Szarzewski: "Etre le numéro un"

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Propos recueillis par KRYSTEL ROCHE , modifié à
La Coupe du monde (9 sept.-23 oct.) approche à grands pas et notre site fait une entorse au format de sa série de portraits des 30 joueurs de l'équipe de France sélectionnés pour le Mondial néo-zélandais. Dans un long entretien, Dimitri Szarzewski, le talonneur tricolore évoque en détails son retour de blessure comme l'ambition qui l'anime à la veille de cette deuxième participation à la compétition suprême. Et avec ce statut de n°2 derrière William Servat qu'il espère dépasser...

La Coupe du monde (9 sept.-23 oct.) approche à grands pas et notre site fait une entorse au format de sa série de portraits des 30 joueurs de l'équipe de France sélectionnés pour le Mondial néo-zélandais. Dans un long entretien, Dimitri Szarzewski, le talonneur tricolore évoque en détails son retour de blessure comme l'ambition qui l'anime à la veille de cette deuxième participation à la compétition suprême. Et avec ce statut de n°2 derrière William Servat qu'il espère dépasser... Dimitri, vous venez de vivre une année bien tumultueuse... Etes-vous aujourd'hui totalement libéré psychologiquement pour aborder cette Coupe du monde ? Pour moi, c'est assez facile. Je me sers d'ailleurs de tout ce qui s'est passé pour être plus performant, et cela m'aide dans ma préparation pour la Coupe du monde. C'est vrai que je suis passé par des moments de doute cette année, j'ai fait beaucoup de sacrifices pour revenir le plus vite possible à mon meilleur niveau. Je n'oublie pas tout ce que j'ai vécu, et ça m'aide dans la vie de tous les jours pour progresser et avancer. Peut-on dire que ce mondial a une saveur particulière pour vous ? Bien sûr ! Comme je le disais à mes coéquipiers la semaine dernière, on sait quand on est en équipe de France, mais on ne sait jamais quand on y retourne... Avant de rentrer sur le terrain, je leur ai donc dit de jouer ce match comme si c'était le dernier, et de n'avoir aucun regret. Pour ma part, cela faisait un an que je n'avais pas participé à un match avec l'équipe de France. Et ce sont des moments difficiles, très longs. Quand on est devant son téléviseur à regarder ses coéquipiers, on se sent impuissant et on a envie d'être sur le terrain pour pouvoir les aider ! Ce sont des moments vraiment très douloureux, très particuliers. Donc quand on y est, on retrouve toute cette saveur. On essaie de ne pas galvauder la moindre de nos chances, et on en profite au maximum. Blessé lui aussi, Thomas Domingo n'a pas pu revenir à temps pour s'envoler pour la Nouvelle Zélande. De votre côté, comment avez-vous vécu votre course contre la montre après cette blessure ? Bien sûr, inconsciemment, on a des doutes. Je n'acceptais pas ma blessure, je voulais revenir le plus vite possible et j'étais intimement persuadé que j'y arriverais. Thomas était lui aussi persuadé qu'il saurait être dans les temps, et l'on s'aperçoit que non. Ce sont les aléas du sport : on n'est jamais à l'arbi d'une rechute, d'une reprise malheureuse, d'une nouvelle blessure. Il faut être vigilant. Mais pour ma part, j'ai toujours espéré, et ça a plutôt marché donc je suis très satisfait. Maintenant, l'objectif principal, c'est cette Coupe du monde qui commence dans quelques jours. Il faut continuer à monter en puissance. "On ne va pas en Nouvelle Zélande pour faire figuration !" Vous êtes passé par différentes étapes ces derniers mois. Pouvez-vous nous les décrire, et nous expliquer comment vous avez appréhendé chacune d'entre elles ? Je me suis blessé le 9 Janvier 2011, face à Toulouse. Ça a été un moment difficile à quelques mois de la Coupe du Monde, surtout que le tendon d'Achille est une zone assez délicate à soigner. J'ai eu la chance d'être entouré par un staff médical très compétent -qu'il s'agisse du Docteur Alexis Savigny (médecin du Stade Français), du Docteur Roland (du PSG), du Docteur Djial (qui m'a opéré) ou encore du Professeur Saillant, ce qui permet de se sentir rassuré. Nous avons pris la décision d'opérer, et c'était la bonne, puisque je suis revenu à temps. Après l'opération, ça a été un drôle de combat, avec une rééducation qui a commencé assez tôt à Capbreton. On est éloigné de sa famille et de ses coéquipiers. Or quand on est joueur de rugby, ce qu'on aime aussi, c'est le vestiaire. Or quand on est blessé, travailler tout seul dans son coin, ce n'est pas toujours évident. En tout cas, ce qui m'a servi d'objectif, et qui