Rougerie: "Pas d'enflammades"

  • Copié
Propos recueillis par SYLVAIN LABBE , modifié à
Match après match, Aurélien Rougerie s'installe dans la peau du second trois-quarts centre attitré du XV de France. Encore très en vue dimanche, à Dublin, où il a créé et offert le premier essai français en première main depuis des lustres, le Clermontois ne se laisse en aucun cas grisé. Lucide, il exprime avec son langage fleuri la difficile progression des Bleus vers leur meilleur niveau.

Match après match, Aurélien Rougerie s'installe dans la peau du second trois-quarts centre attitré du XV de France. Encore très en vue dimanche, à Dublin, où il a créé et offert le premier essai français en première main depuis des lustres, le Clermontois ne se laisse en aucun cas grisé. Lucide, il exprime avec son langage fleuri la difficile progression des Bleus vers leur meilleur niveau. Aurélien, vous avez donné le sentiment de monter crescendo durant ce match après une entame hésitante ? Disons que quand tu prends le tsunami dans la gueule (sic), c'est compliqué de sortir son épingle du jeu. Après, ce sont des attaques bien faites (sur l'essai français), bien lancées par François (Trinh-Duc), avec Damien (Traille), derrière Max (Médard), qui est en soutien ; c'est ce qu'on devrait faire tous les week-ends. Mais pas d'enflammades, on va savourer cette victoire et vite vite vite se remettre au travail pour la semaine prochaine. Match après match, vous vous installez au centre dans cette équipe de France. Une satisfaction (on lui apprend que le groupe des 23 est reconduit pour Twickenham, ndlr) ? Je ne suis pas un garçon qui se satisfait vite... J'apprends encore. Je ne suis plus en phase d'apprentissage, mais j'ai encore des progrès à faire pour ce niveau, il faut que je reste concentré et que je continue à travailler. La confiance du coach ? Ça me permet de jouer sans me poser de questions. C'est comme ça, je ne suis pas fataliste, mais j'ai un peu de bouteille. S'il veut en mettre un autre, meilleur, il le mettra, c'est le jeu, ma pauvre Lucette (sourires). On vous a vu omniprésent et même décisif dans le jeu aérien, sur ces récupérations de ballons hauts... On l'avait travaillé, la semaine dernière, on tombe deux, trois fois à côté, le ballon à deux mètres. Si on utilise ces coups de pied, c'est justement pour mettre la pression sur l'adversaire, donc il faut qu'on soit dessus. Après, ça tombe sur moi, mais c'est normal, je suis plus grand, je me suis lancé et puis il fallait y aller... "L'autosatisfaction ne m'intéresse pas vraiment" Marc Lièvremont a émis un bémol sur votre match en ce qui concerne quelques hésitations défensives. Le jeu en passes redoublées des Irlandais vous a gêné ? On le voit, c'est très dur à défendre, on marque comme ça d'ailleurs. Moi, deux fois, je reste, eux poussent au large, on se retrouve un peu en slip (sic). C'est un choix, si je me « barre » direct sans attendre Damien (Traille), il y a l'espace pour O'Driscoll. Il faut essayer de pallier au mieux, mais quand c'est bien fait, c'est compliqué. C'est ce qui rend le bilan mitigé. La marge de progression est là, j'ai encore des placements à travailler. On a pu avoir parfois la sensation d'un problème de communication entre les trois-quarts ? Il y avait beaucoup de bruit dans le stade et on était parfois obligés de se répéter trois, quatre fois les mêmes annonces de lancements de jeu. Peut-être qu'il faudra arriver à mettre en place un exercice de lecture sur les lèvres (rires). Au final, je n'ai pas le sentiment que ça nous ait trop perturbés. Est-ce que c'est votre meilleur match au centre en équipe de France ? Je ne sais pas si c'est le meilleur. Et puis l'autosatisfaction ne m'intéresse pas vraiment, j'ai encore pas mal de progrès à faire. Trois essais concédés face à l'Ecosse, trois de plus sur ce match : c'est beaucoup trop... Eh oui, surtout en début de match, où on prend la foudre terrible. Ce n'est pas trop sur les fautes de défense, c'est plutôt sur le physique et le contact irlandais. On ne s'est pas déchiré en défense, il n'y a pas d'erreurs de ligne. Il va falloir passer un petit moment en salle de « muscu' » (sourires). Ça ne vous inquiète pas au regard de ce que produit l'Angleterre aujourd'hui, notamment derrière ? Ils sont énormes, sur leur petit nuage actuellement. Ils ont deux camions bâchés au milieu et des mecs qui pédalent derrière (sic). Ils sont complets, ça va être compliqué. C'est un énorme défi, mais c'est comme ça qu'on avance. Il va falloir se transcender pour aller les provoquer chez eux. Mais bien sûr que c'est jouable, sinon, on n'irait pas. "On est latins, un peu laxistes..." Face à l'Ecosse, vous aviez déjà fini dans le rouge, n'y a-t-il pas tout de même un problème physique ? On a laissé des plumes dans les rucks, ils sont pénibles. Donc enchaîner ruck-course-ruck-course, à un moment donné, ça finit par piquer. On n'était pas morts, il y avait des moments un peu intenses, malgré ce faux rythme. Que faut-il retenir avant tout, la victoire à Dublin ou adopter le regard critique de Marc Lièvremont ? Il faut penser un peu aux deux. On ne va pas bouder notre plaisir, on a besoin, pour la vie du groupe, de vivre ces moments-là, donc on va se retrouver, boire un coup ensemble et vivre encore une journée ensemble (lundi), avant de se reconcentrer sur le déchet et ce qui n'a pas marché. On aura le temps de revoir tout ça. Mais c'est toujours plus facile de travailler dans ces conditions-là. On sait qu'on a gagné, pas forcément avec la plus belle des manières, donc à nous de nous remettre en question pour la semaine prochaine. Est-ce que l'équipe s'est rassurée ? Je ne sais pas, en tout cas, on a gagné, c'est déjà pas mal. Ce n'était pas écrit, on ne s'est peut être pas rassuré dans certains secteurs de jeu, dans d'autres un peu, il faut prendre le bon et essayer de construire là-dessus. Bien sûr tout reste fragile, mais c'est comme tout, dans ces matches, il ne faut pas craquer mentalement, il faut savoir s'accrocher. En plus, on est latins, un peu laxistes, donc a besoin de ça pour rester soudés et concentrés. Pour rester un groupe et une équipe.