Lièvremont l'intouchable

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S.L., envoyé spécial , modifié à
De pestiféré à intouchable, la frontière est ténue pour un Marc Lièvremont qui a réussi le pari de mener l'équipe de France en finale de la Coupe du monde. Promis encore il y a peu au même bûcher qu'un Domenech, le sélectionneur tricolore se construit aux antipodes, quoi qu'on en dise, un destin à la Jacquet. Une trajectoire que sa franchise, ses maladresses ou sa naïveté, dont le taxent ceux qui continuent à le sous-estimer, ne font qu'accentuer.

De pestiféré à intouchable, la frontière est ténue pour un Marc Lièvremont qui a réussi le pari de mener l'équipe de France en finale de la Coupe du monde. Promis encore il y a peu au même bûcher qu'un Domenech, le sélectionneur tricolore se construit aux antipodes, quoi qu'on en dise, un destin à la Jacquet. Une trajectoire que sa franchise, ses maladresses ou sa naïveté, dont le taxent ceux qui continuent à le sous-estimer, ne font qu'accentuer. L'homme et l'entraîneur Marc Lièvremont touche au but, mais ne peut se satisfaire de ce billet, fut-il historique, pour une troisième finale de Coupe du monde dans l'histoire de l'équipe de France. Et de se déclarer: "Heureux, sans être comblé pour l'instant." Sa mission n'est pas finie. Ne rien lâcher, jusqu'au bout, Lièvremont ne variera pas d'un pouce, la même exigence et la même honnêteté chevillées au corps, entier face aux évènements. "Depuis quelques semaines, quelques mois, l'homme et l'entraîneur ne font qu'une même personne", commente-t-il, conscient qu'en Nouvelle-Zélande, l'homme a perdu sans doute pas mal d'illusions, mais que l'entraîneur s'est aussi blindé face aux évènements et au déluge de critiques, ciblant tantôt sa naïveté, son inexpérience, voire même son incompétence, ou les trois à la fois. "L'équipe de France a une vieille histoire de résultats en dents de scie, dit-il. Il est évident que j'aurais aimé la faire gagner plus souvent" Mais alors qu'on le voue aux gémonies, coupable d'avoir mis le jeu des Bleus plus bas que terre, il ne doute pas: "Je sais que je suis compétent. J'ai été triste, déçu, en colère parfois. Mais je ne suis jamais senti dépassé. Je ne cherche pas à exister à travers l'équipe de France. Mais j'ai une mission et je la remplirai jusqu'au bout." L'entraîneur et les joueurs L'équipe de France qu'il espérait conquérante et sûre de son fait aux antipodes n'a pas répondu à ses attentes. Même qualifiés au terme de la plus faible et de la plus pauvre des trois demi-finales de Coupe du monde remportées par le XV de France, certains de ses joueurs ont encore trouvé le moyen de s'illustrer en ne respectant pas ses consignes d'après-match (voir: Sermon aux sales gosses). Un détail... Mais Lièvremont, après s'être longtemps torturé avec des questions existentielles, n'est plus disposé à prendre de gants ou à ménager les uns et les autres. L'entraîneur qu'il est devenu et qui a goûté en 1999 à ce frisson ultime d'une finale de Coupe du monde en tant que joueur, sans pouvoir soulever le Graal, ne partage rien en la même circonstance avec le joueur qu'il a été. "Non, ça ne peut pas être le même sentiment. Ce sentiment du devoir accompli, cette satisfaction simple, on ne peut les avoir que quand on est joueur ; entraîneur, il y a toujours une forme de frustration, il y a toujours la volonté de penser à autre chose, de penser au lendemain, à ce qui va suivre, à la conférence de presse..." Un souci permanent qui l'empêche de relâcher son effort et son attention au chevet d'un groupe, toujours aussi difficile à cerner. Mais qu'il continue d'aborder avec le même a priori: "Je crois en ce qu'il y a de meilleur dans les hommes." Le jeu et l'entraîneur A ceux qui aujourd'hui, face au triste spectacle du match produit face aux Gallois, lui reprochent de faire peu de cas, voire même de piétiner ses convictions et sa profession de foi sur les vertus du beau jeu exprimées dès sa prise de fonctions, Lièvremont oppose aujourd'hui un pragmatisme de circonstances, qui pour beaucoup le disqualifierait, quand les Bleus, eux, seront au rendez-vous de la finale de l'Eden Park dimanche prochain, face aux Blacks. "Rien n'a changé, souligne-t-il, j'aime toujours autant gagner et je déteste toujours autant perdre, c'est la priorité. Surtout quand on joue une Coupe du monde." Un postulat qui vaut pour tout bon compétiteur. "Nos contenus d'entraînement vont toujours vers du jeu offensif, les joueurs savent s'adapter ; ce qu'on a vu hier (samedi), c'est ce qu'on travaille à l'entraînement, à savoir des fins de séquence, quand on est plus dans l'avancée, savoir sortir au pied. Il se trouve qu'on a fait essentiellement des fins de séquence, mais on essaie encore une fois de pratiquer un rugby le plus complet possible, le plus offensif possible. [...] Mon discours à la mi-temps a été dans le sens des joueurs, on n'est pas bien, on n'est pas en place, dès qu'on a joué, on a perdu des ballons, les Gallois sont plus réactifs que nous en défense, alors restons sur ce qu'on maîtrise en ce moment, une bonne occupation au pied et une bonne défense." Une quintessence ou comment savoir "gagner avec nos armes du moment, qui sont peut-être, certainement même, les armes du rugby français aujourd'hui ; il faut savoir apprécier et se contenter de ça. " Et ça, c'est le privilège de disputer une finale de Coupe du monde. Rien de moins.