m'a permis de revenir plus vite et de ne jamais rien lâcher, c'est vraiment cette Coupe du Monde. Après Capbreton, je suis revenu sur Paris, à l'ADAPT (un centre de rééducation spécialisé, à Châtillon), pour enfin partir pour une expérience nouvelle en Floride, à Pensacola, dans un centre qui s'appelle "Athlete performance", où les Argentins ont effectué leur préparation pour les deux dernières Coupes du Monde. J'ai découvert autre chose (j'ai notamment eu la chance de côtoyer des basketteurs, des footballeurs américains, des hockeyeurs, mais aussi beaucoup de marines), et cela m'a permis de continuer ma rééducation pour arriver fin prêt le jour J. En quoi ce centre américain est-il différent de Capbreton, où vous avez eu également l'occasion de côtoyer des sportifs d'autres disciplines ? Déjà, il y avait la barrière de la langue. Mon anglais n'est pas très bon, cela m'a permis de progresser en vue de la Coupe du Monde. En Nouvelle Zélande, ce sera plus facile, même si l'accent est complètement différent. Mais les premiers jours en Floride, c'était un peu difficile, j'étais un peu perdu ! Cela reste tout de même une belle expérience, et c'est un endroit sympa, au bord du golfe du Mexique. Même si ce n'était pas les vacances, le décor y était ! Estimez-vous avoir recouvré l'ensemble de vos capacités, ou avoir encore une marge de progression ? La préparation n'est pas terminée, nous avons encore quelques jours avant le début de la compétition. Je compte bien progresser, et une montée en puissance est programmée tout au long de la Coupe du Monde. Sur le premier match, il y aura certainement des petits soucis, pour monter crescendo et arriver fin prêts pour les phases finales. Cette montée en puissance que tu évoques doit idéalement mener le XV de France en finale... Bien sûr, c'est l'objectif. Quand on est compétiteur, on a tous envie de remporter cette Coupe du Monde. Mais on sait pertinemment que ce sera difficile, que d'autres équipes veulent la remporter. En tout cas, on fera tout ce qui est en notre possibilité pour arriver le plus loin possible. Et le plus loin possible, c'est soulever la coupe Webb-Ellis... On n'y va pas pour faire figuration ! Je pense que nous avons les moyens de remporter cette Coupe du monde. Certes, nous ne sommes pas parmi les favoris, nous sommes outsiders. Mais nous figurons parmi les grandes nations du rugby... donc tout est possible. Les cartes sont-elles redistribuées avec William Servat ? Avez-vous l'impression qu'il y aura une réelle concurrence entre vous deux ? Je l'espère bien ! (sourire)... J'ai eu une petite discussion avec Marc (Lièvremont) au début de cette préparation physique, qui m'avait clairement dit que William était devant. Moi, je lui ai fait part de mes sentiments. : je lui ai dit que j'étais compétiteur, que je voulais jouer ma carte à fond et que j'espérais qu'il ait à faire un choix, le plus difficile possible. On connaît aussi les difficultés de William par rapport à sa blessure, même s'il est sur la bonne voie, il revient très bien. Il a effectué les derniers entraînements en opposition avec nous. Mais j'ai envie de participer pleinement à cette Coupe du monde, et être le numéro 1 des numéros 2. Mais c'est encore autre chose. Il y aura encore quelques matches et quelques entraînements pour déterminer tout ça. "En 2007, c'était un peu particulier" L'annonce quelque peu prématurée du prochain sélectionneur ne peut-elle pas créer des fissures au sein du groupe France, comme cela avait déjà été le cas dans d'autres sports ? Je n'en ai aucune idée. Après, ça alimente les journaux, ça fait parler. Jusqu'à présent, on a toujours dévoilé le nom du sélectionneur après la Coupe du Monde. Est-ce que ça va changer aujourd'hui ? Je n'en ai aucune idée. C'est le président de la Fédération, Pierre Camou, qui en prendra la décision. Nous, joueurs, on apprendra la nouvelle comme tout le monde. On n'en sait pas plus, on ne le saura pas avant... et je pense même que vous le saurez avant nous ! En 2007, Bernard Laporte savait déjà de quoi serait fait son avenir, et vous l'avait annoncé. Ne craignez-vous pas que les joueurs soient plus impliqués dans ce Mondial que le sélectionneur ? En 2007, c'était un peu particulier. On savait que Bernard Laporte allait être secrétaire d'Etat. Mais il avait vraiment à coeur de finir en beauté. Si Marc Lièvremont n'est pas reconduit, il aura vraiment à coeur lui aussi de terminer sur une bonne note. Staff comme joueurs, on va tous vers le même objectif : être