Un credo qu'il maintient à travers son amitié avec Danie Craven, le mythique dirigeant sud-africain. Mais son chef-d'oeuvre naît dans son esprit, dès le début des années 70, avec l'idée un peu folle à l'époque d'une Coupe du monde de rugby, dont il sera le premier à remettre le trophée en 1987 au capitaine néo-zélandais David Kirk. Près d'un quart de siècle plus tard, la compétition s'ouvrira le 9 septembre prochain, orpheline de son père fondateur.