Lyon-Bordeaux, affiche déclassée

© MAXPPP
  • Copié
, modifié à
LIGUE 1 - En mars 2010, Lyon-Bordeaux était un quart de finale de Ligue des champions.
Mvuemba avec Lyon (930x620)

© REUTERS

"Qui vous dit que ce ne sera pas un quart de finale de Ligue Europa cette année ?" Jean-Michel Aulas a le sens de la formule, pour ne pas dire de l'humour. Interrogé dans les colonnes de l'hebdomadaire France Football sur la rencontre de dimanche soir entre Lyon et Bordeaux, passée en trois ans et demi d'un quart de finale de Ligue des champions à une rencontre de bas de tableau de Ligue 1, entre le 14e et le 15e, le président de l'OL a préféré ironiser. "Je n'ai rien contre cet éventuel quart de finale de Ligue Europa, ça me va très bien", lui a répondu au micro d'Europe 1 le président des Girondins, Jean-Louis Triaud.

Problème : après deux journées dans la phase de groupes, Lyon (ici Arnold Mvuemba, photo), privé de Ligue des champions cette saison, ne compte que deux points et Bordeaux, 0. En trois ans et demi, les deux clubs sont donc passés de quart de finalistes de la Ligue des champions à clubs ordinaires de la deuxième compétition européenne. Mais que s'est-il passé pour en arriver là ?

Fuite des talents, effets au classement

Triaud, président de Bordeaux (930x1240)

"Oui, il y a une perte de standing de ne pas être en C1, mais il y a des raisons structurelles au fait que Lyon et Bordeaux ne soient pas au sommet", analyse "JMA" dans FF. "On s'est mis en situation de respecter le fair-play financier (voulu par l'UEFA, qui régit le football européen, ndlr). On est plutôt des bons Européens par rapport à d'autres." De son côté, le président Triaud (photo) ironise : "il y a des points de similitude entre Lyon et Bordeaux. C'est-à-dire qu'eux étaient très riches et sont un peu moins riches, et nous, on était pauvres, et on est un peu plus pauvres." La perte de standing est telle que l'entraîneur des Girondins en personne, Francis Gillot, a avoué après la défaite (2-1) contre le Maccabi Tel-Aviv en Ligue Europa que son effectif n'avait plus les moyens de disputer deux compétitions de front : "la C3 cette année, on ne peut pas la jouer, je ne vais pas inventer un effectif." Même si son président met ça sur le coup de la colère et de la frustration, cette affirmation traduit une réalité. L'effectif des Girondins 2013-14 n'a plus grand-chose à voir avec celui de la saison 2009-10, celle du quart de finale perdu contre l'OL.

Compositions de Lyon-Bordeaux (930x720)

© Capture d'écran uefa.com

Des onze joueurs qui avaient entamé le quart aller face à l'OL, deux seulement sont encore au club : Cédric Carrasso et Mathieu Chalmé. Du côté lyonnais, c'est encore plus éloquent : il n'y a plus un seul titulaire dans l'effectif. Les Lloris, Makoun ou Lisandro sont partis, afin de réaliser de beaux transferts ou d'alléger la masse salariale.

L'OL, battu 1-0 au retour, s'était qualifié :

Gourcuff avec Bordeaux (930x1240)

© REUTERS

Présent sur la pelouse lors de cette double confrontation, un joueur plus qu'un autre symbolise la "dépréciation" de cet OL-Bordeaux : Yoann Gourcuff. Transféré à Lyon lors de l'intersaison 2010, il n'a jamais confirmé les 22 millions d'euros mis sur la table par le club rhodanien. Pour autant, Aulas refuse de parler d'"accident industriel" à son sujet. "L'accident industriel, ce n'est pas un mauvais recrutement, c'est quand vous finissez quatorzième ou quinzième (tiens, c'est le classement actuel de Lyon et de Bordeaux...) alors que vous avez une équipe pour terminer dans les cinq premiers."

