Nadal: "un jour très spécial"

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Propos recueillis par Yannick SAGORIN, à Roland-Garros , modifié à
ROLAND-GARROS - Le Majorquin a affiché sa joie après sa victoire.

ROLAND-GARROS - Le Majorquin a affiché sa joie après sa victoire.Compte tenu de votre émotion sur le court, on imagine que c'est un jour très spécial pour vous...Un jour très spécial, une victoire d'importance, l'une des victoires les plus importantes de ma carrière, je pense. Comme je vous l'ai dit à maintes reprises, l'année a été semée d'embûches. L'année dernière, après Roland-Garros, les choses ont été difficiles. J'ai travaillé d'arrache-pied pour être ici. J'ai joué avec beaucoup de fébrilité et de nervosité pendant tout le tournoi parce que je voulais à tout prix remporter le titre à nouveau. L'occasion s'est présentée. Donc, ce qui est positif, aujourd'hui, c'est que j'étais prêt à jouer le match à mon meilleur niveau, quelles que soient les conditions.Vous êtes de nouveau numéro un mondial. Quelle est la chose la plus importante pour vous ? Le titre ou cette place retrouvée ? Pour moi, c'est le trophée qui est le plus important. Remporter Roland-Garros est ce qui m'importe. J'ai été numéro 1 déjà. Après le match, j'ai pleuré et je ne pensais pas à la place de numéro un mondial. Je voulais vraiment remporter ce titre parce que j'ai beaucoup travaillé pour y parvenir.Etiez-vous plus concentré qu'à l'accoutumée pour cette finale ? J'essaie toujours de faire de mon mieux sur chaque point. Chaque semaine, il y a des statistiques, concernant notamment les balles de break qui ont été sauvées tout au long de l'année. Et moi, je suis numéro 1 !Il n'était pourtant pas facile de défendre aujourd'hui, face à un tel cogneur... Ça n'a pas été un match facile, c'est vrai. Robin est un joueur très fort. Il a un très gros service, des coups du fond du court très à plat. Il frappe bien des deux côtés en coup droit et en revers. Il est très difficile à contrer. C'est très difficile de dicter le jeu, d'avoir le contrôle des points contre Robin. Physiquement, j'étais en pleine possession de mes moyens. J'étais très affûté mentalement. J'étais beaucoup plus véloce. Je me suis très bien déplacé, bien mieux qu'aux précédents matches du tournoi. Je suis ravi de la façon dont j'ai joué aujourd'hui parce que ma tactique était bien en place. Mes déplacements et mes mouvements étaient optimaux. Quelles étaient les conditions de jeu aujourd'hui ?C'est une journée qui m'a bien convenu. Avec un temps ensoleillé, les balles rebondissent haut et le court est beaucoup plus glissant qu'à l'accoutumée. Avec le temps d'aujourd'hui, j'étais beaucoup plus stable sur mes appuis. Ce n'est pas le cas quand le court en terre battue est sec. "Il faut toujours apprendre des moments difficiles pour affronter le futur"Pourquoi est-ce le titre le plus important à vos yeux ? Disons que c'est l'un des plus importants... Ma victoire à Wimbledon était fantastique par exemple. Comme je vous l'ai dit, l'année a été dure. Il était difficile d'accepter les blessures et tout ce qui s'en est suivi. Je me suis demandé si j'étais à 100 %, prêt à rivaliser avec les autres sur le court. J'étais frustré. A l'US OPEN, j'avais une déchirure abdominale. À l'Open d'Australie, j'ai jeté l'éponge parce que j'avais des problèmes. Et aujourd'hui, je suis de retour !Est-ce une revanche sur le mauvais sort qui s'est acharné ces derniers mois ? Vous savez, lorsque vous remportez un match, vous pensez au nombre d'heures que vous avez passées sur le court, aux efforts que vous avez déployés pour parvenir à jouer votre meilleur tennis. On pense aussi au temps qu'il reste pour remporter un tournoi. Moi, il m'a fallu 11 mois pour remporter un tournoi, donc beaucoup de moments difficiles. Je rentrais chez moi sans victoire. Et puis, parfois, on participe à un tournoi et il faut jeter l'éponge. Ce sont des moments difficiles à accepter. Mon objectif personnel était d'être de retour sur le circuit à mon meilleur niveau. C'est ce que j'ai fait. Bien sûr, Roland Garros revêt une importance capitale. Mais c'est aussi une satisfaction personnelle