champions du monde. Donc de ce côté-là, pas de soucis. Le match contre les All Black est-il déjà présent dans toutes les têtes ? On va prendre les matchs les uns par les autres, mais bien sûr qu'on y pense. Quand on voit la qualité des joueurs Néo Zélandais... Lorsqu'on discute avec des amis ou des supporters, tout le monde nous dit qu'on n'a pas de chance d'être tombés dans la poule des Blacks. Mais non ! Au contraire ! C'est une chance d'être dans cette poule : jouer contre la Nouvelle-Zélande (pays organisateur), en Nouvelle Zélande, ays du rugby, c'est quelque chose d'extraordinaire ! Vivre un événement pareil, c'est magnifique. On s'en souviendra toute notre vie. Quand on va arriver là-bas, je pense qu'on va être très bien accueillis Il y aura un engouement autour de ce match très intéressant. Je pense donc que c'est une chance de pouvoir les rencontrer, car toutes les équipes ne pourront pas affronter les Néo-Zélandais. Comment l'équipe appréhende-t-elle son tout premier match aux antipodes ? Pour le moment, on ne se pose pas trop de questions. On prend les matches les uns après les autres. On se concentre sur le Japon, qui monte en puissance, avec de très bons résultats ces derniers temps. Les Japonais ont battu les Tongiens, les Fidjiens et les Etats-Unis, donc attention à eux. Pour avoir vécu la Coupe du monde en 2007, j'avais été très surpris aussi par les nations dites « inférieures ». Elles sont vraiment prêtes physiquement et ce n'est jamais évident de s'imposer contre n'importe quelle équipe. Il va falloir respecter tout le monde. Dans un premier temps, les Japonais. Ensuite, les Canadiens. Avant le gros test contre les Néo-Zélandais. Et enfin, nous espérons tous un « huitième de finale » contre les Tongiens : une équipe redoutable et capable de réaliser de beaux exploits. Donc méfiance... "Je rends un bel hommage à Sylvain qui a tant fait pour ce sport" Les Nations du Sud semblent posséder une véritable avance sur celles du Nord. Pensez-vous disposer de suffisamment de temps pour combler ce retard ? Ils jouent le tri nations, ont montré de belles choses. Mais peut-être seront-ils un peu émoussés... Nous avons eu une préparation très spécifique pour être prêts le jour J. Et l'on s'est aperçu les années précédentes que ça marchait plutôt bien comme ça. Nous espérons donc rééditer les mêmes performances. Aujourd'hui, ils effectivement ont un temps d'avance sur les autres nations. Mais un match est un match... Il faudra aussi tenir compte des conditions climatiques, actuellement délicates en Nouvelle Zélande. On verra... Dans quel état d'esprit se trouvait le groupe après l'éviction de Thomas Domingo et Sylvain Marconnet ? Ce n'est jamais évident... Ça a été très difficile. Sylvain était vraiment très touché. Avec sa blessure, Thomas s'y attendait davantage, donc il a pris la mauvaise nouvelle différemment. Mais Sylvain a été, lui, beaucoup plus touché. C'était un peu particulier pour lui sachant qu'il avait raté la Coupe du monde en 2007, et que terminer sa carrière internationale sur un Mondial était vraiment son objectif. Ce sont des moments toujours cruels, mais on le savait. C'est la loi du sport... Il fallait en choisir deux, Sylvain et Thomas en font les frais. Je leur souhaite de rebondir très vite avec leurs clubs respectifs. A thomas de revenir le plus vite possible à son meilleur niveau, et à Sylvain de continuer... Et on ne sait jamais ce qui peut se passer, avec une éventuelle blessure et pourquoi pas un retour de Sylvain en Equipe de France. Mais samedi soir, il a eu quelques mots pour nous. Ça a été très touchant. Un moment très particulier et très émouvant. On vous sait particulièrement proche de Sylvain. Oui. Quand on est joueur de première ligne, on a des liens assez forts entre nous. En particulier avec Sylvain, avec qui j'ai partagé de bons moments, que ce soit au Stade Français ou en Equipe de France. Cela m'a donc fait énormément de peine de voir Sylvain dans cet état-là, car je l'ai rarement vu dans un état pareil ! Je l'ai toujours connu très fort. Des fois, on a l'impression qu'il est un peu arrogant (sourire), mais c'est quelqu'un de très sensible, et on l'a encore vu ce week-end. Ca fait mal au coeur de voir des joueurs de ce niveau, de ce talent, quitter le groupe comme ça. Il est tout de même le pilier le plus capé de l'histoire de l'Equipe de France, donc j'ai une grosse pensée pour lui, et je lui rends un bel hommage, lui qui a tant fait pour ce sport. A suivre vendredi: Cédric HEYMANS