Depuis le départ de Gourcuff, couplé à celui de Marouane Chamakh, Bordeaux est rentré dans le rang, achevant les quatre exercices suivants entre la 5e et la 7e place. "Un titre, c'est toujours difficile à assumer", reconnaît Jean-Louis Triaud au sujet du sacre de 2009. "On l'a vu avec Lille, avec Montpellier, ça a été le cas avec Bordeaux. Un titre, ça fait très plaisir, et ce n'est pas pour autant qu'on va se priver d'en gagner un autre si on peut, mais c'est en général quelque chose qui coûte cher. Il y a les primes d'objectifs et les renouvellements de contrats. La victoire, ce n'est pas toujours un cercle vertueux, mais parfois vicieux."

"Ça va être le régime des clubs classés de 3 à 20"

Ibrahimovic face à Bordeaux (930x620)

Récents champions contraints de jouer les seconds rôles, Lyon et Bordeaux - les deux derniers vainqueurs de la Coupe de France -, mais aussi Lille et Marseille, sont contraints aujourd'hui de se serrer la ceinture pour équilibrer leurs budgets. "Depuis 2010, notre budget a baissé car ne nous n'avons plus disputé la Ligue des champions. On est passé de 100 à 75 millions d'euros, et enfin à 60 millions d'euros pour cette saison", explique Jean-Louis Triaud. "Ça va être le régime général des clubs classés de 3 à 20 (Le PSG et Monaco étant hors concours selon le président bordelais, ndlr). Il faut qu'on s'habitue à vivre avec des budgets qui rentreront dans le cadre du fair-play financier et à ne pas dépenser plus que l'on ne gagne. Inutile de spéculer sur une qualification éventuelle en Ligue des champions."

Victime des aléas du sport et des résultats, l'OL et Bordeaux doivent dorénavant s'adapter à la montée en puissance du PSG et de Monaco, amenés à truster les deux premières places du classement directement qualificatives pour la lucrative Ligue des champions. Malgré tout, le président lyonnais espère pouvoir concurrencer à terme les deux nouveaux mastodontes de la Ligue 1. "Bientôt, on luttera à armes égales avec Monaco et Paris et les autres clubs européens qui vont devoir s'adapter aux nouvelles règles édictées par l'UEFA", estime-t-il. "Cette saison, à Lyon, on a investi autant d'argent que Monaco et paris. Eux, ils ont investi dans les joueurs, nous dans le stade."

Un nouveau stade, de nombreux jeunes

Le stade de Décines (930x620)

Outre leur médiocre classement actuel et une certaine désaffection du public (chute de 31% en un an des recettes de billetterie pour l'OL, moins de 8.000 spectateurs en Ligue Europa à Bordeaux), l'OL et les Girondins ont un autre point commun : une nouvelle enceinte en construction. Le Stade des Lumières, à Décines, dans la banlieue lyonnaise, devrait être inauguré en janvier 2016 alors que le Grand Stade de Bordeaux devrait sortir de terre début 2015. Ces nouveaux stades devraient rapporter davantage d'argent aux deux clubs, notamment à l'OL qui sera propriétaire. L'objectif : réduire la part d'aléatoire liée aux résultats sportifs dans le bon fonctionnement du club, comme le font le PSG et Monaco en dépensant des dizaines de millions d'euros pour acheter des joueurs...

Benzia avec les jeunes (930x620)

En attendant, Lyon comme Bordeaux n'ont pas les moyens de s'offrir des Ibrahimovic ou autre Falcao. Alors, il faut être inventif. "La différence entre Monaco et le PSG, c'est que nous, on va chercher un finaliste de la Coupe du monde des moins de 20 ans, l'Uruguayen Diego Rolan, et on sait qu'il faudra du temps pour qu'il s'adapte. On est obligé de miser sur des joueurs en devenir alors que les deux autres pourront toujours taper sur du gros et du confirmé." Et ces joueurs en devenir proviennent aussi, et surtout, des centres de formation. Les Girondins comptent 11 joueurs formés au club sur un effectif professionnel de 29 joueurs, alors que la proportion est bien plus importante encore à l'OL, où 21 joueurs (!) sur 34 ont fait leurs classes à Tola-Vologe. Lyon-Bordeaux, affiche déclassée sans doute. Affiche d'avenir peut-être aussi.