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S.L., envoyé spécial , modifié à
Une semaine après avoir écarté l'Angleterre en quarts de finale de la Coupe du monde (19-12), l'équipe de France doit éviter tout relâchement coupable qui lui serait fatal samedi, à l'Eden Park, en demi-finale face à un Pays de Galles en état de grâce. Sa troisième finale mondiale est à ce prix ! Un match à suivre en direct sur notre site.

Une semaine après avoir été si fidèle à la tradition française du sursaut d'orgueil pour écarter l'Angleterre, l'équipe de France doit combattre sa nature profonde pour éviter le relâchement coupable qui, à coup sûr, lui serait fatal samedi, à l'Eden Park, face à une équipe du Pays de Galles en état de grâce. Sa troisième finale mondiale est à ce prix ! Pour avoir souffert de tant de maux depuis le début de cette campagne, nos chers schizophrènes de l'équipe de France, Docteur Jekyll et Mr Hyde tricolores, capables en une semaine de passer de l'humiliation suprême des Tonga à la réhabilitation face aux Anglais, ne verront pas d'inconvénients à ajouter une pathologie supplémentaire à leur cas. Leur salut est à ce prix. On aimerait voir des Bleus amnésiques pénétrer samedi, sur la pelouse de l'Eden Park, pour défier les Diables rouges gallois. Une semaine après avoir convoqué toute la légende des Bleus au grand complet et fait vibrer à l'unisson la corde sensible de l'orgueil et de la fierté bafoués, pour la réussite que l'on sait face à l'ennemi héréditaire, un seul mot d'ordre s'impose aujourd'hui: "Oubliez tout !" Après s'y être accroché comme à une sainte relique, l'équipe de France doit faire table rase de son passé, celui qui invariablement lui revient en pleine figure, mal français atavique, qui conduit ses plus beaux héros droit dans le mur. "On ne sait jamais si on sera à nouveau à la hauteur de l'événement, c'est toujours la difficulté qu'on a à préparer ce genre de matches". Thierry Dusautoir, capitaine dans la lignée, ne fait pas exception, lui aussi doit lutter pied à pied contre cette tentation si française, qu'il a lui-même éprouvé en 2007 à son corps défendant, passé de l'euphorie de l'exploit de Cardiff face à des All Blacks au sommet de leur art à l'affront anglais à Paris une semaine plus tard. Une faiblesse qui transcende les générations. Marc Lièvremont porte la même croix pour en avoir fait l'amère expérience en 1999 après le sommet d'intensité d'une demi-finale gagnée, déjà face aux Blacks à Twickenham, avant de déposer les armes une semaine plus tard en finale face à l'Australie. Les années passent mais la menace, elle, rode donc toujours... Lièvremont: "J'ai surtout peur des Gallois " On voudrait croire ces Bleus différents. Certains d'entre eux, dont on est certain qu'ils ont gardé les yeux grands ouverts, l'ont avoué sans détour: sans doute, ne sont-ils pas les plus talentueux d'entre tous, mais au moins savent-ils regarder leur réalité en face. Au terme d'une semaine nettement moins exaltée, et pour tout dire un brin tristounette au regard de l'événement à venir, on se raccroche aux propos de Dimitri Yachvili: "J'ai entendu parler d'exploit. On n'a pas réalisé d'exploit le week-end dernier. On a joué à notre juste valeur, on a donné le meilleur de nous-mêmes, donc il n'y a pas de raison qu'on ne le reproduise pas ce week-end." A la différence de leurs aînés, leur exploit est à venir et la victoire sur l'Angleterre, si elle assure un service minimum pour ces messieurs de la fédération (voir par ailleurs), n'a fait que laver un honneur bafoué dans la nuit de Wellington. Lièvremont n'affirme pas autre chose lorsqu'il met ainsi en garde: "Le danger, ce serait que mes joueurs se trouvent bons ou trop bons. Ce sont les mêmes qui ont joué contre les Tonga et contre l'Angleterre." Et ce seront encore les mêmes qui samedi tenteront d'enrayer l'irrésistible marche en avant d'une équipe du Pays de Galles qui marche sur l'eau... Oubliez tout, vous dit-on ! Tout ce que vous saviez sur le XV du Poireau, ses statistiques largement défavorables face aux Bleus, son jeu souvent séduisant, mais parfois tête-brulée, ses faiblesses dans le jeu d'avants, tout cela appartient au passé ! Les Français n'auront pas eu assez de mots pour qualifier la qualité du jeu produit par les joueurs de la Principauté depuis le début de ce Mondial. "Un rugby magnifique", résumera, admiratif, le capitaine tricolore quand Lièvremont avouera sans détour l'origine d'un stress supérieur à la semaine dernière: "J'ai surtout peur des Gallois." On le comprend car cette équipe a tout pour elle : le talent à revendre, la jeunesse insouciante et ce jeu si complet, celui-là même derrière lequel les Bleus n'ont cessé de courir depuis bientôt quatre ans et qu'ils ont à peine, oui, vraiment à peine, esquissé face à de tristes Anglais. "Une équipe pour réaliser de bons résultats a besoin de confiance, veut croire Lièvremont. Et d'une certaine manière, cette première mi-temps contre l'Angleterre et cette bonne semaine d'entraînement, avec l'implication de tous, vont dans ce sens-là, j'ai eu le sentiment que les joueurs parlaient la même langue rugbystiquempent." Avant qu'il ne précise: "Ça, c'est valable pour les Anglo-Saxons. Et les Gallois ont su faire preuve de cette constance dans leurs matches. Et nous, Latins, on a besoin d'une forme de colère, besoin d'affectif ; il nous faudra un mélange de tout ça." Mais reste-t-il seulement de la colère chez ces Bleus ? "On ne peut pas actionner les mêmes leviers que la semaine dernière, la frustration, la honte, je ne me suis pas amusé à jouer les pères fouettards pour brimer mes joueurs et les frustrer toute la semaine, avoue le sélectionneur tricolore, qui positive encore et toujours: Il me semble qu'un bon match contre l'Angleterre ne doit pas suffire pour nous libérer de toute forme de frustration, de toute forme de colère contre nous même..." La parole d'or de Yachvili cette semaine pour conclure comme un espoir formulé face aux Gallois triomphants: "A mon avis, les équipes les ont un peu sous-estimés depuis le début de la compétition. Nous, on est avertis." On aimerait en avoir fait autant avec les Français...