de m'être battu pour en arriver là.Avez-vous craint de ne pas retrouver votre meilleur niveau ?Oui, bien évidemment ! Nous avons tous nos propres doutes, nos propres interrogations. Je ne suis pas une exception. Lorsque j'ai travaillé dur en décembre, j'avais le sentiment que je pouvais remporter l'Open d'Australie parce que j'avais très bien joué à Abu-Dhabi et à Doha. Lorsque j'ai dû abandonner à Melbourne, en quarts de finale, cela a été un moment particulièrement difficile pour moi. Ce qui importe, ce n'est pas tant de perdre le match qu'une blessure qui vous tient éloigné des courts pendant trois semaines. Vous considérez-vous plus fort aujourd'hui qu'en 2008 ? Vous savez, je n'aime pas trop comparer. Je n'ai jamais aimé cela. Tout va très bien. Jour après jour, je suis très heureux de la manière dont je joue. Federer aussi a très bien joué. Il était très content de jouer en Australie, à Miami. Moi, c'est pareil. J'essaie de maintenir ce niveau le plus longtemps possible. Pour cela, il faut vraiment être en très bonne santé. Je fais donc très attention à ne pas avoir de blessures. Il faut toujours apprendre des moments difficiles pour affronter le futur. Justement, comment vous sentez-vous physiquement à ce stade de la saison ?Physiquement, je me sens bien. Je n'ai pas de problème. C'est la chose la plus importante pour moi. Si je suis en bonne santé, je vais apprécier de jouer au tennis. Lorsque vous avez des pépins physiques, vous ne pouvez pas penser au tennis. Si vous pensez à vos genoux, vous ne pensez plus au tennis. Bien sûr, on peut jouer avec la douleur, mais seulement jusqu'à un certain point. "Je serais très arrogant si je disais que je suis le meilleur joueur de l'histoire sur terre battue"Quel sera votre objectif à Wimbledon ?Laissez-moi au moins profiter de cette journée, c'est très important pour moi ! Avant de parler de Wimbledon, laissez-moi profiter de ma victoire ici. C'est vraiment la réalisation d'un rêve. C'est très spécial. Demain après-midi, quand je commencerai à m'entraîner à Queen's, je tournerai la page. On parlera de Queen's et de Wimbledon. D'abord, je profite de la journée. J'ai beaucoup de chance. Je vais essayer de m'entraîner et de passer le plus de temps possible sur le court cette semaine pour reprendre le rythme sur pelouse et arriver le mieux préparé possible à Wimbledon. Pensez-vous être le meilleur joueur sur terre battue qu'on n'ait jamais connu ? Non, non. J'ai un bon bilan ici. Je n'aurais jamais pensé pouvoir remporter ce tournoi cinq fois. Barcelone cinq fois, Rome cinq fois, Monte-Carlo six fois. C'est bien plus qu'un rêve lorsque je vois ces chiffres, ces statistiques. Elles sont incroyables. Je ne sais pas comment j'y suis parvenu moi-même. Je serais très arrogant si je disais que je suis le meilleur joueur de tennis de l'histoire sur terre battue. Je n'y crois pas. Si les chiffres disent que j'ai été un très bon joueur ces dernières années, eh bien, je vais continuer à jouer pour maintenir ces chiffres le plus longtemps possible. On verra quand j'aurai fini ma carrière. Ce n'est pas moi qui décide ce genre de choses. C'est à vous de décider. Vous avez en tout cas un lien très particulier avec la terre battue ? Comment dire ? Etant petit, je ne me considérais pas comme un spécialiste de la terre battue. Il semblerait que, depuis 2005, la terre battue ait été la surface où j'ai le mieux joué, où j'ai pu adapter ma façon de jouer, de me déplacer. Cette surface, je l'aime, je l'aime de tout mon coeur parce qu'elle m'a donné tant de joie. Gagner ici, à Paris, c'est quelque chose de tellement spécial. Tous les tournois que je gagne sont une satisfaction énorme. Mais gagner le Grand Chelem de nouveau, ici, à Paris... J'étais parti avec le moral dans les chaussettes, l'année dernière. Aujourd'hui, je reviens et je gagne. C'est peut-être le tournoi que j'avais le plus envie de gagner. Je pense avoir énormément de chance dans la vie pour avoir vécu tout ce que j'ai vécu à 24 ans. Jamais, dans mes meilleurs rêves, je n'aurais rêvé de vivre tout ce que la vie m'a donné, la joie de vivre. Merci, merci à la vie pour m'avoir gâté jusqu'ici !